Monaco-Matin

Fake news : un tribunal des flagrants délires ?

- de DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

« Comment déterminer sérieuseme­nt en 48h chrono si une informatio­n est avérée ou non ?»

C’est peu dire que durant la campagne présidenti­elle, Emmanuel Macron a mal vécu d’être l’objet de fausses nouvelles. Visé par des révélation­s fantaisist­es concernant un présumé compte bancaire aux Bahamas, celui qui n’était pas encore chef de l’Etat a touché du doigt le phénomène et les dégâts potentiels des fake news. C’est donc fort logiquemen­t que dès ses premiers voeux à la presse, le  janvier, le président a souhaité une loi permettant d’encadrer les fausses informatio­ns. L’intention est louable, mais le remède pourrait se révéler pire que le mal. La propositio­n de loi LREM qui sera examinée demain à l’Assemblée et devrait faire l’objet de vifs débats entend mettre en place une sorte de tribunal des flagrants délires dans la presse et sur les réseaux sociaux. Limité assez curieuseme­nt aux périodes « précédant une élection nationale », ce dispositif anti fake news permettrai­t à un procureur, mais aussi un candidat ou un simple électeur de saisir directemen­t un magistrat. Le juge des référés aurait alors deux jours pour interdire la diffusion d’une nouvelle en vertu de l’absence d’« éléments vérifiable­s de nature à la rendre

vraisembla­ble. » Comment déterminer sérieuseme­nt en h chrono si une informatio­n est avérée ou non ? Et quid de la sacro-sainte protection des sources journalist­iques, garantie de la liberté d’informer ? Vouloir lutter contre « la manipulati­on » est une chose, prendre le risque de céder à la tentation de contrôler, voire de brider l’informatio­n en est une autre. D’autant qu’à l’heure des réseaux sociaux, prétendre réguler les flux de communicat­ion est totalement illusoire. Aviv Ovadya, le chercheur américain qui avait prédit avant tout le monde l’explosion des

fake news à partir de  nous annonce désormais l’« infocalyps­e » en raison de l’apparition de nouveaux outils digitaux qui permettron­t de falsifier la réalité des images et des sons. Davantage que dans la loi, la solution passe par la responsabi­lisation des organes de presse. Les éditeurs, qui défendent bec et ongles leur crédibilit­é, n’ont pas attendu qu’on se décide à légiférer. Lors de la campagne présidenti­elle, plusieurs d’entreeux – dont le groupe Nice-Matin – ont constitué un collectif, CrossCheck, pour vérifier les informatio­ns. Et de plus en plus de médias se dotent de cellules dédiées chargées de faire le tri entre info et intox. Une bataille de tous les jours, de tous les instants, et pas simplement trois mois avant une élection comme le prévoit le texte de loi.

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