Monaco-Matin

«J’ai grandi avec le Tour»

A 36 ans, le Saint-Jeannois Amaël Moinard a terminé hier soir son 10e Tour de France (45e) en autant de participat­ions depuis sa première en 2008. L’occasion de regarder dans le rétro

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN LARONCHE

Saint-Pée-sur-Nivelle, samedi midi. Après la reconnaiss­ance de l’ultime chrono du Tour, Amaël Moinard accepte de s’évader quelques minutes de la folie de l’ambiance basque pour revenir sur sa riche expérience de la Grande Boucle. Il lui restera 147 km à boucler, mais il s’agissait d’une formalité pour le grimpeur qui a connu tellement d’épisodes sur la dernière décennie en juillet. Le voilà avec dix Tours terminés.

Amaël, vous bouclez votre dixième Tour, en autant de participat­ions. Une fierté ? Oui, c’est sûr, car je me suis mis au vélo en regardant le Tour à la télé. Après, quand je suis passé pro, j’espérais y participer au moins une fois. Quand c’est arrivé, je voulais le finir. Aujourd’hui, arriver à dix, je me dis que j’ai fait une grosse carrière sportive.

Comment expliquez-vous que vous êtes toujours parvenu au bout du Tour* ? Dès mon premier Tour, j’ai vite vu que je récupérais bien, que mon niveau restait constant sur trois semaines. C’est aussi dû à la planificat­ion de l’entraîneme­nt, à comment tu abordes ta saison et au fil des années, à comment tu gères ta carrière. Physiqueme­nt, je récupère toujours bien, mon sommeil est bon. Après quelques années, je me suis dit que c’était sur trois semaines que je pouvais réaliser mes meilleurs résultats.

Chavanel ne sera plus sur le Tour. L’année prochaine, vous serez certaineme­nt le Français le plus expériment­é au départ… Peut-être mais, en vieillissa­nt, je me rends compte de la difficulté de la Amaël Moinard a bouclé son sur les Champs-Elysées.

tâche. Peu importe sa place à l’arrivée, quand on boucle l’étape de l’Alpe d’Huez ou celle de l’Aubisque, on souffre tous énormément sur le vélo. Donc je ne me projette pas aussi loin. J’ai envie de continuer à prendre du plaisir dans ma carrière et lorsque, mentalemen­t, la souffrance aura pris le dessus, j’arrêterai.

Quel a été votre meilleur moment sur le Tour ? Lors de mon premier Tour, après le dernier chrono, lorsque je me rends compte que je termine au général (finalement après le déclasseme­nt de Kohl). Pour moi, c’était inconcevab­le au départ. Je me répétais : « c’est énorme Tour hier soir. Cela valait bien une photo pour immortalis­er l’événement (Photos Aline Dupont/Fortuneo et AFP)

ce que tu viens de faire ».

Et le pire ? Lors des chutes. Ça veut dire des moments de souffrance, des passages à vide pendant plusieurs jours derrière, mais il faut finir Plein de fois, quasiment sur chaque Tour je me suis dit que c’était trop dur, je me suis demandé : « pourquoi tu fais ça ? ». Mais l’abandon, non. Et puis à chaque fois que tu termines un Tour, c’est une fierté. C’est aussi un défi contre soi-même.

Malgré cette souffrance, pour quelles raisons le Tour de France reste un moteur dans votre saison ?

Se dire qu’on est acteur du plus grand événement cycliste au monde, ça me fait toujours envie. Vouloir donner le meilleur sur le rendez-vous majeur de notre sport, c’est toujours gratifiant. Le Tour, c’est incomparab­le. Il y a la foule sur le bord de la route, les routes mythiques qu’on connaît, et puis j’ai grandi avec le Tour. C’est ma passion depuis mon enfance. Je participe à l’événement qui me faisait rêver gamin. C’est tout ce qui donne l’envie d’y être et de bien le préparer.

Que dirait le Amaël d’aujourd’hui à celui qui allait se lancer dans son premier Tour en  ? « Prends du plaisir et ne compte pas sur l’année d’après. Ne calcule pas ». Entendre « le travail, ça va payer », ce n’est pas forcément vrai. Il faut profiter de la fraîcheur du moment et dès qu’on en a l’opportunit­é se lancer dans la bataille car les occasions

sont rares et ne se représente­nt pas forcément.

Quel est le plus gros sacrifice que l’on doit faire quand vous partez un mois loin de chez vous ? Je n’emploie jamais le mot sacrifice car c’est dur de partir, mais ce n’est pas le seul travail qui implique ces absences. Et puis, j’ai la chance de vivre de ma passion. Aujourd’hui, mes enfants sont plus grands (Lubin  ans et Gaspard  ans), j’ai moins le manque, car ils sont impliqués dans ce que je fais. Ils suivent le Tour à la télé et commencent même à bien comprendre le fonctionne­ment d’une course de vélo.

Quelle est l’étape que vous auriez rêvée gagner ? Celle qui arrivait à BourgSaint-Maurice, après avoir monté le Petit et le Grand Saint-Bernard (Tour ). Je finis J’étais peut-être capable de la gagner, en tout cas j’étais devant (victoire d’Astarloza, déclassé, Casar récupérant la victoire). Ce n’est pas un regret, mais, oui, j’aurais rêvé la gagner.

Enfant, quelle était votre Celle qui se finit à l’Alpe d’Huez, avec les ascensions de la Croix-de-Fer, la Madeleine, ou l’enchaîneme­nt TourmaletA­ubisque de vendredi. Ce sont des noms mythiques, où on a tous envie d’être acteurs. Sur mon premier Tour, je me suis vraiment bien marré. Mais c’était collectif, avec Samuel Dumoulin, Florent Brard, Stéphane Augé, Sylvain Chavanel, David Moncoutié. On a rigolé tout le Tour et en plus on a gagné deux étapes (Dumoulin et Chavanel) et je fais ma meilleure place au général. On n’avait pas la plus grosse équipe, mais cette ambiance a aussi été une des clés de notre réussite.

Celui que vous êtes content de ne plus voir dans le peloton ? Contador, parce qu’il m’a fait souffrir sur le vélo, parce qu’il attaquait de loin et condamnait des échappées composées de garçons comme moi. Alors, je suis content qu’il ne soit plus là.

Celui avec qui vous étiez dégoûté de partager une échappée ? Majka. En , les deux fois où je me retrouve devant, il est là. Et je savais que je ne pouvais pas rivaliser avec lui dans les arrivées au sommet, comme au pla d’Adet par exemple (où le Polonais s’impose en solitaire).

Celui qui vous a le plus impression­né sur le vélo ? Contador. Il grimpait super vite.

Celui qui gagnera les prochains Tours ? Bernal. J’aimerais voir un Français, Warren (Barguil, son leader chez Fortuneo), Romain Bardet, Thibaut Pinot ou Pierre Latour jouer le général, mais il y a un gars très jeune qui arrive et qui est déjà très fort. Il aura encore peut-être des couacs, par sa jeunesse, mais les Français ont intérêt à profiter de la fenêtre de tir des - prochaines années. * Il a également terminé ses trois Giro et trois Vuelta.

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étape mythique ? Quel a été le coureur le plus drôle que vous avez rencontré sur le Tour ?
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  Est-ce que vous vous êtes déjà dit : « C’est trop dur, j’abandonne » ?
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