La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Tous les médias titrent qu’à Provins, les parents ont voté pour « le retour de l’uniforme ». Puis-je faire aimablement remarquer que depuis Jules Ferry, il n’y a jamais eu d’uniforme dans l’école publique française, seul était imposé le port de blouses. L’uniforme n’est donc aucunement un réflexe passéiste mais l’idée new age assez lunaire que l’uniformité de la tenue gommerait les inégalités et créerait un esprit collectif ne tient pas. Je crains que ces remèdes, n’en déplaise à Jean-Michel Blanquer, ne soient vraiment pas à la hauteur pour réformer la machine à perpétuer les inégalités qu’est devenue l’école française. Il est certes plus facile de formater l’habillement de nos petits que de s’attaquer aux calembredaines pédagogistes de nombre de leurs maîtres, dans ces classes où des enfants toujours plus nombreux –mais en uniforme– ne sauront toujours pas lire, écrire et compter.
Mercredi
Le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, n’a rien d’un joyeux drille mais, il peut se vanter d’avoir fait rigoler toute la France en venant pleurnicher sur l’épuisement des députés et en demandant à l’exécutif de « ralentir la cadence ». La plainte fut longuement relayée non seulement par des parlementaires de la République en marche mais également de La France insoumise. Pas de chance pour les geignards, les journalistes se sont livrés à un salutaire factchecking et révélé que l’ordre du jour du Parlement avait été moins dense lors de la première année du quinquennat Macron que sous celui de Hollande ! Les choupinous sont donc priés de remballer leurs jérémiades et de s’interroger plutôt sur l’optimisation de leur travail. Ceci étant, il était attendu que les novices, arrivés au Palais Bourbon l’année dernière, découvrent avec stupéfaction les semaines harassantes du député de base, la pauvreté des moyens alloués pour les seconder quand on les compare à ceux d’autres démocraties, la très haute technicité des débats qui exigent parfois plusieurs années d’expérience pour espérer être au niveau des fonctionnaires surdiplômés qui leur font face. Le cursus habituel du « vieux monde » amenait dans l’hémicycle des élus territoriaux qui étaient de véritables spécialistes de certains dossiers et ne sortaient jamais de leur zone de compétence. Clemenceau disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires et on voit les limites du concept de société civile tant il est vrai qu’un médecin ne connaît pas plus l’architecture du budget de la Sécurité sociale qu’un chef d’entreprise les subtilités de la nomenclature budgétaire par destination inhérente à la mise en place de la loi financière organique de . On imagine alors le choc culturel ressenti par les fringants « marcheurs » arrivés le couteau entre les dents et la tête pleine de rêves, la frustration quand ils comprennent enfin que la V° république n’est pas une démocratie parlementaire mais un régime présidentiel, l’angoisse de réaliser que la grande majorité d’entre eux aura quitté son métier et parfois sa famille pour tomber dans les oubliettes de l’histoire en . Les terres sont de sable où s’efface le pas des vainqueurs…
Jeudi
Le premier ministre Edouard Philippe passe trois jours à Toulouse, bien loin des visites-éclairs qu’affectionnent des politiques toujours pressés. Les caméras nous le montrent, déambulant paisiblement au milieu de passants qui semblent se demander : sa tête me dit quelque chose, il s’appelle comment déjà ? Pour autant, sa vie n’est pas un long fleuve tranquille et les gazettes nous rapportent que certains députés de la majorité présidentielle le trouvent trop à droite. Ces frondeurs à la mie de pain me font penser au bonhomme Chrysale dans Les femmes savantes de Molière. Incapable de trouver le courage de dire à Philaminte son épouse ce qu’il pense de ses folies, il fait mine de s’adresser à sa soeur Bélise dans la fameuse tirade : C’est à vous que je parle ma soeur… Incapables, eux aussi, de trouver le courage de dire au président de la république ce qu’ils ont, à tort ou à raison, sur le coeur, ils font mine d’interpeller un premier ministre qui serait selon eux, la « jambe droite » du macronisme. Que nenni, mes bons amis, les deux jambes du macronisme sont au centre-droit et la démarche d’Edouard Philippe va de pair avec celle du président, sociale et libérale. Que seraient d’ailleurs exactement les contours du fameux signal de gauche quémandé par certains dans un pays socialo-étatisé où les trois cinquièmes de la richesse nationale sont gérés par la puissance publique, les dépenses de solidarité les plus élevées du monde, les inégalités les plus resserrées et où la dépense publique a encore augmenté dans la première année de ce quinquennat ? D’ailleurs, le premier ministre lors de l’entretien qu’il accorde à la chaîne LCI s’empresse de dire qu’il n’est pas question de baisser les aides sociales. Caramba, encore raté…
