L’enfer de la prostitution au tribunal correctionnel de Nice
Cinq proxénètes roumains présumés sont jugés depuis hier devant le tribunal correctionnel de Nice, présidé par Laurie Duca. Interpellés en juin 2017, ces quatre hommes et une femme, de 20 à 31 ans, sont poursuivis pour proxénétisme aggravé. En 2016 et 2017, ils faisaient travailler des jeunes femmes à l’ouest de Nice, notamment à hauteur de la station service Total du boulevard du Mercantour. L’une d’elles venait tout juste de célébrer son dix-huitième anniversaire… C’est un renseignement anonyme qui avait à l’époque permis de faire tomber le réseau. Ils encourent jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende. La plupart du temps, basés à l’étranger, les proxénètes présumés revenaient de temps à autre faire le coup-de-poing pour conserver leur portion de trottoir. Une guerre des territoires dont les victimes étaient les filles.
Des esclaves sexuelles
Les prostituées roumaines étaient traitées en esclaves sexuelles, dans des conditions dégradantes voire humiliantes. Elles monnayaient leurs prestations entre 30 et 150 euros. Un couple, présent dans le box, est suspecté d’avoir contraint les « gagneuses » à leur verser une redevance de 300 euros par semaine, 250 euros de loyer mais également 10 à 15 euros par jour pour la nourriture. Le mari, S. I. T., avait pris comme couverture professionnelle, cela ne s’invente pas, la profession de « ramoneur de cheminées ». Il contraignait sa femme à se prostituer, y compris quand celle-ci se plaignait du froid et demandait à rentrer au logement. Depuis le box, S. I. T. nie l’accablante évidence des écoutes téléphoniques, agaçant la présidente du tribunal, pourtant particulièrement patiente jusque-là. «Ilya des écoutes où les femmes vous expliquent qu’elles ont froid, qu’elles sont en minijupe, qu’il pleut et qu’elles veulent rentrer. Votre seule réponse est de dire que vous amenez des pantalons ! », s’emporte Laurie Duca. « Si elles avaient voulu rentrer, elles auraient pu le faire », répond S. I. T. laconiquement. Une prostituée témoignera durant l’enquête que S. I. T. avait menacé de l’écraser avec sa voiture si elle ne ramenait pas de l’argent.
Traitée « comme un chien »
Selon un témoignage, une autre était traitée en « esclave », forcée à dormir par terre, contrainte à accepter des relations sexuelles sans préservatif. «Sa place dans l’appartement était par terre dans la cuisine, comme un chien», affirmera une des filles. Elles étaient parfois violées par les gros bras du réseau. Les proxénètes avaient établi leur camp de base dans un appartement du quartier des Musiciens, rue Berlioz. Lors de la perquisition, les hommes de la brigade de répression du banditisme et du proxénétisme de la police judiciaire de Nice trouveront près de 9 700 euros, dont 8 250 euros en espèces cachés sous la baignoire. Ils saisiront également une Mercedes CLK immatriculée en Roumanie. Dans cette enquête compliquée, avec des ramifications au Royaume-Uni et en Italie, la police judiciaire a notamment collaboré avec un officier de liaison à Bucarest et le Centre de coopération policière et douanière de Vintimille, les quatre hommes étant également recherchés par les autorités transalpines. Le procès s’achèvera ce soir ou demain matin. Les réquisitions du procureur de la République, Anne Guérin, sont attendues aujourd’hui en début d’après-midi, suivies des plaidoiries de la défense.