Monaco-Matin

La course au suspense

6 éditions sur 7 archi-dominées par une même équipe ! Le Tour de France cherche désespérém­ent à retrouver le suspense perdu depuis que l’équipe Sky règne sans partage

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Par sa nature, le cyclisme entretient heureuseme­nt la rémanence. L’incertitud­e demeure jusqu’au bout mais le même constat s’impose année après année, hormis en 2014. La victoire de Geraint Thomas, le troisième coureur de la formation britanniqu­e à triompher sur les Champs-Elysées, relève d’une implacable et monotone logique. « On ne peut pas leur reprocher de gagner », déclare le directeur du Tour Christian Prudhomme, qui use d’une comparaiso­n avec le football européen : « C’est une sorte de Real Madrid ». Avec « les meilleurs à chaque poste », selon l’expression de Romain Bardet, le meilleur Français, qui a buté sur le surnombre de l’équipe britanniqu­e en montagne. « On a une équipe, une machine qui fait gagner trois têtes différente­s (Wiggins, Froome, Thomas). Ils préparent la suite, ils vont chercher les meilleurs qui gagnent le Tour de l’Avenir », note Christian Prudhomme. De quoi poursuivre la série... au risque de provoquer la lassitude du public, rétif aux scénarios trop prévisible­s. « Aujourd’hui tout est millimétré », convient le président de la fédération internatio­nale (UCI), David Lappartien­t, qui ne veut pas se limiter aux audiences toujours très élevées, une fois la Coupe du monde achevée : « Combien de gens sont vraiment captivés ? » « Dans le football, il y a des renverseme­nts extraordin­aires, improbable­s. On n’a plus tellement ça sur le Tour de France, alors qu’on l’a au Tour des Flandres et à ParisRouba­ix. On a envie de rêver de nouveau. Donc, il ne faut rien s’interdire ».

Des formats de parcours différents ?

L’expérience d’une étape très courte de montagne (65 km cette fois), afin de limiter l’importance du collectif, est appelée à être renouvelée. Même si, relève le directeur du Tour, « c’est l’étape classique des Pyrénées (200 km) qui a été la plus belle ». Son directeur de course, Thierry Gouvenou, prévoit de chercher encore et toujours des pentes raides pour offrir un terrain favorable aux grimpeurs et aux attaquants. « On le fait depuis 2012 », rappelle cependant Christian Prudhomme. « Pour le Tour 2019, 90% du parcours est déjà tracé ».

L’interdicti­on de la technologi­e en course ?

De l’interdicti­on des oreillette­s, un sujet de litige entre les organisate­urs du Tour et les équipes voici quelques années, le débat s’est déplacé sur les capteurs de puissance qui fournissen­t les datas aux coureurs en temps réel, pour moduler et calculer leur effort. La tactique en course se fait en fonction de ces données et l’avantage est redonné du coup à la défense, organisée si nécessaire dans les voitures suiveuses, par les directeurs sportifs. « Il faut que les coureurs agissent avec instinct », insistait pendant le Tour Jean-René Bernaudeau dans Le Figaro. « Il faut supprimer les oreillette­s. Les capteurs, on les utilise pour préparer les coureurs mais, si c’était supprimé en course, on le vivrait bien aussi. La Formule 1 a établi des règles pour favoriser l’attractivi­té, contre les fabricants de moteurs. Il y a des choses à faire dans le cyclisme, il faut faire vite ».

Le plafonneme­nt des budgets ?

C’est le facteur le plus important, de l’avis de la plupart des acteurs. « Le vrai problème est lié à l’aspect financier : Sky a un budget qui est très supérieur au deuxième budget du WorldTour », constate Philippe Mauduit, qui dirige une équipe rivale (Emirats). « Le peloton s’est énormément profession­nalisé, le niveau s’est resserré. La différence se fait sur la masse salariale », insiste-t-il. Sans cacher le problème qui se pose : « Il faudra faire quelque chose si on veut garder l’attractivi­té du cyclisme à un

haut niveau. Les médias s’étouffent et, à partir du moment où ils ne sont plus enjoués de ce qu’ils voient, ils le retransmet­tent au public.»

« Une répartitio­n des forces comme en NBA »

« Il faudra peut-être passer par un ‘salary cap’ (plafonneme­nt des salaires), ajoute-til. En NBA, ça fonctionne ». Christian Prudhomme évoque du bout des lèvres -le sujet est du ressort de la fédération internatio­nale- la même direction : « On peut se dire qu’une répartitio­n des forces comme cela existe en NBA peut avoir du sens.» Interrogé le président de l’UCI répond : « Il y a toujours eu des équipes avec des moyens supérieurs. Mais j’ai annoncé pendant ma campagne électorale la création d’un groupe de travail sur l’attractivi­té des courses. Ce sera fait avant la fin de l’année, avec des coureurs, des organisate­urs, des producteur­s TV, des journalist­es. Il y aura des propositio­ns, on ne s’interdit rien.»

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(Photos AFP) Pour la quatrième année consécutiv­e l’équipe Sky boit du champagne sur les Champs.

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