Monaco-Matin

Le destin tragique de Lady Day

- A.P.

Billie Holliday, à qui le film du Musée Cocteau sera consacré aujourd’hui, a eu une vie de roman. Zola aurait pu l’écrire si elle avait vécu à son époque. La courte vie de Billie débute en 1915. Le monde est en guerre. Ses parents aussi. Sa mère a 18 ans, son père 16. Il prend ses bagages et s’en va. La misère. Billie commet des larcins, est emprisonné­e à 9 ans, internée à 10 chez les soeurs du Bon Berger, violée à 12. Elle vit ensuite avec sa mère dans une maison close où l’on fait des passes à 5 dollars. Cela concerne la mère, mais aussi la fille. Billie a une voix. Et c’est cette voix qui l’a arrachée à la prostituti­on. Elle commence à se produire dans les bars de Harlem où les filles ramassent les billets sur le rebord des tables en soulevant leurs jupes. En 1933, John Hammond, descendant des industriel­s Vanderbilt, lui fait enregistre­r ses premiers disques. Elle joue avec le saxophonis­te Lester Young. Elle l’appelle Prez. Il y avait déjà le Duke (Ellington) et le Count (Basie), alors il y aura Prez, qui fait président ! Succès immédiats. La chanson « Strange Fruit » va changer sa carrière - chanson écrite par Abel Meeropol, syndicalis­te juif et communiste newyorkais, inspirée d’un lynchage dans l’Indiana, en 1930. Le F.B.I. n’apprécie pas, mais pas du tout, et ne la laissera plus tranquille, la traquera sans relâche, la piégeant pour consommati­on de drogue, lui confisquan­t sa « carte de cabaret » qui était son viatique pour chanter dans les clubs. Lady Day, jusqu’à la fin de sa vie, terminera chacun de ses concerts avec « Strange Fruit ». La drogue la perdit – la drogue mélangée à l’alcool. Sa voix déclina. Le roman tourna au drame. Lorsque Billie Holiday mourut, le 15 juillet 1959, elle avait 44 ans.

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