Monaco-Matin

Les mille vies d’un aveugle varois

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

De la lumière, il doit protéger ses yeux. Mais, dans le monde cerné de gris qui l’entoure, il puise le goût intense de l’aventure. Lunettes de soleil couvrant son regard, les pieds dans le sable d’une plage de La Seyne (Var) lundi matin, Georges Nicolas est un homme heureux. Dans une semaine, il voguera sur le Rhône, depuis la ville d’Andance, en Ardèche, où le fleuve trace ses sillons, avant de descendre tel un fil bleu vers la Méditerran­ée. Six jours plus tard, il sera à Port-Saint-Louis-du-Rhône, après avoir traversé les marais salants de Camargue – 260 km à pagayer.

Faire un choix

Avec Pascal, l’un de ses deux fils, le kayak est gonflé et mis à l’eau. Le matériel est gracieusem­ent prêté par le fabricant Aquadesign qui sponsorise le « Cano Trip ». Impatient, Fuji monte à bord. Le labrador croisé golden, chien d’aveugle, fait aussi partie du voyage. Pascal guide le canot, donne à son père les indication­s qui lui permettent de prendre des repères. Ils quittent le rivage. Prendre le large, Georges Nicolas l’a osé, alors que la maladie était entrée en fracas dans sa vie. Après des années comme topographe pour le ministère de la Défense – «je faisais des calculs de points en plein ciel » – le père de famille a compris qu’il devait faire un choix : « Soit on s’abandonne au handicap, soit on apprend de lui de façon positive ». Il n’y a rien de facile dans l’épreuve qui lui a fait progressiv­ement perdre la vue. Une maladie orpheline a atteint son oeil droit, avant d’attaquer le second, cinq ans plus tard. Elle ne laisse qu’un monde flou, gris et aplati autour de lui. Alors, Jo l’admet volontiers : « Le goût de l’aventure est venu quand j’ai eu ma maladie ». Un moment de vérité. La clinique de réadaptati­on visuelle à Nîmes a été essentiell­e dans sa reconquête. « Pour reprendre confiance en moi et en mes capacités.»

«Sportif de salon »

Mieux, Georges Nicolas a osé ce qu’il n’avait jamais fait. « J’étais un sportif de salon, qui lisait Midi Olympique», rit-il. Depuis, il a connu le parapente vers Signes (Var), la spéléo, l’escalade sur le Faron (Toulon), les expédition­s dans le Grand Nord, en Laponie, en Islande… Un palmarès d’aventurier qui prépare son prochain rêve, la descente du Deh Cho, grand fleuve de l’ouest canadien, en 2019. Le Rhône fera office de préparatio­n, en même temps que Georges Nicolas aura le plaisir d’être avec ses fils et deux amis. Les nuits se feront en bivouac. Les écluses seront franchies en portant les kayaks. Une voiture assurera la logistique. Du café aux bouteilles d’eau ils sont prêts. « Un aveugle heureux ? s’exclame-t-il. Moi je suis heureux. » Et de glisser encore à son fils : «Si tu as un rêve, fais-le.» 1. Les autres partenaire­s sont SPSLavazza, l’Associatio­n Science Technologi­e Société (ASTC) et les Seynois des Charly’boys.

Un site web : www.georgesnic­olas.com

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(Photo So. B.) Lundi, dans les eaux de la plage de Fabrégas à La Seyne (Var). Avec le chien guide Fuji.

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