Home-jacking à Nice : un acquitté, deux condamnés
Un couple de retraités avait été attaqué à son domicile sur la promenade des Anglais en 2015 et délesté de 750 000 euros de bijoux. Deux des malfaiteurs ont été condamnés à 12 et 10 ans de réclusion
Les plaidoiries touchent à leur fin. L’ambiance est surchauffée après trois jours de joutes acharnées entre la défense, l’accusation et la partie civile. Me Gérard Baudoux défend Mikael Locci, chauffeur de bus de 35 ans, accusé, avec deux complices, d’avoir agressé en 2015 un couple de riches retraités dans un appartement de la promenade des Anglais et de les avoir délestés de 750 000 euros de bijoux. Depuis mercredi, Chantal, veuve depuis les faits (son mari est décédé d’un cancer, six mois après l’agression) répète qu’elle est certaine de reconnaître en Mikael Locci celui qui la menaçait avec un couteau. « Tout le monde peut se tromper Madame », rappelle, sans l’ombre d’un reproche, Me Baudoux au terme de sa démonstration. La victime évoquait un malfaiteur « aux yeux clairs », « gris peut-être ». Son mari décrivait un garçon de 1,80 m. Or, Locci mesure 1,88 m et a les yeux noirs. Le 30 novembre 2015, neuf jours après les faits, la police a présenté à Chantal une photo de Locci. Elle n’est pas sûre de le reconnaître. Le 14 janvier 2016, neuf individus (le suspect est au milieu de policiers en civil) sont réunis sur une autre photo. Chantal est formelle. Elle désigne Locci comme son agresseur. Gérard Baudoux tonne: « Madame reconnaît-elle celui qu’elle a vu sur une photo le lendemain des faits ou celui qu’elle a entreaperçu le soir des faits ? » L’argument capte l’attention des jurés. Le doute a-til fini par s’immiscer dans l’esprit des jurés et de la Cour ?
Alibis douteux
Le matin, l’avocate générale Clotilde Ledru-Tinseau a demandé l’acquittement pour Armand B., qui comparaît libre. C’était pour mieux concentrer ses accusations sur les deux autres coaccusés. La magistrate a requis quinze ans de réclusion contre Locci, douze ans contre Sofiane Bel, une amende de 50000 euros pour chacun et cinq ans de suivi sociojudiciaire. L’avocate générale a hérité d’un dossier, certes imparfait, mais n’a aucun doute sur le profil des deux hommes dans le box: « Une équipe de saucissonneurs composée d’amis d’enfance, pratiquant le home-jacking, capable d’écouler un butin colossal en peu de temps, de s’attaquer à deux personnes dont une en fin de vie pour leur voler une vie entière de souvenirs. » Les alibis de Locci et Bel ? « Du flou, du flou, du flou », ironise Clotilde Ledru-Tinseau. Me Baudoux retourne l’argument : « Un professionnel du crime ne se fabriqueraitil pas un alibi ? C’est trop peu pour en faire un coupable. » Me Arie Alimi pour Armand B. salue «l’honnêteté intellectuelle » du magistrat de l’accusation qui a abandonné une partie des poursuites mais tance cette enquête : « La justice, quand elle fonctionne mal, oblige la victime à se défendre, quitte à nier les propos de son mari qui a toujours dit qu’il ne pouvait reconnaître ses agresseurs. » Me Audrey Vazzana, avocat de Sofiane Bel, hérite d’une tâche ardue. Démontrer que son client est innocent alors même que son empreinte génétique a été retrouvée, mêlée à celle de la victime sur un collier de serrage en plastique. « La reine des preuves», a rappelé l’accusation. Me Vazzana s’étonne, explique depuis trois jours que son client a pu prêter de l’outillage à des amis : « Je suis moi-même fumeuse. Je prête mon briquet à une personne qui provoque un incendie. Comment l’expliquer aux enquêteurs alors que je ne suis jamais allée sur place ? » A contrario, aucun ADN des victimes n’a été trouvé sur les gants de son client. Les policiers appelés à rendre compte de leur enquête ont souvent parlé de ressenti plutôt qu’ils n’ont apporté des preuves, dénonce la défense, Me Vazzana en tête.
Lourds casiers judiciaires
Au moment du verdict, les six jurés et les trois magistrats professionnels ont suivi leur intime conviction et déclaré Locci et Bel coupables. Douze ans et dix ans de réclusion ont été prononcés. Des peines qui s’ajoutent à de lourds casiers judiciaires. Le premier a écopé de huit ans la semaine dernière à Grasse pour un home-jacking aux étranges similitudes avec cette affaire. De quoi réduire à néant les plus brillantes des plaidoiries.