Le combat d’un père pour un « oublié de la Nation »
Natif du Cros-deCagnes, où il a fait quasiment toute sa scolarité, François Woignier est entré à seize ans au lycée militaire d’Autun. Sur les traces de son frère cadet, aujourd’hui militaire à Brignoles, ce soldat de 2e classe n’a pas ménagé sa peine pour progresser au sein de l’Armée. Major de sa promotion à l’École des sous-officiers d’active de Saint-Maixent, il avait déjà accédé au grade d’adjudant lorsque s’est produit l’accident. 2 juin 2017. Mission de préparation opérationnelle avant « projection ». A quelques mois d’un départ pour la Côte d’Ivoire ou le Mali, cet homme du 3e RPIMa (Régiment de parachutistes d’infanterie de marine, basé à Carcassonne) est à l’entraînement au camp de Caylus, dans le Tarn-et-Garonne. Le VAB à bord duquel il a pris place se retourne. L’adjudant Woignier, éjecté de la tourelle, est écrasé par les treize tonnes du blindé. Il laisse une veuve éplorée et un petit garçon, Owen, qui à l’époque a six ans. La médaille militaire, le grade d’adjudant-chef à titre posthume et l’éloge de ses supérieurs n’apaisent guère la douleur de son père, qui depuis presque une année réclame en vain que lui soit attribuée la mention « Mort au service de la Nation », créée à l’initiative de Jean-Yves Le Drian en 2012, pour les victimes de Merah pour lesquelles il était peut-être difficile de considérer qu’elles étaient mortes pour la France.
«Jemebats»
Les contours de cette nouvelle mention ont été précisés par un deuxième décret de 2016. Elle peut être attribuée à un militaire ou agent public décédé du fait de l’accomplissement de ses fonctions « dans des circonstances exceptionnelles » . «Le chef de corps du régiment a saisi l’Office national des anciens combattants qui a déposé une demande auprès du ministère de la Défense, seul habilité à prendre la décision. Cette mention a été refusée » , déplore Jean-Pierre Woignier. S’il se bat, c’est, dit-il, pour que son petit-fils Owen soit reconnu en qualité de pupille de la Nation. Avec, à la clé, la prise en charge éventuelle de ses études et un accès prioritaire à certains postes dans l’administration. «Ce qui, par les temps qui courent, n’est pas négligeable. » Quant à la veuve, elle bénéficierait de l’équivalent de trois années de solde au lieu d’une. Enfin, l’adjudant François Woignier pourrait avoir s on nom sur le monument aux Morts du Cros-de-Cagnes : « Il est situé à 200 mètres du caveau familial. Cette inscription, ça peut paraître stupide mais pour nous, c’est très important. » Ce que M. Woignier demande, c’est
que son fils soit «reconnu comme une victime ». Il attend toujours de prendre connaissance du rapport de gendarmerie sur l’accident pour engager un recours auprès du ministère de la Défense, ainsi qu’une réponse du président de la République. Et compte beaucoup sur l’adhésion de l’opinion. Le site qu’il a dédié à François (www.lesoubliesdelanation.fr) a déjà recueilli 14 000 signatures. Deux pages Facebook à l’intitulé analogue fédèrent plus de 10 000 personnes. Jean-Pierre Woignier revendique aussi de nombreux soutiens
parmi les parlementaires azuréens et les élus du conseil départemental et des villes de Nice et de Cagnes-sur-Mer. Pour lui, il ne devrait pas y avoir discussion : « Après 13 opérations extérieures, mon fils était bel et bien en mission. Du point de vueW du ministère, c’est une affaire d’appréciation. » De la même façon que la question s’est posée en 2015 pour neuf militaires tués par le crash d’un F-16 en Espagne ou pour la fille d’un otage survivant de l’Hyper Cacher. Avec, dans les deux cas, une décision positive.