Monaco-Matin

La fresque de Jean Marais Chez Nounou a été détruite

La céramique qui ornait le restaurant de la plage du Soleil a fait les frais de la démolition de l’établissem­ent, confirme la préfecture, qui déclare avoir proposé de la découper

- M.-C. A mabalain@nicematin.fr

Les visages sur fond d’algues, caractéris­tiques du trait de plume de Jean Marais, qui ornaient le restaurant de plage Chez Nounou, ont-ils fini à la décharge ? Comme de vulgaires pièces de carrelage? Il semble que oui. Triste dégât collatéral de la guerre qui a opposé préfecture et plages du Soleil à Vallauris - Golfe-Juan autour de l’applicatio­n du Décret plage de 2006. Lors de la démolition des établissem­ents Tetou, Vallauris-Plage et Chez Nounou, on s’était interrogé sur le sort de la céramique. Elle avait été créée dans les années quatre-vingt par l’acteur, sculpteur et potier. L’ancien compagnon de Cocteau vivait à Vallauris, et avait ses habitudes à Chez Nounou. L’artiste avait sympathisé avec Gilles Esmiol, maître des lieux depuis 1973. C’est lui qui avait commandé la fresque de quatre mètres sur trois, composée de carreaux de céramique, qui encadrait le passe-plat du restaurant (1). Combien de clients ont dégusté plats de poissons et autres bouillabai­sses en admirant La Divinité marine? La suite de l’histoire est moins romantique. Considérés comme sans droit ni titre, les anciens exploitant­s des plages du Soleil ont été expulsés. Refusant de démolir leurs installati­ons,

c’est l’État qui s’en est chargé en février dernier. Le cas de Chez Nounou a été plus complexe et plus long, de l’amiante étant décelée.

« La pièce était déjà dégradée »

Quid de la fresque ? «Nous avions proposé à Gilles Esmiol de mettre en place le découpage de la céramique. Il a refusé. Ensuite, il fallait

poursuivre le chantier» explique Serge Castel, directeur de la Direction départemen­tale des Territoire­s et de la Mer (DDTM). Selon le représenta­nt de l’État, « la pièce ellemême était déjà dégradée, fissurée sur les contours et surtout avec des traces d’amiante». C’est donc parmi les autres gravats que l’oeuvre de Jean Marais a échoué. On ne sait pas trop où… « Nous l’avons fait estimer.

Elle avait davantage une valeur sentimenta­le que patrimonia­le. Entre 1000 et 2000 euros» poursuit Serge Castel. Dura lex sed lex. La loi est la loi. Les sentiments n’ont guère compté dans l’histoire.

« Jean Marais est bien mal récompensé ! »

Il y a quelques semaines, Gilles Esmiol nous avait assuré qu’il n’avait « pas pu mettre un pied sur le chantier » et qu’il avait confié le soin à son avocate de s’enquérir du sort de la fresque. À l’époque, très éprouvé par l’issue de son bras de fer contre la préfecture et la perte de son entreprise, il envisageai­t de faire don de la fresque à une associatio­n de défense du patrimoine de Vallauris GolfeJuan. «Comme un devoir de mémoire envers cet homme extraordin­aire, généreux, qui a tant donné à la cité, qui le récompense bien mal ! ». Que reste-t-il de Jean Marais à Vallauris, depuis sa mort en 1998 ? La statue de la Rebelissiè­re offerte à la Ville en 1991, installée juste devant l’espace qui lui était dédié et a été fermé. Ses grands amis et héritiers, Jo et Nini Pasquali (cette dernière hélas disparue), ont vendu une grande partie de leur collection aux enchères. Fort heureuseme­nt, ils ont offert des oeuvres à l’Associatio­n de défense du patrimoine de Vallauris-Golfe Juan qui, ellemême, a acquis plusieurs pièces lors des ventes aux enchères.

1. En 2010, Gilles Esmiol avait projeté une demande d’inscriptio­n à l’inventaire des monuments historique­s.

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(Photo d’archives Sébastien Botella) La Divinité marine qui ornait le passe-plat a été définitive­ment engloutie lors de la démolition du restaurant de plage.

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