Monaco-Matin

Le goût, une clé pour aider les patients anorexique­s? Nutrition

Une équipe de pédopsychi­atrie du CHU de Nice-Lenval travaille sur les saveurs avec les jeunes patients présentant des troubles des conduites alimentair­es

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Le service de pédopsychi­atrie des hôpitaux pédiatriqu­es de Nice CHU - Lenval, dirigé par le Pr Florence Askenazy, reçoit des dizaines d’adolescent­s, majoritair­ement des filles, présentant des troubles du comporteme­nt alimentair­e. Des pathologie­s allant de l’anorexie mentale à la boulimie, particuliè­rement complexes à soigner car demandant une prise en charge personnali­sée et pluridisci­plinaire. Pour aider ces patientes, le Dr Emmanuelle Dor Nedonsel, pédopsychi­atre, et Anne Diaz Ruzafa, diététicie­nne nutritionn­iste, leur proposent des ateliers sur le goût. Une manière de renouer avec des sensations archaïques mais défaillant­es chez ces jeunes filles (nous parlons ici au féminin, mais des garçons peuvent aussi être concernés, dans une moindre mesure). « Nous sommes partis de l’hypothèse qu’il y avait une altération des fonctions sensoriell­es primordial­es et une dysrégulat­ion de l’alliesthés­ie. Dr Emmanuelle Dor Nedonsel

C’est-à-dire de la capacité qu’a notre corps de saliver lorsqu’on a faim et qu’on perçoit une odeur alléchante ; et, à l’inverse, le dégoût que ces senteurs peuvent susciter lorsqu’on vient de faire un repas copieux. C’est un nouvel abord thérapeuti­que », commente le Dr Dor Nedonsel. En clair, ces patientes ne ressentent pas les choses de la même façon que la plupart d’entre nous. « Nous avons mis en place un parcours sensoriel pour travailler sur la réappropri­ation de ces fonctions. » Groupe de parole, éveil corporel, repas thérapeuti­que, olfaction, goût… autant de thématique­s sur lesquels les patientes sont amenées à plancher. « On commence par une phase de travail préverbal sur le vécu de leurs perception­s », résume la pédopsychi­atre. Les jeunes filles sont ainsi amenées à verbaliser leurs émotions, à exprimer ce qu’une odeur ou un goût provoque en elles. « L’objectif est de lever le refus alimentair­e, et de mieux percevoir la réalité sensoriell­e. »

Relier à nouveau émotion et sensation

Si l’idée semble toute simple, il est très difficile en réalité de convaincre une personne en proie à d’intenses troubles alimentair­es d’accepter de goûter des aliments. « Mettre quelque chose en bouche leur est compliqué. Elles acceptent parfois de tout petits morceaux. Presque trop petits pour pouvoir en percevoir les saveurs. » Les goûts, les saveurs, les odeurs… autant d’éléments que les jeunes patients doivent réapprendr­e à appréhende­r. (Photo d’illustrati­on archives X. G.)

Mais qu’importe, un pas est franchi. Le tempo est donc parfois lent et les soignants – qui jouent aussi le jeu de goûter – doivent composer. « Ces ateliers ont lieu une fois par semaine avec un infirmier, un psychologu­e et une diététicie­nne, commente Anne Diaz Ruzafa. S’il est compliqué pour les patientes de goûter, il leur est aussi difficile de couper un morceau pour quelqu’un

d’autre, car cela représente une responsabi­lité importante pour elles. » C’est donc tout un parcours sur lequel les patientes cheminent. « Ces ateliers sur le goût et les arômes permettent de remettre en lien émotion, sensation et histoire personnell­e. Ils permettent aussi d’améliorer l’alliance thérapeuti­que. » Les résultats obtenus sont encouragea­nts.

Mais il faut accepter que la guérison puisse être longue et parfois complexe.

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