Chez Cocteau ou SaintMichel, au pays du piano roi
Avec Chamayou, lundi, Olaffson, hier, Anderszewski vendredi, les virtuoses de cet instrument se succèdent allègrement
La tradition du piano au Festival de Menton remonte au 7 août 1951. C’est ce jour-là que le légendaire pianiste Robert Casadesus donna le premier récital du festival. Depuis, une longue lignée d’illustres pianistes s’est succédé sur le Parvis Saint-Michel, depuis Richter jusqu’à Fazil Say, depuis Kempf jusqu’à Martha Argerich. Le piano est et demeure l’instrument roi de Menton. À Menton, on n’est jamais à court de piano ! Le piano dans toute sa diversité : le piano monumental de Bertrand Chamayou, lundi soir, sur le parvis, ou le piano intimiste du Suédois Olaffson, hier au Musée Cocteau. Et ce sera encore différent, cette semaine, lorsque le bouillant virtuose polonais Piotr Anderszewski se produira vendredi. Piano grandiose, piano câlin, piano furtif, piano multiple ! Qui va piano n’est pas au bout de ses surprises… Lorsqu’avec ses allures de grand jeune homme sage en costumecravate, Bertrand Chamayou mit les mains, lundi soir, sur le clavier on eut l’impression que tout l’espace du Parvis Saint-Michel s’emplissait de sons. Sviatoslav Richer, jadis, donnait aussi cette impression. Le compliment n’est pas mince ! Il fallait entendre la lente progression de la «Mort d’Isolde » de Wagner. On avait le frisson. On sentait la musique avancer, marcher, enfler, grandir comme si sous le couvercle du (Photo Jean-François Ottonello)
piano se cachait un orchestre entier. En deuxième partie du concert, Bertrand Chamayou réalisa l’exploit marathonien d’enchaîner les douze « Études transcendantes » de Liszt. Faisant preuve d’une implacable endurance et d’une époustouflante virtuosité, il fit étinceler les Études « célèbres » comme « Mazeppa » ou « Feux follets », ainsi que d’autres qui sont bien moins riches en matière musicale, tournant en rond autour des mêmes formules techniques. La faute à Liszt, pas à Chamayou ! Hier après-midi – stupéfiant contraste ! – c’était le tour du piano de l’Islandais Vikingur Olaffson et du répertoire élégant du XVIIIe siècle : oeuvres de Bach, de Rameau, de Daquin que le pianiste déroula en guirlandes. Il en donna une interprétation méticuleuse et vivante, ciselant ses phrases comme un orfèvre travaillant ses bijoux. Cela ne l’empêcha nullement de faire preuve de brio et de virtuosité. Il fit chanter à la fin le « Coucou » de Daquin et la « Poule » de Rameau. Le répertoire du piano est ainsi : les envolées romantiques de lundi au Parvis, et les imageries précieuses et classiques d’hier au Musée. C’est tout cela qui fait la vie du piano et d’un festival…