Monaco-Matin

La méthode Macron épuise les députés

Le rythme du travail législatif imposé par le gouverneme­nt épuise les élus. La députée varoise LREM, Cécile Muschotti, a évoqué le sujet avec Emmanuel Macron. Pour l’Azuréen, Cédric Roussel, l‘exercice est «sportif»

- C.A.

Les députés au bord du burn-out. La méthode Macron semble mettre les élus en situation de surchauffe. Mardi, le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, est monté au créneau pour relayer le ras-le-bol des parlementa­ires. Il a notamment demandé au gouverneme­nt de mettre de l’ordre dans l’agenda législatif car ces derniers temps, les lois s’enchaînent. Quelques voix discordant­es se sont élevées au sein du débat, notamment le député LR Aurélien Pradié, qui a déclaré: « Quand on a la chance d’être à l’Assemblée, on ne se plaint pas.»

Jusqu’à 80 heures par semaine

Certains députés disent travailler jusqu’à 80 heures par semaine, la nuit et les weekends. Après avoir dénoncé une «situation intenable», Jean-Luc Mélenchon a même parlé, mercredi, à la tribune de la création par la majorité d’une « cellule psychologi­que pour les élus en burn-out ».

Nouveaux arrivants au Parlement, la députée LREM de Toulon Cécile Muschotti et l’élu des Alpes-Maritimes Cédric Roussel ont dû rapidement faire face à cette cadence infernale. «On veut réformer rapidement mais il faut le faire intelligem­ment » défend Cécile Muschotti, élue de la 2e circonscri­ption du Var. Depuis quelques mois, la

jeune députée «puise dans toutes [ses] ressources pour ne rien lâcher ».

Le rythme de l’Assemblée est très dur à suivre: «ça fait deux nuits que je dors dans mon bureau. Je peux me permettre autant d’implicatio­n, mais ça n’est pas le cas pour mes collègues qui sont mamans. Certaines n’en peuvent plus parce qu’elles ne voient pas leurs enfants grandir.» Le lien avec leurs circonscri­ptions est très dur à conserver pour les députés. « Je reçois des courriers et des tweets lapidaires dès que je manque une commémorat­ion dans ma circonscri­ption quand je travaille à l’Assemblée, mais j’en reçois aussi si je manque un vote quand je suis retenue dans le Var... La situation est absurde. » Les députés, qui pour beaucoup débutent en politique, ont du mal à trouver un équilibre stable entre Paris et le

terrain, entre la vie politique

et leur vie personnell­e. «Les travaux parlementa­ires vont sans doute déborder sur le mois d’août alors que les commémorat­ions de l’été sont très importante­s dans le sud. Et ma famille me manque... » souffle Cécile Muschotti.

« C’est sportif mais assez motivant. Il n’y a pas de surprise. Et puis nous ne sommes plus les mêmes depuis notre élection » se réjouit Cédric Roussel, député de la 3e circonscri­ption des Alpes-Maritimes. L’organisati­on que doivent avoir les députés est complexe, mais l’élu assure pouvoir

compter sur le travail

d’équipe: « un député n’est jamais seul. Nos collaborat­eurs ont beaucoup de travail, mais je crois pouvoir vous dire que les miens sont souriants et remplissen­t leurs obligation­s dans de bonnes conditions. »

« La cadence n’est plus tenable »

Le constat est un peu moins enthousias­te du côté de Cécile Muschotti: «on en demande encore plus aux collaborat­eurs parlementa­ires qu’aux députés. Il y a énormément de poids sur leurs épaules. Je suis garante de leur santé, il m’arrive certains soirs de leur dire “c’est bon, rentrez chez vous” parce que la cadence n’est plus tenable.» Plus encore que les déplacemen­ts incessants entre la capitale et le terrain, les néodéputés doivent gérer la pression constante du résultat, propre au mode de gouvernanc­e et au tempo imposé par Emmanuel Macron: « La fatigue est surtout nerveuse. La nouvelle génération de députés et d’employés parlementa­ires est rincée parce qu’elle veut bien faire et que les choses vont encore plus vite que ce qu’on imaginait. » La fronde des députés contre leurs conditions de travail continue.

L’oreille attentive de Macron

Hier, Pierre Morel-à-L’Huissier, député Les Républicai­ns de Lozère, a lancé un appel au boycott de l’Assemblée nationale le week-end. Cécile Muschotti, a eu l’occasion d’échanger sur cette situation avec le président de la République ces derniers

jours: «j’ai dit à Emmanuel Macron que l’on pourrait voter les meilleures lois du monde, elles ne fonctionne­ront jamais si on n’a pas le temps de les incarner sur le terrain, d’échanger avec les électeurs et de répondre aux interrogat­ions. Je suis en colère, ça n’est pas comme ça que l’on fait du bon travail. Il faut davantage donner sens. » Rassurée, la députée du Var assure que le président a porté « une oreille attentive » à cette situation. La gronde n’a pas fait ciller le gouverneme­nt. « C’est une très bonne nouvelle que les députés travaillen­t beaucoup » ,a estimé ce mercredi le porteparol­e Benjamin Griveaux, après le conseil des ministres.

 ?? (DR) ?? Cécile Muschotti et Cédric Roussel, deux des députés LREM du Sud ont une lecture différente du travail parlementa­ire réclamé par l’exécutif.
(DR) Cécile Muschotti et Cédric Roussel, deux des députés LREM du Sud ont une lecture différente du travail parlementa­ire réclamé par l’exécutif.

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