Ces grandes dames du petit
On vous avait prévenu, le 58e Festival de télévision restera comme un millésime engagé. La preuve avec ces six actrices de tempérament – et de talent – et leurs messages d’émancipation, d’espoir…
Dina Shihabi est une actrice d’origine saoudienne. À 28 ans, elle vient de décrocher son premier grand rôle aux ÉtatsUnis dans la série Tom Clancy’s Jack Ryan, projetée en avant-première mondiale au Festival de télévision de Monte-Carlo. Son personnage, Hani, est une mère de famille indépendante, portant le hijab, qui déplace des montagnes pour protéger ses enfants. Une femme de caractère, authentique et poignante, dont Dina est «tombée amoureuse» à la lecture du scénario. Née d’une mère française, de Montpellier, et d’un père saoudien, Dina a poursuivi ses rêves d’enfant dans l’adversité d’une société impitoyable avec les femmes. Aujourd’hui à l’affiche du nouveau blockbuster de la plateforme Amazon Prime Videos, l’actrice n’a rien oublié de ses combats et encore moins de ses racines. Entretien coup-depoing… dans un gant de velours.
Quelle a été votre première sensation à la lecture du scénario et la découverte de votre personnage ? Ce rôle est différent de tous les rôles que j’ai joués. C’est une femme forte, intelligente, courageuse… une maman. C’est rare d’avoir un scénario, avec une femme arabe, qui soit aussi complexe. J’ai immédiatement été investie, portée par cette histoire. Je veux montrer au monde des femmes arabes fortes, intelligentes et courageuses.
Vous avez grandi entre l’Arabie Saoudite, le Liban et Dubaï, puis migré vers New York à seulement ans, devenant la première femme du MoyenOrient à intégrer les deux plus grandes écoles d’art dramatique
des États-Unis. Vous êtes la preuve que le rêve américain existe toujours ! Je suis d’accord. J’ai toujours voulu vivre à New York, je savais que c’était là que mes rêves allaient se réaliser. J’ai grandi au MoyenOrient et personne ne voulait que je devienne une actrice. J’avais mon rêve, je l’ai suivi, j’ai des parents qui m’ont soutenu et tous mes rêves se sont réalisés. Il faut vraiment que je me pince pour y croire.
La clé de votre réussite, c’est donc, au-delà de votre travail, le fait que vos parents vous aient permis de vous émanciper…
Oui, ma mère surtout, qui est française. Mon papa était en Arabie Saoudite, c’était plus difficile pour lui. Mais il a vu à quel point j’aimais ça et je pense que ma mère lui a dit : “Si tu ne la laisses pas faire, je te quitte !” (rires). Aujourd’hui c’est mon premier soutien, il regarde même les vidéos du Festival de MonteCarlo depuis chez lui (rires).
Vous avez refusé de changer de nom pour avoir plus de chance lors des castings, preuve de votre attachement à vos racines... C’est très important pour moi car il y a peu d’actrice au monde avec un nom arabe. En fait si, il y en a, mais je n’avais pas beaucoup
d’exemples petite. Lorsqu’on m’a demandé de changer de nom, j’ai dit non, même si ça me limitait un peu au départ.
Vous venez d’un pays qui ne reconnaît pas l’égalité hommes/ femmes. Est-ce que les choses avancent ? Oui, je pense qu’il y a beaucoup de progrès. Ça ne va pas changer du jour au lendemain mais les gens oublient que le MoyenOrient est constitué de pays assez neufs, il faut laisser faire le temps mais ça va dans le bon sens. Il y a une chose qu’on ne montre pas suffisamment, c’est qu’il y a des femmes extrêmement intelligentes et fortes en Arabie Saoudite. J’ai des amies femmes d’affaires, d’autres qui ont des doctorats. Elles voyagent à travers le monde. Oui, la culture a un impact sur la vie quotidienne des gens. Un film peut changer une personne et cette personne peut influencer sa famille et ainsi de suite. J’ai par exemple décidé de devenir actrice et, subitement, d’autres femmes vont peut-être développer la même vocation. Et peut-être qu’elle aura des parents plus ouverts d’esprit.
Quels sont vos projets? Le cinéma? Vous adorez Christopher Nolan, paraît-il. Mon objectif est d’être créatrice. J’ai trois projets que je développe et qui ont un rapport avec le Moyen-Orient, dont un que j’ai écrit avec une amie saoudienne et qui se passe à Los Angeles. Je cherche à le vendre aux ÉtatsUnis. J’ai aussi un rôle dont je rêve et j’aimerais travailler avec plusieurs réalisateurs que j’admire, dont Christophe Nolan.
Dina Shihabi veut montrer des «femmes arabes fortes»