Levens: François Maurel, éternel chasseur de clichés
Le photographe levensois partage sa vie entre la commune azuréenne et des voyages à travers le monde, où il essaie de témoigner en faveur des peuples en péril
Dans les rues aux bâtiments colorés de Carthagène, un homme marche à travers la foule, chapeau blanc sur la tête et sacs remplis d’appareils photos. Nous sommes en octobre 2017, François Maurel est venu en Colombie avec pour objectif de prendre des images des peuples chamans Arhuacos de la Sierra Nevada qu’il a étudiés pendant des années. Mais il a déboulé sans vraiment avoir de plan en tête. «Si j’avais voulu préparer ça, cela aurait été impossible. Ils vivent dans la montagne, en zone interdite, il n’y a aucun guide qui vous y amène. À part connaître quelqu’un, c’est difficile d’y arriver…», retrace le photographe levensois. Mais il croit en sa bonne étoile – ou plutôt, en « la loi de l’attraction ». Et il a raison : dans cette grande ville, il finit par croiser un jeune homme en tenue traditionnelle. Le fils d’un chef de tribu Arhuaco, en route pour l’école. François l’aborde et revient tous les jours, pour expliquer sa démarche au gamin : photographier, témoigner des peuples en péril, sur le long terme. Le bonhomme l’écoute et finit par lui faire rencontrer son père. Qui accepte de l’emmener voir son peuple, au fond de la montagne. Bingo. «Au fond j’y croyais, assure-t-il aujourd’hui. Tous mes reportages sont comme ça, il y a toujours un truc ».
La chaleur, toujours
Il est comme ça, François Maurel. Du genre à foncer à l’instinct et à se poser des questions ensuite. En Colombie, au Brésil, à Madagascar, en Éthiopie… Sa bougeotte, le bonhomme de 39 ans l’a toujours eu dans le sang. Né au Niger d’une mère malgache et d’un père niçois pilote d’avion, le baroudeur a vécu dans dix-sept pays africains pendant sa jeunesse. Sa seule attache, finalement, c’est cette maison à Levens, où la famille venait passer ses vacances d’été. Elle a fini par être vendue, mais c’est bien dans cette commune que François s’est installé, pour y vivre la moitié de l’année. «J’ai gardé mes repères, ici, retrace-t-il, le visage à l’ombre de son éternel chapeau. Mais je viens aussi chercher le soleil. La chaleur, toujours ». C’est marrant, quand même. Il y a quelques semaines, on avait rencontré Jean-David Murrau. Un autre
photographe levensois, passionné, lui, par le Grand Nord et le froid (voir Nice-Matin du 30 mars) .Le chaud, le froid. Deux attractions opposées, pour deux destins parallèles dans une petite commune. « On est amis depuis qu’on est petits, sourit François. On regarde régulièrement le job de l’autre. Et à la mairie de Levens on fait les mariages chacun notre tour, c’est mignon ».
Ni télé, ni frigo
Pour François, la photo, c’était avant tout un moyen de continuer
à arpenter le globe. « J’avais besoin d’être dans l’instabilité, de retrouver cette magie du voyage » .En autodidacte. Avec un leitmotiv : « Aller là où les gens ne vont pas ». Il quadrille le monde en se mêlant aux peuples en marge. Aux victimes de la mondialisation. Ce rouleau compresseur auquel il refuse lui-même de se plier. « Chez moi, je n’ai pas de télé, pas de frigo, pas de voiture », concède-t-il. Le genre de mec qui se met à l’argentique, pour un travail de plusieurs mois à l’époque d’Instagram et des réseaux sociaux. Un travailleur brut, au long cours. Pas toujours facile, d’en tirer un revenu. C’est pour cela qu’il maintient des activités liées aux mariages et à l’événementiel. Mais cela commence à prendre : des tirages vendus cette année, des expositions, des collaborations avec des ONG, quelques touches avec des journaux. Mais il faut savoir se vendre. « Ce n’est pas mon métier, répète-t-il. Mais j’apprends. » En autodidacte, toujours.
« Changer le monde »
Lui qui se qualifie de photographe « aventurier » et « activiste » - « il fallait mettre une étiquette, la société fonctionne comme ça » – fait également dans l’humanitaire. Il a créé l’association béninoise Perle In et, tout récemment, il a lancé Poupos, une association où il propose d’emmener des gens en voyage et de leur faire partager sa vision du monde. « Le but c’est de garder ces valeurs. À l’instinct. C’est la première fois que je ne suis pas seul et parfois c’est compliqué. Mais c’est intéressant : tout le monde n’a pas la même vision des choses.» Là non plus, ce n’est pas son métier. Mais François Maurel est bien le genre de personne à qui le mot métier ne correspond pas. On parle plutôt d’une philosophie : «Clairement, l’objectif, c’est d’être tout le temps sur la route. Faire ce travail à long terme. Ça me travaille profondément. On a l’impression qu’on peut changer le monde ».
Savoir + Facebook : Francisco Maurel Il a dernièrement collaboré à l’ouvrage de géopolitique Afrique, panafrique, des racines à l’arbre, paru aux éditions Fabert (2018).