Figure de RMC Lucien Allavena nous a quittés
Celui qui a fait toute sa carrière à RMC est décédé hier, à Monaco. Ses anciens collaborateurs et amis se rappellent d’un homme d’exception qui alliait compétence, ingéniosité et élégance
C’était il y a un peu moins de quatre ans. Un séjour de quelques heures à Roumoules, orchestré par Jean-Luc Allavena, réunissait la grande famille de RMC qui fêtait alors un événement : les quarante ans de la radio, devenue nationale, sur le plateau de Valensole. C’était un jour heureux au cours duquel Lucien Allavena évoquait l’époque où il faisait l’aller-retour dans la journée entre Monaco et les Alpes-de-Haute-Provence pour suivre l’installation des antennes ondes longues. Aujourd’hui, la grande famille de Radio Monte-Carlo, mais aussi nombre de ses compatriotes monégasques et tous ses amis pleurent Lucien Allavena, décédé hier à Monaco, à l’âge de 88 ans, au coeur de la nuit. Une Principauté dans la peine qui se souvient d’un homme délicieux. Une de ces si rares personnalités qui savent être discrètes tout en laissant un souvenir intact. Car c’est précisément cette délicatesse, cette élégance, cette finesse d’esprit, teintées d’une douce jovialité, qui restent dans l’esprit de tous.
« Un couple superbe »
« Le couple Allavena, c’était pour nous tous, à la radio, la grande classe. Nous étions admiratifs. Eugénie et Lucien étaient tout simplement superbes ! », explique JeanPierre Foucault. Mais c’est aussi le grand professionnel que regrette aujourd’hui Michel Bassi, ancien directeur de RMC. « Lucien Allavena était un technicien hors pair. Il trouvait toujours des solutions. L’émetteur de Roumoules, la FM... Ce fut grâce à lui. » Issu d’une vieille famille transfrontalière, dont le nom apparaît à Monaco dès le XVIIe siècle, Lucien Allavena naît à Pigna dans l’arrière-pays de Vintimille en 1930. Après une enfance en Principauté et une scolarité au lycée Albert-Ier, c’est à Paris qu’il conduit des études supérieures d’électricité, s’intéressant plus particulièrement à la radio. C’est très naturellement que, de retour en Principauté, nanti d’un diplôme d’ingénieur, il rejoint les services techniques de Radio Monte-Carlo en 1955. La station est encore adolescente, mais sa pénétration et son audience sur la Côte d’Azur, et bientôt audelà vers Marseille, suscite l’intérêt croissant d’un Gouvernement français, alors très sensible au contrôle des médias. Lucien Allavena y fait ses classes, en suit tous les progrès techniques et plus particulièrement ceux de la diffusion. Station locale à sa naissance, puis régionale durant la décennie 1950, RMC émet alors en « ondes moyennes ». Lucien Allavena participe à la révolution des « grandes ondes ». Il devient ainsi, dès le milieu des années 60, puis surtout durant les années 70, l’un des artisans de l’ascension de Radio Monte-Carlo, en faisant une station nationale par l’extension de sa zone de diffusion.
Un émetteur à la Madone
Dès 1965, il participe à la mise en place du premier émetteur « grandes ondes » à la Madone, derrière le Mont Agel, RMC couvrant ainsi toute la partie sud de la France ; puis en 1974, avec les fameux émetteurs de Roumoules, au plateau de Valensole, dont il est plusieurs années durant le maître d’oeuvre. Ses deux fils, alors enfants, se souviennent des week-ends passés dans les lavandes entourées
de quatre pylônes rouge et blanc, hauts comme des Tour Eiffel… RMC couvre désormais toute la France et même audelà des frontières. Les émetteurs de Valensole, au bout d’un an, vont faire tripler l’audience de la station, offrant un écrin technique à une génération de journalistes, d’animateurs, de producteurs qui deviendront la richesse du « Paysage Audiovisuel Français » des années 80 et 90, ainsi Pierre Lescure, Albert Mathieu, Julien Lepers, JeanPierre Foucault, Yves Mourousi... En 1974, le nouveau président français, Valéry Giscard d’Estaing nomme Michel Bassi à la tête de RMC. De son côté, Lucien Allavena devient directeur technique de la station. Début 1980, RMC connaît son record d’audience nationale en frôlant les 14 %. Dans le midi, la station domine toutes les autres radios. RMC est alors propriété de l’État français au travers de la Sofirad qui détient plus de 80 % des parts de la station. La Sofirad est aussi très présente en Afrique et au Proche Orient. Lucien Allavena participe ainsi, dès le milieu des années 60, à une série de missions pour la société nationale française. D’abord à Conakry en 1965, dans la Guinée de Sékou Touré, puis à Chypre en 1968, pour l’implantation, au Cap Greco, d’antennes pour RMC, et en 1972 pour « RMC Moyen Orient ». Il participera également à une mission au Liban, elle, beaucoup plus périlleuse… Pour ses missions au service du rayonnement radiophonique de la France, il sera fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite par le Gouvernement français. À partir de 1981, Lucien Allavena va accompagner, à son corps défendant, le déclin progressif de la station monégasque. Cela malgré les efforts déployés sur les ondes FM dont il négocie les fréquences. C’est lui encore qui mène en 1986, l’entrée dans le capital de Radio Nostalgie, puis, plus tard, la prise de majorité. Lucien Allavena prend sa retraite en 1995, échappant ainsi aux tristes années de la fin de l’aventure de Radio Monte-Carlo. Il laissera l’image de la courtoisie et de l’élégance des sentiments. Sa simplicité, son humilité étaient de ceux, dont la singularité échappe au paraître, les honnêtes hommes… À sa famille, la rédaction de Monaco-Matin et les journalistes qui ont aidé à la rédaction de cet article transmettent leurs plus sincères condoléances.