Monaco-Matin

Un conte de fées

A 22 ans, Benjamin Pavard est entré dans le coeur des Français grâce à son but exceptionn­el contre l’Argentine. Portrait d’un gamin « qui vient de nulle part », comme l’a dit Griezmann

- VINCENT MENICHINI, À ISTRA

Comme un grand saut dans une vie nouvelle. Une demi-volée pour l’éternité. Un geste dingue, à voir et à revoir pour le plaisir des yeux. Pour réchauffer les coeurs. La France était alors dans de sales draps contre l’Argentine, lorsque Benjamin Pavard, à la réception d’un centre un peu long d’Hernandez, se coucha, presque, pour envoyer une frappe de l’extérieur du pied droit à la trajectoir­e ‘‘Roberto Carlosienn­e’’. « Quel but il a mis quand même le petit, pose Renato Civelli, qui l’a connu à Lille. ‘‘Ben’’, il avait une qualité technique exceptionn­elle et il l’a toujours. Tu l’as vu ce but ? Incroyable… Il change tout en plus. S’il ne marque pas, ça aurait été très compliqué pour la France, même si elle nous était largement supérieure. Il est très facile avec le ballon… Je suis ravi pour lui. »

Bauthéac : « Je lui ai appris à faire des volées, voilà le résulat ! »

Un coup de génie, façon Lilian Thuram 98 contre la Croatie, qui l’a fait entrer dans le coeur des Français. Depuis samedi et la qualificat­ion face à l’Argentine, on ne compte plus les reportages sur le nouveau chouchou du public tricolore, complèteme­nt méconnu du grand public il y a encore trois semaines et qui évolue depuis deux saisons à Stuttgart, en Allemagne. Depuis quelques semaines, il partage sa vie avec Rachel Legrain-Trapani, miss France 2007, et ancienneme­nt la compagne de l’athlète Ladji Doucouré et du footballeu­r Aurélien Capoue. « C’est un super gamin, marrant, glisse Eric Bauthéac, qui a également joué au LOSC avec lui. Il a un corps d’enfant, tout sec. Il adore chanter les tubes des années 80. Un vrai fan de musique de ‘‘vieux’’. Je lui ai appris à faire des volées, voilà le résultat (rires) .»

Gamin du nord

Né à Maubeuge, où ses parents bossent tous les deux au centre hospitalie­r, Pavard est un ‘‘tiot’’, un petit du coin comme on dit chez lui, à Jeumont, où tout a commencé. Il a encore là-bas, tous ses potes d’enfance, ceux avec qui il a débuté le football, qu’il retrouve dès que l’occasion se présente. Gamin, il ne ratait jamais un match de son père qui a évolué jusqu’en Division 3 et lui a donc transmis la passion du ballon rond. Doué, le ‘‘Ch’ti’’ Pavard est rapidement repéré par les deux grands clubs de la région, à savoir Lens et Lille. Il choisit le LOSC, où il restera jusqu’en 2016 et un départ contre 5 M€ à Stuttgart, alors en D2 allemande. Lancé en profession­nel par René Girard, Pavard n’a jamais su s’imposer sous les ordres d’Hervé Renard, puis de Frédéric Antonetti qui privilégie la paire Civelli-Basa en charnière centrale et Djibril Sidibé à droite. « Dans l’axe, il a eu du mal à trouver sa place, se souvient Renato Civelli. C’est rare de faire confiance à un aussi jeune joueur à ce poste. Les coachs préfèrent les joueurs costauds. Il a eu besoin de quitter son cocon, son club de toujours pour prendre son envol. A Lille, il avait de la pression, c’était le grand espoir du club, etc. » Malgré la déception liée à l’éliminatio­n de l’Argentine, Civelli lui a glissé un message de félicitati­ons auquel Pavard a immédiatem­ent répondu.

De Jeff Tuche à Marc Landers

Malgré son nouveau statut, celui qu’Adil Rami a affectueus­ement surnommé ‘‘Jeff Tuche’’, en raison de ses bouclettes et sa région d’origine - ce qui n’amuse plus le principal intéressé -, n’oublie pas d’où il vient. « De nulle part », a résumé

Antoine Griezmann, même si Didier Deschamps et Guy Stephan le suivent de très près depuis de longs mois. Appelé pour la première fois en A en novembre dernier, Pavard a la particular­ité de n’avoir jamais perdu en 28 sélections toutes catégories confondues. « C’est un joueur très intéressan­t, décrypte Guy Stephan. C’est un bon défenseur, performant dans le camp adverse. Surtout, malgré sa timidité et sa discrétion, il a une vraie force de caractère. Et ça, on a beaucoup aimé avec Didier. Ce fut un critère essentiel dans nos choix au moment d’effectuer notre liste. » Pavard , rebaptisé « Marc Landers » depuis samedi, du nom des héros de « Olive et Tom », n’est alors pas programmé pour être le titulaire sur le côté droit de la défense, même si une incertitud­e plane sur l’état de forme de Djibril Sidibé. A l’arrivée, le joueur de Stuttgart a raflé la mise. «Il ne fait pas de bruit, mais c’est un vrai soldat, comme on dit, glisse, admiratif, Hugo Lloris. Il fait toujours le boulot, est impliqué. » « Il n’a peur de rien, qu’il joue ou pas, il sera toujours là, confie un membre de la délégation tricolore. C’est extraordin­aire d’avoir un joueur comme ça dans un groupe. » Le dernier mot revient à Frédéric, le papa, qui n’a pu retenir ses larmes, samedi, après la folie de Kazan. « On a vécu un truc de malade. Il s’est senti un peu fautif sur le but argentin. Il a démontré toute sa force de caractère. Si on avait créé un conte de fées, on n’aurait même pas osé écrire ça. On est dépassés, ça a pris une ampleur incroyable dans le Nord. On a peur de faire des impairs. Lui a l’air de bien gérer tout ça. Il nous surprend, vraiment. » Pourvu que ça dure…

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(Photos AFP/EPA) Benjamin Pavard se rappellera à vie de ce France-Argentine .
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Sous le maillot de Stuttgart en Bundesliga.
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