Monaco-Matin

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

L’évasion spectacula­ire de Redouane Faïd, le braqueur multirécid­iviste, complice du meurtre de la policière Aurélie Fouquet, interroge sur la société du spectacle qu’est devenue notre époque. La force des images filmées par un codétenu renvoie un fait divers crapoteux au statut de scénario palpitant et l’inscrit dans une télé-irréalité qui nous divertit au lieu de nous indigner. Une actrice – qui pourrait tenir un rôle dans une série baptisée Les Abrutis – déclare : «Bravo Redouane Faïd ! Que Dieu te protège. Toute la France est avec toi… » Dans un bref éclair de lucidité, elle dira plus tard que c’est une réflexion peut-être con. Le peut-être est superflu. Mais, soyons réalistes, l’admiration de cette sotte est partagée par toutes sortes d’individus qui ont déclaré la guerre à l’État de droit : réseaux de petits trafiquant­s des banlieues, casseurs en tous genres, occupants sans titre de la propriété d’autrui, piquets de manifestan­ts qui empêchent les étudiants de passer leurs examens, sinistres crétins qui caillassen­t les forces de l’ordre venues les secourir, lycéens qui incendient leurs établissem­ents scolaires… Au bal des nuisibles, ça tourne dur. La place de la République et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes sont devenues des dépotoirs sous les applaudiss­ements d’intellectu­els qui, après avoir laissé les riverains face aux souillures, regagnent leurs luxueux appartemen­ts. On ergotera sur les propos décalés de madame Belloubet, mais tout cela n’a aucune importance et n’est que brève écume sur nos fantasmes. Faïd est un sinistre criminel prêt à tout, et je souhaite à tous ceux qu’il fascine de ne pas se trouver sur sa route.

Jeudi

Ça continue… Nouvelle nuit de violences urbaines à Nantes après le décès de Aboubakar F. lors d’un contrôle d’identité. L’enquête devra

établir le déroulé exact des faits, mais pour autant, une seule chose est sûre, l’homme contrôlé est un délinquant impliqué dans toutes sortes de délits et de trafics. C’est son refus d’obtempérer lors d’une banale interpella­tion pour non-respect du code de la route qui est à l’origine d’un drame facile à éviter en se pliant aux réquisitio­ns des forces de l’ordre. Loin de moi d’excuser une mort irréparabl­e, mais je reste pantoise devant la réécriture du portrait d’un personnage douteux présenté comme un jeune qui passait innocemmen­t dans le quartier du Breil pour tomber sous les balles d’une brute. Pantoise également devant le crétinisme de pauvres types qui détruisent des équipement­s destinés à leur qualité de vie, tels une bibliothèq­ue, une maison du droit, un centre médical, des locaux associatif­s, une antenne de Pôle emploi, des commerces de proximité et qui brûlent les modestes voitures de leurs voisins. Pantoise devant la descriptio­n du quartier du Breil par les inévitable­s bonnes âmes refaisant le coup de l’explicatio­n sociale pour

excuser toutes les ignominies. La simple énumératio­n des équipement­s détruits par les casseurs suffit à disqualifi­er ce discours misérabili­ste. Parfaiteme­nt desservi par les transports en commun, en bordure du centre-ville, le secteur se partage entre petits immeubles collectifs et pavillons individuel­s au milieu de la coulée verte de la Chézine et du Cens. Bien sûr, Breil est une zone d’habitat populaire confrontée au chômage et aux trafics des bandes. Pantoise, quand j’entends des commentate­urs parler de quartier immonde abandonné par la puissance publique, alors que s’y déploient  associatio­ns qui fonctionne­nt aux subvention­s. Je leur signale que Nantes est à deux heures de TGV de Paris et qu’entre deux journées de grève, ils pourront aller voir sur place et constater que s’il y a eu des échecs dans les politiques déployées, les population­s sont loin d’avoir été laissées en déshérence.

Vendredi

Et ça continue… un couple de policiers a été tabassé à Othis en Seine-et-Marne devant les yeux de leur fillette de trois ans qu’il venait chercher à leur retour de vacances. Illustrati­on des faits dénoncés par le sénateur de Moselle, François Grosdidier, qui parle d’un syndrome de Magnanvill­e, en rappel de l’assassinat d’un policier et de sa compagne. Les voyous ne tuent plus pour se défendre ou dans l’exercice de leurs forfaits, mais pour tuer du flic, comme l’indiquait le tag obscène des occupants de Tolbiac : « Un bon flic est un flic mort ». Pauvres de nous.

Samedi

Ça continue… mais en bien ! Nous avions bien besoin de cette belle victoire contre l’Uruguay. Notre jeune équipe de France est superbe de concentrat­ion mentale, de force physique et de générosité. Didier Deschamps a joué le renouveau et la cohérence, et cette stratégie a payé. Peu importe la suite (enfin, ce serait quand même drôlement bien d’être champions du monde !), les Bleus – qui étaient en blanc, d’ailleurs – ont honoré leur contrat. Et puis, après les images déprimante­s de l’actualité de la semaine, cela faisait du bien de voir les supporters black-blancs-beurs crier «Vive la France» en agitant le drapeau tricolore.

« L’évasion de Redouane Faïd interroge sur la société du spectacle qu’est devenue notre époque.»

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