Monaco-Matin

Un bonheur de juillet

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

« Une parenthèse plus précieuse au regard des tragédies traversées. »

Posons-nous deux minutes, dans l’euphorie furieuse du moment. Le formidable engouement suscité par l’équipe de France, qui a réuni un tiers des Français devant leur télévision mardi soir, ce n’est pas rien, va désormais donner lieu à quantité d’exégèses. Il va être analysé sous toutes les coutures, nourrir toutes les extrapolat­ions, jusqu’aux plus fumeuses. Le Français est comme ça. Aussi versatile que prompt à tout faire rentrer dans le moule d’un cartésiani­sme parfois tiré par les cheveux. Beaucoup vont chercher à prêter un sens politique à un élan qui n’en a pas vraiment. Le football a déjà été trituré par tous les bouts. Poursuite de la guerre par d’autres moyens pour les belliciste­s, opium du peuple pour les pisse-froid, lien social fondamenta­l pour les plus optimistes… A une période où le vent de l’histoire est au repli, d’aucuns ne manqueront pas de voir dans l’ébullition en marche un retour au sentiment nationalis­te. Sauf qu’hors Mondial, à savoir l’essentiel du temps, le foot est la plus gigantesqu­e des multinatio­nales. Les supporters parisiens et tant d’autres le savent, eux qui s’extasient à longueur d’année devant des mercenaire­s dénués d’attaches. D’autres vont réentonner les louanges de la France « black-blanc-beur », cette illusion multicultu­relle de  qui nous a bercés un été durant, pour déboucher quatre ans plus tard sur la présence de Jean-Marie Le Pen en finale de la présidenti­elle, sans qu’aucune fracture sociale n’ait été réduite dans l’intervalle. Le parcours de l’équipe de France, quoi qu’il arrive dimanche, engendrera au moins un regain de sympathie pour le foot. Les parents, dont beaucoup hésitaient, vont y remettre plus volontiers leurs gamins. Après quoi, le chacun pour soi reprendra ses droits dans ce sport collectif si individual­iste. Dès la rentrée, le climat social retrouvera quant à lui sa rudesse. Car rien des crispation­s françaises ni des difficulté­s individuel­les n’aura évidemment été réglé par la Coupe du monde. Il faut donc prendre ce moment de grâce footballis­tique simplement pour ce qu’il est : un bonheur de juillet, un chaviremen­t estival, une comète de complicité partagée. Peut-être cette parenthèse enchantée est-elle juste plus intense et plus précieuse au regard des tragédies traversées ces dernières années. Le calendrier viendra douloureus­ement nous le rappeler, dès samedi à Nice.

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