DU RIFIFI EN ORTHODOXIE À MONACO
La volonté des orthodoxes russes de Monaco de créer leur propre Église et paroisse provoque « incompréhension» voire «déception» chez les orthodoxes non-russes et certains catholiques.
Les Russes, accueillis depuis des décennies dans la Chapelle de la Visitation avec l’ensemble de la communauté orthodoxe, ont décidé de créer « L’Église orthodoxe russe de Monaco» (EORM), présidée par Alexandre Hagerty, et la paroisse orthodoxe des Saints Martyrs Royales à Monaco Patriarchat de Moscou, présidée par Monseigneur Nestor. Vendredi 15 juin, quelque 300 Russes sont invités par Pierre de Fermor, président de l’ACRN, amis de la cathédrale russe de Nice, pour un gala au Monte-Carlo Bay. Alexandre Hagerty est coorganisateur de ce qui est déjà annoncé comme l’une des plus grandes fêtes russes de la Côte d’Azur de l’année. Festivités, tombola, appel aux dons… L’objectif est notamment de récolter des fonds pour la communauté orthodoxe russe locale. Le lendemain matin, à 9 h 30, au temple protestant de l’église réformée, où les Russes ont provisoirement élu domicile, Monseigneur Nestor célébrera sa première messe à Monaco. Il devrait être accompagné du père Vadim, un prêtre permanent qui vit à Monaco depuis le début de l’année, qui « célèbre, depuis mars dernier, 10 à 15 offices par mois en moyenne», selon Alexandre Hagerty.
« Choquant de voir se créer une branche russe »
La toute récente création de « l’Église orthodoxe russe de Monaco » (EORM) et de la paroisse orthodoxe des Saints Martyrs Royales à Monaco Patriarchat de Moscou n’a pas tardé à susciter l’émoi chez bon nombre d’orthodoxes non-russes. Ils y voient une volonté de scission, là où l’esprit de la religion s’inscrit dans « l’oecuménisme et la fraternité ». En 2012, le Métropolite grec de France, Mgr Emmanuel, a confié la charge des célébrations dans la chapelle du Rocher au père Michel Séliniotakis. L’annonce officielle s’est faite au cours d’une cérémonie en présence de sa Sainteté le patriarche oecuménique Bartholomé-Ier et du ministre d’État. Le 20 mai dernier, Mgr Emmanuel, président de l’Assemblée des Évêques de France (A EOF), est venu, en personne, à Monaco pour célébrer la messe dominicale. Une occasion de rencontrer les fidèles et s’entretenir avec le père Michel, également recteur de la paroisse orthodoxe grecque saint Spyridon de Nice-Côte d’Azur-Monaco et délégué pour tous les orthodoxes du Sud de la France. À l’issue de la cérémonie religieuse, Mgr Emmanuel et le père Michel expliquaient l’un et l’autre leur «incompréhension » et leur « déception » après l’annonce de la création d’une branche orthodoxe russe. La chapelle de la Visitation, propriété de l’église catholique – religion d’État faut-il le rappeler – est mise à disposition par Mgr Bernard Barsi, archevêque de Monaco afin que les orthodoxes de toutes les juridictions puissent se retrouver dans un seul et unique lieu de culte. (Les catholiques l’utilisent une ou deux fois par an uniquement.) « Il faut rétablir la vérité sans vouloir semer de polémique. Nous ne voulons pas de division au sein de notre église. Nous sommes dans un esprit de rassemblement. C’est choquant de voir se créer une branche russe. Nous avons un lieu de culte. Pourquoi faut-il diviser ? Nous avons signé une convention avec Mgr Bernard Barsi. Nous ne comprenons pas ce comportement soudain. Depuis au moins 40 ans les orthodoxes, quelles que soient leur langue et leur culture, célèbrent la messe à Monaco. »
« Nous avons un accord avec les protestants »
Dans la chapelle, un fidèle, résident monégasque depuis 50 ans et très investi dans l’église orthodoxe, souligne : « Toutes les communautés sont intégrées au sein d’un même lieu, ici, à Monaco, où les Russes sont accueillis comme les Serbes, les Grecs, les Bulgares, les Romains, etc. On veut cohabiter dans la concorde. » Pourquoi donc une branche russe ? Alexandre Hagerty se dit pleinement «favorable à l’oecuménisme» et donne une explication simplement démographique. Au 1er janvier 2002, le nombre de résidents russes était de 38 en Principauté. En 2016, il est de 749, soit 12,5% de la population. Sans compter les résidents des communes limitrophes. « Nous constatons une croissance importante ces dernières dix années de la communauté russe. Il y a plusieurs centaines de familles russophones pratiquantes et croyantes. Nous nous sommes rapprochés du diocèse de Monaco pour avoir un endroit quasipermanent ou permanent. Cela n’a pas été possible considérant que les chapelles catholiques étaient occupées. Nous avons trouvé un accord avec les protestants. Les familles orthodoxes russophones se réjouissent que nous puissions leur proposer 10 à 15 offices par mois à l’église réformée. » Une explication qu’ont bien du mal à entendre les orthodoxes non-russes et plusieurs représentants de l’église catholique… « L’orthodoxie à Monaco doit être unie. Sinon, c’est la cacophonie », lance le père Michel.