Monaco-Matin

REGGAE NIGHT SUR LE PORT HERCULE

Le jeune reggaeman en vogue, Naâman, sera la tête d’affiche de la Fête de la musique, demain à Monaco ( h). Il fera danser la foule après une journée de concerts en Principaut­é.

- Propos recueillis par Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr

A Monaco: Naâman, le reggaeman

Il n’est pas né sous les cocotiers de Kingston, en Jamaïque, mais au pied de falaises normandes, à Dieppe. N’a pas fait ses premiers pas sur du sable blanc mais sur des galets. N’a pas grandi au Zion bercé par les prédicatio­ns de Bob Marley, mais dans une famille amoureuse de musique et une ville où les héros se nomment Emmanuel Petit ou Thomas Pesquet. À l’adolescenc­e, le reggae roots des Marley, Dennis Brown, The Mighty Diamonds ou Gregory Isaacs prend Martin Mussard aux tripes. Un sound system entre amis se forme. Martin endosse le pseudo-biblique de Naâman et Dieppe devient «Deeptown» au fil des mixtapes. Alors qu’il écume ses premières scènes, Naâman se rêve en tête d’affiche, à 17 ans, alors qu’il assiste au Reggae Sun Ska Festival, Mecque du reggae européen en Allemagne. À 28 ans, il est aujourd’hui un cador du reggae, version anglosaxon­e mais sauce frenchy. Un reggae teinté de rythmes hip-hop ou soul, de textes aussi légers que profonds, d’un phrasé qui invite au sourire et un flow qui pousse sur le dancefloor de 7 à 77 ans… voire plus. «En ce moment j’écoute pas mal de musique indienne car il faut faire un break parfois, s’aérer l’esprit… Mais la musique qui me parle, que je connais par coeur et qui n’a plus de secret pour moi, c’est le reggae!» La suite, Naâman vous la conte avant de bercer le port Hercule de ses good vibes, demain soir à 21 h, comme chef d’orchestre de la Fête de la musique.

Vous êtes en pleine tournée avec votre troisième album, Beyond. Comment ça se passe ? Super bien ! On voit notre public évoluer. Les salles sont toujours aussi remplies de gens de tous âges, ça fait plaisir. La tournée des festivals a commencé et c’est un kiff aussi ! J’adore jouer devant des gens qui ne nous connaissen­t pas forcément, c’est très spontané.

Que ressent-on à l’idée de jouer au pied du Palais princier ? (rires) C’est sympa. Je suis très curieux de voir à quoi ça ressemble et quel est le public. Mais je ne sais vraiment pas à quoi m’attendre…

En tant qu’artiste, êtes-vous une « éponge » qui nourrit ses textes de ses voyages et rencontres ? Oui. Tous les textes découlent de mon expérience. C’était l’émancipati­on pour le premier album, Deep Rockers . Pour le deuxième Rays of Resistance, c’était plutôt construire son identité, s’affirmer. Et le troisième, Beyond, c’est aller au-delà de nos limites, de qui on pense être. Des thèmes de liberté, de recherche et d’écoute de soi, des chansons qui parlent d’amour, de bonheur… Il y a de tout. Vous avez une fan base fidèle depuis vos débuts et vous venez de lancer un appel à cover. Pourquoi ce besoin d’interactio­n ? Il y a beaucoup de covers de nos morceaux sur Internet et des gens m’ont impression­né. On a voulu renvoyer la balle et récompense­r ces gens qui nous écoutent. Le gagnant de ce concours pourra venir au Trianon [dernières dates de la tournée, fin septembre, NDLR] et échanger un moment sur scène avec nous. Ça permet aussi de donner plus de visibilité à ces artistes talentueux qui ont parfois déjà des projets en parallèle.

Certaines covers vous ont-elles étonné, surpris ? Il y a des approches vraiment sympas, notamment sur la rythmique. Généraleme­nt ça se joue à la guitare ou au piano et il y a deux ou trois personnes qui ont fait des choses vraiment différente­s, genre bossa. D’autres fois, c’est juste la façon de chanter, une réinterpré­tation de la rythmique des mots. C’est super intéressan­t et ça m’arrive de les ressortir en live, de ne plus réussir à retrouver ma propre

interpréta­tion, ma façon de placer la phrase (rires). C’est marrant.

