Monaco-Matin

 juillet : « Ne pas laisser s’éloigner ce drame »

Hommage hier aux victimes de l’attentat du 14 juillet en présence du premier ministre et de la Garde des Sceaux. Le soir, 86 ballons ont été lâchés dans le ciel et 86 faisceaux lumineux allumés

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D’un coup, des personnes, par petits groupes d’abord puis par dizaines quelques minutes plus tard, ont commencé à passer devant nous en courant. Affolés en criant des mots qu’on aurait dits sortis d’un film d’horreur : tués, morts, cadavres, attentat, fusillade »… C’était il y a deux ans. C’était hier. Et pour toujours. C’était sur la Promenade des Anglais, un soir de fête. 86 morts. Et des milliers de personnes condamnées au manque. Condamnées à vivre « avec »... Daniel Benoin et Michel Boujenah ont pris place face au velum installé place Masséna, hier, pour la cérémonie d’hommage aux victimes de l’attentat de Nice, en présence du Premier ministre Édouard Philippe et de la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Tour à tour, les deux artistes ont lu des passages de ce texte hommage de William Navarette : Pour l’amour de Nice. L’horreur, sans conteste. La vie aussi. Et cette ville de Nice que l’écrivain cubain naturalisé français a choisi d’aimer plus que tout. Comme un repère. Un magnifique repère. « Elle est la médiatrice entre ma vie d’avant et le présent ».

« N’ayez pas peur que ce drame fasse partie de l’identité niçoise »

Des mots qui touchent, alors que le public vient à peine de se remettre d’un vibrant Nissa La Bella chanté par le choeur de l’Opéra de Nice. Cet hymne déjà si important pour les Niçois, devenu symbole de ceux qui n’ont pas flanché. La Ville debout. C’est Anne Murris, ensuite, qui s’installe au pupitre. La présidente de l’associatio­n Mémorial des anges, fait le voeu que personne n’oublie. Jamais. Pas comme une punition, non… Comme un espoir. «Se rappeler d’hier n’a de sens que si l’on regarde vers demain », dit celle qui a perdu sa fille, Camille, âgée de 27 ans. Puis, ce poème qu’Anne Murris prononcera dans un souffle. Beau. Et sans concession. Ce sont les rimes de Marek, un proche de Camille. « Nous nous sommes rassemblés car il faut combattre, cet ennemi amorphe qui refuse de combattre. Qui pense s’exprimer en répandant le sang, son épée aiguisée est son seul argument ». Place à Promenade des Anges. Célia Viale remet des mots sur ce qu’elle a vécu ce funeste soirlà. Ce soir où sa mère, Marie Pierre Viale, a rencontré la route de ce fou et de son camion. « Nous sommes ceux qui restent », a-t-elle lancé face à la tribune. Vivants, « mais perdus dans une vie où les référentie­ls sont chamboulés. Sans mode d’emploi sur la manière de faire face ». Et encore ce voeu. Comme un refrain, hier. « N’ayez pas peur que ce drame fasse désormais partie de l’identité niçoise. C’est l’histoire de cette ville et un jour les gens ne l’en aimeront que davantage. » Enfin, avant les discours officiels, ce sont, une nouvelle fois, les noms des 86 victimes qui ont été lus dans un silence parfait. Des noms devenus si familiers. Des âges. La révolte et les frissons. 86 galets bleu blanc rouge sont déposés au pied d’un arbre blanc immaculé.

«  jours »

Christian Estrosi s’avance face au velum. Il a compté. « 731 jours. Oui, Monsieur le Premier ministre, on peut les compter, ces jours écoulés depuis le 14 juillet 2016. » Ces jours qui éloignent. Mais qui lient aussi. « Ce lien, nous nous devons de le faire vivre, afin que nous sortions vainqueurs de cette lutte », a harangué le maire de Nice. 731 jours. Et chacun de ces jours a compté. « Ces 731 jours-là nous amènent aussi à refuser l’oubli ». Christian Estrosi demande la vérité. « Nous la devons aux familles, aux endeuillés, aux blessés, aux impliqués, aux choqués ». Et ce souhait : « C’est aussi pour cela que nous souhaitons, d’un seul coeur, que notre mémorial-centre de recherches puisse très vite voir le jour. » Et de conclure : « Oui Monsieur le Premier Ministre, aujourd’hui par votre présence, autour de tous ceux auxquels nous devons tant la France est Niçoise. » Un Premier ministre raccord dans le discours. Il y avait d’un côté ceux qui se trouvaient à Nice ce soir-là. Et les autres. «Des Français qui découvrent au fil de la soirée, l’ampleur inimaginab­le et pourtant réelle, de l’horreur. Des Français qui se sont soudain sentis très loin et en même temps très proches. » «Très proches parce que cette foule innocente, c’est celle dans laquelle chacun de nous aurait pu se trouver », poursuit-il. Puis, Édouard Philippe, qui a entendu le message des familles de victimes. Il évoque les soutiens, les associatio­ns et leur formidable travail. Et l’État : « Nous allons créer un juge de l’indemnisat­ion des victimes d’actes terroriste­s qui aura une compétence nationale. Son rôle : établir la qualité juridique de victime, simplifier, accélérer les démarches de nature indemnitai­re qui là encore, sont trop lourdes et trop complexes ». Enfin, encore et toujours ce voeu. « Ce drame, vous devez vivre avec. Et vivre avec, ça veut dire ne pas le laisser s’éloigner, ne pas permettre à l’écume des jours, celle de l’actualité, celle des mois qui passent, de l’éroder, de le recouvrir.»

 ?? (Photos Franck Fernandes) ?? Avant la cérémonie d’hommage, un défilé militaire terrestre et aérien depuis le boulevard Dubouchage par l’avenue Jean-Médecin jusqu’à la place Masséna. Et un passage d’Alpha-jets. Un défilé où les pompiers ont été ovationnés.
(Photos Franck Fernandes) Avant la cérémonie d’hommage, un défilé militaire terrestre et aérien depuis le boulevard Dubouchage par l’avenue Jean-Médecin jusqu’à la place Masséna. Et un passage d’Alpha-jets. Un défilé où les pompiers ont été ovationnés.
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