Vendredi
Le premier ministre s’affiche avec le maire Les Républicains de Toulouse Jean-Luc Moudenc. Celui-ci fait part de sa proximité avec Philippe et annonce qu’il accueillera bien volontiers des candidats LaREM sur sa future liste aux municipales de . On n’est pas plus aimable… Le but véritable du déplacement apparaît maintenant au grand jour. Le paysage politique semble se stabiliser à la gauche de Macron, la France insoumise y est impériale, Benoit Hamon est incapable de donner du souffle à son micro parti, François Hollande s’emploie à accélérer l’agonie du PS en multipliant les commentaires désobligeants à l’égard de ses responsables. Grisé par le succès tout relatif de son livre Les leçons du pouvoir, l’ex se voit à nouveau un destin. Les niçois pourraient utilement lui rappeler la visite de Nicolas Sarkozy dans leur ville en avril : interminable séance de signature de son dernier livre, assistance enthousiaste au meeting du square Albert er de Belgique, pléiade d’élus ralliés à sa cause et puis, bourre-pif en pleine extase, quelques semaines après, humiliante défaite à la primaire de son parti en n’étant même pas qualifié pour le second tour. En tous cas, rien à tirer pour Macron de ce salmigondis où chacun, persuadé qu’il occupera l’espace de gauche, cuisine sa petite soupe sur son petit feu. Par contre, la droite LR qui semblait avoir mieux tiré son épingle du jeu lors des dernières élections législatives, est térébrée par un mal abominable. Incapable de trouver une ligne idéologique crédible, elle attaque Emmanuel Macron de manière désordonnée. Les attaques contre la réforme de la SNCF, jugée pas assez brutale alors qu’elle cause déjà une grève interminable ou encore la défense des aides sociales alors que la dénonciation du
cancer de l’assistanat est son fonds de commerce mettent sans cesse le président de LR Laurent Wauquiez en porte-à-faux d’autant que son image est altérée par des pratiques hégémoniques et des erreurs de communication pourtant facilement évitables. C’est donc bien sur les terres de la droite républicaine que les chasseurs sont à l’affût. Les deux-tiers des électeurs de François Fillon soutiennent déjà Emmanuel Macron. Edouard Philippe vient saucer l’assiette pour ramasser les miettes. Quant à l’autre tiers, Marion Maréchal n’aura même pas besoin de se baisser pour le ramasser…
Samedi
Donald Trump a encore fait des siennes au sommet du G au château de la Malbaie au Québec. A la stupéfaction générale des délégations présentes et de sa propre diplomatie, il a annoncé qu’il convenait de réintégrer la Russie à la table des négociations. Les conseillers du président américain – qui n’avaient pas été avertis de cette incongruité – ont tenté d’écoper, les chefs d’état et de gouvernement ont considéré cette déclaration comme la cagade d’un enfant incontinent qu’il convenait d’ignorer au plus vite à tout le moins tant que la crise ukrainienne ne serait pas réglée. La presse se demande si Mister Trump est un idiot ou un génie. Il n’est ni l’un ni l’autre. C’est un être immature et brutal incapable de se projeter dans l’avenir et pour le bien commun. L’instauration de droits de douanes sur l’acier et l’aluminium est une catastrophe pour de nombreux secteurs industriels américains mais la perte d’emplois ainsi générée ne se verra qu’à long terme alors que le gain minime d’emplois dans la sidérurgie se verra immédiatement et permettra de gagner les voix des électeurs des états de la « ceinture de rouille », là où se joueront les élections de midterm de novembre prochain. Finalement, le slogan de Trump est simple : Tout pour ma pomme !
« Les terres sont de sable où s’efface le pas des vainqueurs… »