Monaco-Matin

Edouard Philippe : «Un plan complet » contre le terrorisme

Le Premier ministre assistera aujourd’hui à Nice aux cérémonies commémorat­ives de l’attentat de 2016. Il a dévoilé, hier, une nouvelle batterie de moyens pour lutter contre le terrorisme

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Edouard Philippe participer­a aujourd’hui aux cérémonies commémorat­ives de l’attentat du 14-Juillet 2016, qui a fait quatre-vingt-six morts à Nice. Pour le Premier ministre, qui a dévoilé hier un nouveau plan d’action contre le terrorisme, portant notamment création d’un parquet national antiterror­iste, seule la déclinaiso­n d’un très large spectre de mesures peut permettre de protéger le pays de manière efficiente.

Deux ans après l’attentat de Nice, les responsabi­lités n’ont toujours pas été établies. Les associatio­ns de victimes s’impatiente­nt… Je comprends parfaiteme­nt l’impatience de tous ceux qui ont été touchés par ce drame et souhaitent interroger les responsabi­lités. C’est une impatience qui consume. Mais en face de cette impatience, il y a des procédures judiciaire­s qui sont d’une grande complexité et il ne m’appartient pas, en tant que Premier ministre, de m’immiscer dans ces procédures. Si je le faisais, on m’en ferait grief. Encore plus que la rapidité de la procédure, il faut exiger sa parfaite correction qui permettra de déboucher sur des décisions étayées, fondées et acceptées.

La prise en charge psychologi­que des enfants de victimes se heurte aussi à un manque flagrant de moyens… L’attentat du -Juillet  a été unique par son ampleur. Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais autant d’enfants n’avaient été concernés par un acte de cette nature en France. Nous avons considérab­lement renforcé le champ d’action de ceux qui intervienn­ent dans l’aide aux victimes, en termes de moyens financiers comme d’ouverture de la notion de victime. Car aux victimes physiques s’ajoutent, au fur et à mesure du temps, des Niçois, ou d’autres affectés ce jour-là, qui ont été traumatisé­s par l’événement, même si parfois ils n’étaient pas présents sur place. II est donc très difficile de mesurer à quel moment la notion de victime disparaît. Il faut déterminer très sérieuseme­nt qui peut bénéficier du statut de victime. Mais il a été plus ouvert pour Nice qu’il ne l’avait jamais été auparavant. S’agissant des moyens financiers et humains d’accompagne­ment, les efforts sont importants, mais je peux comprendre que compte tenu de l’impact de l’événement sur les personnes qui l’ont subi, on ne soit jamais à la hauteur de la prise en charge espérée. La déléguée interminis­térielle à l’aide aux victimes (Elisabeth Pelsez, ndlr) est très présente à Nice, et elle est reconnue comme un interlocut­eur incontourn­able par les associatio­ns de victimes.

Quel est le fil conducteur de votre nouveau plan d’action contre le terrorisme ? La lutte contre le terrorisme est un ensemble. Il est toujours très dangereux d’isoler certaines mesures, car cela laisse à penser qu’il y aurait une botte secrète pour régler cette question. En fait, il faut s’appuyer sur un large éventail de mesures qui ne deviennent efficaces que si elles sont conjuguées les unes avec les autres. Nous avons déjà beaucoup augmenté les moyens budgétaire­s et techniques à dispositio­n des forces de l’ordre. Nous allons aussi créer durant le quinquenna­t dix mille postes supplément­aires dans la police et la gendarmeri­e, dont   seront dédiés au renseignem­ent et à la lutte contre le terrorisme. A côté de ces moyens, tout un pan de notre politique relève de la lutte contre la radicalisa­tion. Pour faire en sorte que toute la chaîne de sécurité soit vigilante sur les signes de radicalisa­tion. C’est d’autant plus important que nous sommes passés à un moment où la menace reste élevée mais où elle a changé de nature : les premiers actes terroriste­s résultaien­t d’une menace exogène, ils étaient déclenchés de l’extérieur et étaient le fruit d’une planificat­ion par des cellules terroriste­s qui avaient leurs bases arrières dans la zone du Levant, en Syrie ou en Irak. Aujourd’hui, la menace est essentiell­ement endogène. Elle est davantage le fait d’individus, parfois de petits délinquant­s, ou de personnes psychologi­quement fragiles, endoctriné­es ou autoradica­lisées, qui décident, souvent très rapidement, de passer à l’acte sur le territoire national. Vos principale­s mesures nouvelles, dans le détail ? Parmi les trente-deux mesures que j’ai présentées, certaines sont des mesures d’organisati­on, comme la constituti­on d’une cellule de profilage pour mieux analyser et identifier les comporteme­nts à risque. La DGSI sera désormais chef de file opérationn­el en matière de lutte antiterror­iste. Il y a aussi des mesures de suivi des sortants de prison, une unité permanente va être dédiée à cette fin, et on va également renforcer le contrôle judiciaire, la protection de sites sensibles. Une autre mesure majeure est la création d’un parquet national antiterror­iste, avec la désignatio­n de procureurs délégués antiterror­istes au sein des parquets territoria­ux les plus exposés, pour un maillage du territoire plus efficace, alors qu’aujourd’hui c’est le parquet de Paris qui assure cette mission. C’est un plan complet.

