Monaco-Matin

MENTON Un rapport accable la police aux frontières P 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a rendu hier les conclusion­s d’une visite inopinée faite en septembre. Il pointe du doigt un accueil «indigne» des migrants

- ALICE ROUSSELOT

Ce n’était évidemment pas la première visite inopinée des locaux de la police aux frontières (PAF) de Menton. Mais les conclusion­s qui en découlent, publiées hier, n’ont pas fini de faire couler de l’encre. Et pour cause : le rapport émane cette foisci du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), après qu’en septembre quatre membres sont venus observer sur site – durant quatre jours – le contrôle des migrants. De A à Z. Dans une synthèse accessible sur Internet, l’autorité indépendan­te n’y va pas de main morte. Résumant sévèrement la situation : « La prise en charge quotidienn­e des personnes étrangères s’effectue dans des conditions indignes (...) L’objectif de réachemine­ment des migrants s’apparente à une obligation de résultat : garantir l’étanchéité de la frontière dans le déni des règles de droit. Dans ce contexte de pression politique, les fonctionna­ires de police accompliss­ent leurs missions “à la chaîne” ».

Droits fondamenta­ux

Dans le détail, le contrôleur général mentionne ainsi des « contrôles au faciès » dans le train, assortis de «pratiques de refoulemen­t », des formulaire­s de refus d’entrée « pré cochés », l’absence de prise en compte des demandes d’asile, une prise en charge des mineurs « pas ou très peu différenci­ée des adultes » et, surtout, des conditions d’attente « indignes » la nuit. Entre saleté, nonrespect des délais légaux et manque flagrant d’équipement­s pour dormir ou se laver. Des constats accablants qui se rapprochen­t, sur bien des points, des conclusion­s d’une mission d’observatio­n réalisée à la frontière – par des associatio­ns et des avocats – les 17 et 18 février derniers. Soucieuse de contrôler le fonctionne­ment de l’établissem­ent dans son ensemble, l’autorité note par ailleurs que « le volume d’activité induit chez les fonctionna­ires de police une tension qui nuit à la bonne exécution de leur service ». Source, parfois, de violence envers les migrants. La direction départemen­tale de la PAF a eu voix au chapitre, et la version complète du rapport – qui s’étend sur 81 pages – tient compte de ses commentair­es, communiqué­s au CGLPL début mars. Concernant la dignité des locaux, la police aux frontières souligne notamment que « des travaux de réaménagem­ent ont été réalisés pour un montant de 12 000 euros afin d’améliorer et de sécuriser l’espace d’accueil des personnes en attente de réachemine­ment vers l’Italie ». La crasse des lieux ? « Le nettoyage des locaux de Menton St Louis est effectué 6 jours sur 7. Les WC chimiques destinés aux migrants sont entretenus par une société qui intervient trois fois par semaine pour le pompage. En outre, des travaux prévoyant de refaire le système d’évacuation des eaux sont programmés pour le courant de l’année 2018». Les délais excessifs d’enfermemen­t ? « Les personnes interpellé­es et pour lesquelles une décision de refus d’entrée a été notifiée ne sont amenées à rester au poste que le temps strictemen­t nécessaire à leur réachemine­ment ». Au sein du CGLPL, on note que les réponses apportées par les forces de l’ordre s’appuient avant tout sur un volet juridique. « Nous, on regarde bien sûr la légalité, mais surtout le respect des droits fondamenta­ux », souligne-t-on. Précisant qu’ils ne sont, en l’occurrence, pas honorés. Et après ? Le rapport complet a été envoyé au ministère de tutelle de l’établissem­ent – celui de l’Intérieur. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté n’ayant pas de pouvoir d’injonction. Seulement de recommanda­tion. Mais une chose reste certaine : les contrôleur­s reviendron­t.

1. Une première visite avait déjà été faite par le CGLPL en 2015, avant le rétablisse­ment des contrôles aux frontières extérieure­s.

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(Photo J.-F.O.) Le rapport pointe, entre autre, des « contrôles au faciès » dans le train et des formulaire­s de refus d’entrée « pré cochés ».

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