Turquie : Erdogan revendique la victoire, l’opposition conteste
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a revendiqué hier soir la victoire aux élections présidentielle et législatives, s’ouvrant la voie vers un nouveau mandat de cinq ans aux pouvoirs considérablement renforcés. « Les résultats non officiels des élections sont clairs. Selon eux, notre nation m’a confié la responsabilité de président de la République», a déclaré M. Erdogan à la télévision, revendiquant également la majorité parlementaire pour l’alliance dominée par son parti, l’AKP. D’après l’agence de presse étatique Anadolu, après dépouillement de près de 95 % des urnes, M. Erdogan arrivait en tête de la présidentielle avec un score de 52,8 %, et l’alliance de l’AKP menait avec 53,82 %. Le tout avec une participation massive de 87 %. Son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, arrivait en deuxième position de la présidentielle avec 30,7 %, et l’alliance antiErdogan formée par plusieurs partis d’opposition pour le volet législatif du scrutin récoltait près de 34 % après comptage de plus de la moitié des votes, d’après les résultats partiels publiés par Anadolu. Mais le parti de M. Ince, le CHP, a contesté ces résultats, affirmant que ses propres chiffres (l’opposition a organisé son propre dépouillement) montraient que M. Erdogan avait obtenu moins des 50 % des voix, et qu’un second tour était nécessaire. En 15 ans de règne, M. Erdogan
s’est imposé comme le dirigeant turc le plus puissant depuis le fondateur de la République, Mustafa Kemal. Il a transformé son pays à coups de méga-projets d’infrastructures et en libérant l’expression religieuse, et fait d’Ankara un acteur diplomatique clé.
Dérive autocratique
Mais ses détracteurs accusent le « Reis », âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont suscité l’inquiétude de l’Europe. Quelque 59 millions d’électeurs étaient appelés à voter pour ce double scrutin présidentiel et législatif qui marque le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel voulu par M. Erdogan, mais décrié par ses opposants. S’il pensait mettre toutes les chances de son côté en convoquant ces élections pendant l’état d’urgence et plus d’un an avant la date prévue, M. Erdogan a été rattrapé lors de la campagne par la dégradation de la situation économique et surpris par un sursaut de l’opposition. Voyant dans ces élections leur dernière chance d’arrêter M. Erdogan dans sa quête d’un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP (social-démocrate), Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) avaient noué une alliance inédite pour ces législatives, avec l’appui du HDP (prokurde).