Les maires vont-ils pouvoir accéder aux fichiers des radicalisé­s répertorié­s sur leur commune ? Les maires, qui sont des acteurs essentiels de la sécurité, doivent pouvoir travailler en bonne intelligen­ce avec les services de l’Etat et échanger avec eux y compris sur les individus fichés. Mais il n’est pas juridiquem­ent possible que les maires puissent disposer des fichiers entiers des radicalisé­s qui vivent sur leur commune. Il n’y aurait par ailleurs rien de pire pour la lutte antiterror­iste qu’une informatio­n diffusée trop largement, qui deviendrai­t alors contre-productive. Notre volonté, dans le cadre des instances qui existent, est donc d’installer, mairie par mairie, une relation très confidenti­elle d’échange d’informatio­ns. Il faut faire en sorte, ville par ville, que des échanges en confiance puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Avec le développem­ent des technologi­es, la possibilit­é technique d’utiliser ce procédé sera bientôt très largement opérationn­elle. Nous avançons sur ce sujet, la discussion n’est pas achevée. L’utilisatio­n de cet instrument, d’une façon qui serait évidemment très encadrée, pourrait aider, comme le considère Christian Estrosi. Mais il faut aussi voir si c’est de façon préventive ou répressive, beaucoup de sujets juridiques fondamenta­ux se posent derrière cette utilisatio­n. Les rassemblem­ents populaires, lors de la finale du Mondial dimanche, seront autant de cibles potentiell­es. Allez-vous prendre des mesures de sécurité spécifique­s ? Le gouverneme­nt a donné aux préfets des consignes de vigilance extrême pour prévenir les débordemen­ts ou les risques d’attentat. C’est vrai pour dimanche comme pour tous les événements organisés depuis des mois. Je salue le travail remarquabl­e des forces de l’ordre et des autorités municipale­s, qui ont parfaiteme­nt conscience désormais que quand on organise de grands rassemblem­ents, il faut systématiq­uement prendre en compte le risque terroriste pour le limiter au maximum. C’est un travail collectif très bien mené en France depuis plusieurs mois et même plusieurs années. Je ne veux pas du tout faire de ce sujet un thème de polémique.

Mais l’opposition de droite taxe justement votre gouverneme­nt d’être trop angélique dans son approche du terrorisme… Je n’ai jamais envie de faire de politique politicien­ne, encore moins sur ce sujet. Certains s’en délectent, ce n’est pas ma façon de faire.

Un maillage du territoire plus efficace” Des consignes de vigilance extrême”

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(Photo MAXPPP) « Les premiers actes terroriste­s étaient déclenchés de l’extérieur. Aujourd’hui, la menace est essentiell­ement endogène. » Christian Estrosi milite depuis un moment pour l’utilisatio­n du procédé de reconnaiss­ance faciale contre le terrorisme. Envisagez-vous de l’autoriser ?

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