Des territoires à panser
On a parfois l’impression qu’un nouveau terme vient de faire son apparition dans le dictionnaire. Les territoires. Toujours au pluriel. Comme les pénates, les fiançailles, les entrailles, les victuailles, les rillettes ou les vêpres, tous ces compagnonnages d’Epinal qui fleurent bon la France profonde et immuable. Depuis quelque temps, les politiques n’ont plus que ce mot à la bouche, y compris ceux qui n’en font pas grand cas. Est-on allé trop loin dans la décentralisation ? N’y est-on, au contraire, pas allé assez franchement ? Y est-on, surtout, allé par des chemins tortueux ? Boudée par les principales associations d’élus locaux, la Conférence des territoires, conçue par Emmanuel Macron pour repenser les relations entre les collectivités et l’Etat, accouche quoi qu’il en soit d’un divorce entre la tête du pays et ses jambes. Forcément. Vouloir conférer plus d’autonomie aux territoires, tout en continuant à leur serrer la ceinture, cela partait d’entrée du mauvais pied. La suppression de la taxe d’habitation, même si elle sera compensée, puis l’instauration sans concertation des km/h sur les routes départementales, n’ont fait que rajouter du grain à moudre à des élus locaux qui, pour certains, n’attendaient que ça pour ruer dans les brancards. En un an, le dialogue Etat - collectivités s’est plutôt dégradé, non sans une once de mauvaise foi partisane de grands barons qui, dans leurs fiefs, sont les premiers à se féliciter bruyamment de gérer mieux en dépensant moins. Ceux qui reprochent à Emmanuel Macron d’avoir rayé de la carte le poste de Premier ministre, d’en avoir fait un emploi virtuel, risquent en revanche d’en être pour leurs frais. En confiant à Edouard Philippe la mission de mettre en oeuvre « un plan repensant la présence de l’Etat sur les territoires », le Président, à l’heure d’une raréfaction parfois douloureuse des services publics, l’a placé au coeur d’un des enjeux majeurs du mandat. L’un des plus casse-gueule, aussi. Matignon sert à ça.
« En un an, le dialogue Etat - collectivités s’est plutôt dégradé. »