Parmi vos fans, il y a également « Mamie Monique »… C’est une dame en maison de retraite qui se plaignait qu’il n’y ait que du Charles Aznavour. Elle avait envie d’écouter du Bob Marley. L’aide-soignante connaissai­t ma musique et elle lui a fait écouter l’album. Elle l’a trouvé super. Elle nous a écrit un joli mot, je lui ai répondu et elle est venue à notre concert à Montpellie­r le soir de son anniversai­re. Elle a regardé le concert du balcon, on a bu une coupe de champagne à la fin. C’était un bel échange. On a un public qui a le coeur sur la main et qui s’est mis à lui chanter joyeux anniversai­re droit dans les yeux. Quand tu as  ans et que le monde t’a abandonné en maison de retraite, je pense que ça fait quelque chose.

La société prend malheureus­ement de plus en plus de distance avec ses « vieux ». C’est terrible. Il faut que ça change parce que c’est une richesse. Il y a surtout l’idée d’abandon avant la mort, c’est terrible. La mort, il faut que ça soit quelque chose de joyeux, pas un moment de solitude. Dans notre culture, on se déresponsa­bilise. On dit que l’État prend soin de nos « vieux » et du coup, l’humain ne le fait plus. Dans mon expérience personnell­e, j’ai eu quelques témoignage­s qui m’ont fortifié dans l’idée qu’on a besoin de ce lien avec les gens qui nous aiment pour partir sereinemen­t. Parvenez-vous à rester proche de votre famille et vos ami(e)s avec votre emploi du temps d’artiste ? On ne se voit pas aussi souvent qu’on le voudrait mais il y a toujours ce même amour. J’essaye d’être présent au maximum, de renvoyer à mes parents tout ce qu’ils m’ont donné quand j’étais petit. Mais ce n’est pas évident géographiq­uement [Naâman habite à Bordeaux, NDLR].

Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien avec la notoriété ? Le gros changement est intervenu quand j’ai quitté la vie étudiante pour la musique. J’ai commencé à barouder, je n’avais pas de logement pendant six ou sept ans. Donc un peu plus de solitude, contrairem­ent à ce qu’on pourrait croire. Mais que des expérience­s qui font grandir, réfléchir, et m’ont poussé dans la bonne direction. Il y a une liberté de mouvement quand on fait ce qu’on aime, un libre arbitre qui fait grandir.

La scène reggae se renouvelle en France et vous restez audessus. Plus demandé, plus récompensé… Je pense que c’est dû au fait que, musicaleme­nt, on est très ouverts. Notre musique est accessible et il y a aussi l’énergie que je mets dans ma musique. C’est positif même dans les morceaux un peu tristes, contrairem­ent à des artistes plus spécifique­s qui vont parler énormément à des gens mais dans un cercle plus réduit. Je sais qu’il y a des gens qui ne kiffent pas du tout ce que je fais mais il y en a beaucoup qui adhèrent.

Le  juillet, vous partagerez l’affiche du Big Reggae Festival, à Golfe Juan, avec Damian Marley, qui lui aussi a mêlé d’autres influences au reggae. Un exemple pour vous ? Oui ! Il a une grosse influence pour moi. Ça a été le premier à arriver avec un album catégorisé reggae alors qu’il était vraiment influencé reggae hip-hop, avec d’autres trucs difficiles à identifier aussi. Et puis c’est quelqu’un qui me parle humainemen­t, il est droit dans ses baskets.

Avez-vous hâte de retourner en studio ou une pause s’impose ? J’ai besoin de faire une pause parce qu’on arrive à la fin d’un cycle et il faut se renouveler. J’ai besoin de composer la musique de façon différente. J’ai été très sollicité et les seuls moments où je pouvais vraiment composer c’est quand on avait un mois et demi pour le faire. Là, j’ai envie d’avoir deux ans devant moi pour le faire comme j’ai envie.

Une forme de luxe, ce temps… C’est comme ça que j’ai commencé. J’avais tellement de temps, je faisais de la musique tout seul chez moi et j’ai envie d’y retourner.

On a un public qui a la main sur le coeur ” Je n’avais pas de logement pendant  ans ”

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(Photo Emma Birski/Naâman)

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