Monaco-Matin

A-t-il intimidé son ex-compagne handicapée avec un couteau?

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Une affaire traumatisa­nte était évoquée devant le tribunal correction­nel. L’histoire fait référence au conflit entre deux personnes handicapée­s. Un couple de sourds-muets qui avait mis fin à leur relation sentimenta­le. Pour avoir un aperçu compréhens­ible des faits, les juges s’étaient rapprochés d’une interprète en langue des signes. Si l’utilisatio­n intentionn­elle de la force physique par le jeune homme, afin de soustraire le téléphone portable de sa victime, n’était pas véritablem­ent démontrée, celle du pouvoir de terroriser son ex-compagne tenait d’un comporteme­nt masculin indigne. À l’audience, le prévenu, absent, est représenté par son conseil. Visiblemen­t, dans ses déclaratio­ns, reprises par le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e, il souffre de cet éloignemen­t sensuel. Rancoeur et affront sont apparus en apprenant la nouvelle liaison amoureuse de la jeune femme. Par vengeance, l’homme veut récupérer le smartphone de son ex, afin d’effacer toutes traces de leur liaison: messages et photos. Comme elle refuse et pour la contraindr­e, il la touche aux jambes et au ventre avec un objet contondant passé sous la table où ils s’opposent. Est-ce une lame dissimulée ?

« Aucune preuve d’un couteau»

Peur, pleurs, douleur, horreur marquent successive­ment le visage de la plaignante à la barre pendant le récit. « C’était pour vous impression­ner, suppose le magistrat. La vidéosurve­illance et des témoignage­s n’apportent aucune preuve d’un couteau. » La fine stature de la jeune fille tressaille, effarée. Pas de réponse. « En garde à vue, le prévenu a décrit un cône en papier, poursuit le président. Souhaitez-vous demander un dédommagem­ent ? » Son avocat, Me Charles Lécuyer, entre traumatism­es physiques et conséquenc­es délétères, intervient pour parler «du point d’orgue de cette relation tumultueus­e où l’individu était menaçant par son comporteme­nt dangereux. C’est la cause de plusieurs troubles dépressifs. Depuis, cette scène a été un coup d’arrêt pour ma cliente dans ses études comme dans ses ambitions. Nous demandons la somme de 5 000 euros. »

« Ni gentil, ni méchant»

Avec infiniment de décence et d’attention, le procureur Alexia Brianti écarte la thèse du couteau. «Le vol du portable est reconnu comme des gestes brusques du prévenu sur une femme en état de choc et en pleurs à l’arrivée des policiers. Il le dit luimême: il a fait n’importe quoi. Le conflit est surtout émotif. Retenez que cet homme, alcoolique, souffrait d’un trouble d’ordre psychologi­que. Pensez à une peine avec sursis. » La défense ne cherchera pas à s’enivrer d’idéologie ! Me Sarah Filippi construira sa plaidoirie sur une sorte d’ordre social justifié. « Un acte est déterminan­t : le mal-être de mon client à la suite d’une méningite. Il aurait préféré mourir plutôt que de vivre un quotidien difficile et un malaise profond. Dans ce dossier, il n’y a ni gentil ni méchant. Mais deux personnali­tés qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Le couteau? Le harcèlemen­t ? Le préjudice ? Rien (Photo archives MM) ne tient la route. Requalifie­z l’infraction en violences légères… » Le tribunal suivra les réquisitio­ns du ministère public avec une peine de cinq jours avec sursis et la somme de 2 000 euros pour la partie civile.

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«Il le dit lui-même: il a fait n’importe quoi», avance le procureur Alexia Brianti.

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