Monaco-Matin

Cocteau : nouvel hommage à Séverin Wunderman

A l’occasion des dix ans de la mort du donateur sans qui le musée Cocteau n’aurait pu exister, une plaque a été apposée à l’entrée de l’établissem­ent. En présence de sa descendanc­e

- ALICE ROUSSELOT arousselot@nicematin.fr

Une nouvelle plaque commémorat­ive orne depuis hier l’entrée du musée Jean Cocteau. Pile en dessous d’un autre écriteau célébrant l’inaugurati­on de l’établissem­ent culturel, en 2011. Pile dix ans après que Séverin Wunderman s’est éteint à Nice. Plus qu’un symbole pour qui sait que sans la donation du grand collection­neur de Cocteau, le musée mentonnais n’aurait jamais éclos. Quelques mots viennent ainsi le rappeler à ceux qui seraient tentés d’oublier : «La ville de Menton remercie Severin Wunderman, 1938-2008, donateur de la collection ».

« Dans la vie il y a les taxes et la mort »

Évoquant un homme « extraordin­aire », un « être humain somptueux », le maire, JeanClaude Guibal, rappelle au public quelques anecdotes. Traduites en anglais à l’attention des nombreux membres de la famille Wunderman venus pour l’occasion. «Il avait souhaité me recevoir à dîner dans son château de l’autre côté du Var. J’y suis allé et j’ai rencontré un personnage qui portait à la boutonnièr­e une tête de mort avec plein de brillant autour », sourit-il. Alors qu’à ses côtés, l’une des descendant­es porte, elle aussi, une tête de mort autour du cou. Clin d’oeil du présent au passé. Il faut dire que le célèbre horloger était un adepte notoire du Memento mori (« Souviens toi que tu vas mourir»). Au point d’avoir dessiné une montre arborant – une fois encore – une tête de mort. « Il m’avait dit : “Dans la vie, il y a les taxes… et la mort. Celle-ci, j’essaie de l’apprivoise­r !”» Mais c’est aussi lors de cette entrevue que le projet de donation sera partiellem­ent entériné. «Séverin Wunderman souhaitait mettre sa collection Cocteau en dépôt à Menton et faire un musée , reprend le maire. Je lui ai répondu que ce serait compliqué pour douze ans mais que s’il s’agissait d’une donation, nous pourrions financer le musée. Au bout d’une semaine, il a accepté. Avant de se rendre compte qu’il n’était plus propriétai­re de sa collection ! » Et pour cause: il l’avait léguée à un fonds de charité aux États-Unis (en vue d’échapper aux taxes, précisémen­t). L’amoureux des arts finira par sortir l’argent nécessaire pour en redevenir le plein propriétai­re. «Vous comprenez combien nous avons des devoirs à son égard », tranche le maire. Insistant sur la générosité et l’humilité du mécène. En partie imputables, selon lui, au judaïsme. «Il m’avait dit que dans sa religion, quand on est à l’origine d’un bienfait, il est inutile d’en parler. Seul importe que dieu le sache.» Même si des plaques le rappelant aux vivants ne font jamais de mal… Vient naturellem­ent l’anecdote du coup de foudre entre Wunderman et Cocteau. « Son père lui avait dit qu’il devrait faire un métier que l’on peut exercer partout. Alors il est devenu horloger, relate Jean-Claude Guibal. Quand il était encore apprenti, il est passé devant une vitrine. Il est rentré dans la

boutique, puis en est sorti avec une affiche enroulée. Il est ensuite retourné, avec son amie, dans la chambre où il logeait. Avant de lui dire: “J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que j’ai dépensé la totalité de ma paye. La bonne, c’est que j’ai acheté un dessin de Cocteau. J’espère qu’il te plaira.”» Il s’agissait en l’occurrence d’une oeuvre tirée des Enfants terribles. Au nom de l’ensemble de ma famille Wunderman, c’est Chloé Cassens qui prend la parole. Un choix pas tout à fait hasardeux dans la mesure où elle est

l’auteur d’une thèse s’appuyant en partie sur la figure de Cocteau. Héritage, héritage… « J’ai fait une traduction des mots écrits par ma tante ,introduit-elle. Nous pensons à cet homme extraordin­aire chaque jour. Il est mort sans que son rêve, celui d’un musée Cocteau, n’ait pu être réalisé. Merci d’avoir aidé à ce qu’il le soit. Séverin Wunderman aimait réunir les gens… et il le fait même quand il n’est plus là!» Ne serait-ce que chaque jour. Au coeur de «son» musée.

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(Photo A.R.) Le maire de Menton, Jean-Claude Guibal, entouré de la famille Wunderman.

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