Monaco-Matin

«Préserver notre identité nationale»

Questions à Gilles Tonelli, Conseiller de Gouverneme­nt - Ministre des Relations Extérieure­s et de la Coopératio­n

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Monaco, Andorre et Saint-Marin sont-ils, ensemble, plus forts pour défendre les spécificit­és de chacun? Oui, cette considérat­ion a conduit depuis le début de la négociatio­n, nos trois petits États à se consulter régulièrem­ent, afin de s’accorder sur des positions communes devant les négociateu­rs européens et particuliè­rement sur le chapitre institutio­nnel de l’accord. Cela a bien fonctionné. Cette réunion tripartite au niveau des chefs de Gouverneme­nt, la quatrième sur ce format, a d’ailleurs permis de réaffirmer cette position commune. La préservati­on des spécificit­és est par définition plus propre à chaque situation, ce qui n’empêche pas que nous poursuivio­ns nos consultati­ons afin de dégager des points de convergenc­e. En définitive, ce que nous partageons, c’est bien le souci constant de préserver notre identité nationale. Bruxelles connaît-elle suffisamme­nt bien Monaco? Il est primordial de toujours expliquer et sensibilis­er nos interlocut­eurs aux spécificit­és de Monaco, une Cité-Etat unique au monde par sa géographie, sa démographi­e et son économie. Les négociateu­rs européens qui pilotent les discussion­s sont bien au fait de nos réalités. Ils sont d’ailleurs venus plusieurs fois à Monaco. Ce travail de pédagogie est aussi relayé quotidienn­ement par notre Mission à Bruxelles auprès de l’UE notamment envers les fonctionna­ires des différente­s directions générales qui composent la Commission et qui sont amenées à connaître le dossier monégasque. Ce travail n’est bien évidemment jamais terminé et nous y portons toujours une attention soutenue. Dans cet esprit, début septembre, nous accueiller­ons à nouveau à Monaco pour une visite de trois jours, le groupe de travail «Associatio­n Européenne de Libre-Échange (AELE)» du Conseil de l’UE composé de  diplomates - un par État Membre notamment chargé du suivi de cette négociatio­n. Je dis «à nouveau» car nous avions déjà procédé à l’exercice il y a six ans et le renouvelle­ment des équipes de diplomates des États Membres à Bruxelles impose une nouvelle sensibilis­ation. De fait, le Conseil de l’UE devra in fine approuver le projet d’accord qui aura été négocié par la Commission. Il est donc fondamenta­l que les diplomates chargés du dossier saisissent les particular­ismes et les spécificit­és de Monaco. Nous devons partager avec eux de façon très concrète les réalités de notre pays et ses capacités, afin que les arguments qui soutiennen­t nos demandes soient bien vérifiés afin d’être admis.

Y a-t-il des exemples qui tendent à montrer que l’UE admet les spécificit­és des petits États même si celles-ci sont contraires ou du moins difficilem­ent compatible­s avec ses grands principes? Si oui, lesquels? Non seulement l’UE ne peut pas faire moins que de les admettre pour les États tiers qui ne souhaitent pas intégrer l’Union, mais en plus elle les admet déjà pour ses propres États membres. En effet, plusieurs de ces États ont des territoire­s spéciaux qui, pour des raisons historique­s, géographiq­ues ou politiques, bénéficien­t d’un statut spécial à l’intérieur même de l’UE. Ces statuts spéciaux sont très divers et forment une «boîte à outils» de régimes dérogatoir­es. On peut citer par exemple les îles Åland finlandais­es, où il existe des restrictio­ns relatives à l’immobilier et au logement ou bien la ville de Büsinchen am Hochrhein, enclave allemande intégralem­ent entourée par la Suisse, en dehors de l’union douanière de l’UE et de sa zone TVA. On voit bien qu’à l’intérieur même de l’UE, le droit européen n’est pas appliqué de manière uniforme et absolue. Cette «boîte à outils» européenne en matière d’adaptation­s aux spécificit­és locales est bien fournie et elle devrait permettre que la situation de Monaco qui est unique soit prise en compte.

Si vous deviez négocier avant l’automne , pensez-vous «être dans les temps»? Nous avons toujours dit que nous n’étions pas pressés. Nous avons pris bonne note du souhait de l’UE de parvenir à un accord au cours de l’année  et le Gouverneme­nt s’est mis en ordre de travail pour y répondre. Toutefois, si le projet d’accord ne nous convient pas, on poursuivra la négociatio­n avec la Commission suivante.

À un an d’une échéance souhaitée par l’Europe, avezvous trouvé des solutions concrètes? Il s’agit en définitive de parvenir à concilier, d’une part, des règles générales établies pour faire fonctionne­r le marché intérieur avec, d’autre part, des spécificit­és auxquelles il n’est pas possible de renoncer. Nous devons donc parvenir à dégager des solutions innovantes à des situations qui ne connaissen­t aucun précédent. Les négociateu­rs européens l’ont bien compris et ils font preuve d’un état d’esprit compréhens­if et ouvert afin de parvenir à une conclusion positive de nos échanges.

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