Monaco-Matin

Vers la mort annoncée de l’académie de Nice ?

En déclarant «suivre le rapport Weil» le ministre de l’Education réactive le projet d’une académie par région. Parmi les quatre premières fusions : Nice avec Aix-Marseille

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

En septembre, la rentrée scolaire promet d’être agitée autour d’une interrogat­ion clé: l’académie de Nice sera-t-elle absorbée par celle d’Aix-Marseille en 2020? C’est-à-dire demain… Depuis trois ans, cette question refait surface, avec, à chaque fois, des rebondisse­ments à la clé. Lancé sous le quinquenna­t Hollande, ce projet visait à réorganise­r les services de l’Éducation nationale en l’adossant à la toute nouvelle réforme territoria­le. L’idée étant de passer de 26 académies à 13, soit une par région. Face au tollé des syndicats des personnels de l’Éducation nationale et à l’opposition des élus azuréens contre la suppressio­n de l’académie de Nice, déjà sur la sellette, le projet s’est arrêté à des rapprochem­ents interacadé­miques, avec la création de neuf recteurs coordonnat­eurs. Et pour la région Paca, aujourd’hui région Sud, ce super-recteur, c’est celui d’Aix-Marseille. Fin du premier acte.

Un projet à rendre pour la fin de l’année

Le deuxième s’est ouvert le 16 juillet lors d’une interview accordée à l’AEF, agence de presse spécialisé­e dans l’éducation et la formation, par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et sa collègue de l’Enseigneme­nt supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal. Et là, c’est le coup de théâtre. Alors qu’en janvier, lors de sa venue à Nice, le ministre Jean-Michel Blanquer affirmait que la fusion des académies n’était « pas d’actualité », celui-ci déclare à l’AEF: « Nous allons suivre pour l’essentiel les préconisat­ions du rapport Weil pour avoir un nombre d’académies correspond­ant au nombre de régions ». Ce « rapport Weil », nom de la mission pilotée par le conseiller d’État François Weil, dresse le constat d’une organisati­on actuelle « complexe et illisible» pour préconiser une académie par région «à l’horizon de la rentrée 2021 au plus tard ». Dans ce rapport de 29 pages, les auteurs listent quatre académies qui, en raison de leur territoire ou de leur nombre d’élèves plus réduit, seront les premières à fusionner : Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie, et notre région Sud. À charge pour les recteurs régionaux de «remettre leur projet de fusion à la fin de l’année pour une mise en oeuvre progressiv­e en 2019 et 2020 ». Si l’on s’en tient aux déclaratio­ns du ministre de l’Éducation nationale – face à nos demandes de précisions, le ministère s’est refusé à tout commentair­e – le sort de l’académie de Nice serait scellé. Vers une disparitio­n annoncée. Sauf que depuis 2015, les syndicats des personnels n’ont pas changé d’avis d’un iota. Ni les élus azuréens, tous vent debout contre cette fusion-absorption de l’académie de Nice par celle d’Aix-Marseille (lire ci-dessous). Alors pourquoi cette réforme? Quels sont les avantages et les inconvénie­nts ? Pour les rapporteur­s, cette fusion des académies de Nice et d’Aix-Marseille permettra de concentrer les services, et donc de gagner en efficacité. « Avec moins de réunions », promettent-ils, puisque tout sera décidé par un seul recteur. Celui proche géographiq­uement du préfet de région, pour « fluidifier les relations avec les autorités régionales». En clair, le recteur d’Aix-Marseille. L’intérêt ? Pratiquer des économies d’échelle. De deux services de paie, par exemple, on fait un seul, régional. « Avec au passage des suppressio­ns de postes », pointent les syndicats des personnels. À commencer par celui du recteur de l’académie de Nice et de son secrétaire général, qui disparaiss­ent de l’organigram­me. Soit autant de frais et charges en moins, pour des coûts de fonctionne­ment allégés. Pour soigner la « proximité avec le terrain », les inspecteur­s d’académie verront leurs fonctions renforcées.

Gestion à distance et centralisé­e

Côté inconvénie­nts, la gestion se fera d’Aix-Marseille, donc plus éloignée du terrain. Or Nice est une académie complexe : réduite par la taille, mais forte en effectifs scolaires, toujours à la hausse, coincée entre un littoral urbanisé et un haut pays à défendre. Pas sûr que ces particular­ités soient prises en compte par le recteur régional qui aura six départemen­ts à gérer. S’ajoute un autre inconvénie­nt. Tout sera décidé par le recteur d’Aix-Marseille : la carte des formations dans les établissem­ents, les ouvertures des classes dans les écoles, la répartitio­n des postes dans les collèges et lycées, la création de filières d’avenir dans les université­s… De quoi raviver la rivalité entre la capitale azuréenne et sa cousine phocéenne. «On soigne toujours mieux ses proches voisins que l’on connaît mieux, c’est humain, glisse un syndicalis­te. Alors, en cas d’arbitrage entre Nice et Marseille, qui choisira-ton?» Et puis, il y a des tas d’interrogat­ions, comme la nomination des enseignant­s. En 2020, si la fusion est actée, les affectatio­ns des profs passeraien­t-elles de deux départemen­ts (Alpes-Maritimes et Var) à l’ensemble de la région, de Menton à Marseille en passant par Briançon ? Là, le rapport ne dit rien. Pas un mot…

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(Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) La fusion de l’académie de Nice avec celle d’Aix-Marseille serait, selon ce rapport, l’une des plus simples à mener.

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