Les Moulins: prison ferme pour incitation à l’émeute
Cinq jours après l’accident de Jordan dans le quartier des Moulins à Nice, un fauteur de troubles comparaissait hier devant le tribunal correctionnel. Sanction: 3 mois d’emprisonnement ferme
Dans la nuit de dimanche à lundi, lorsque Jordan, 25 ans, a percuté un palmier en voulant se soustraire à un contrôle de police aux Moulins, Nabil a été l’un des premiers habitants de la cité à se rendre sur les lieux. Non pas pour porter secours à ce garçon qu’il connaît « depuis l’enfance », mais pour s’opposer à la police qu’il tenait pour responsable du choc. De façon totalement irrationnelle puisqu’il n’avait rien vu de l’accident. Devant le tribunal correctionnel, en comparution immédiate, Nabil, 27 ans, semble prendre conscience de l’absurdité de son comportement. Surtout quand le président Lionel Lafon décrit l’hostilité d’une trentaine de jeunes gens du quartier. « Un attroupement se forme et les choses dégénèrent. Sans aucune raison. On est de plus en plus agressifs, on commence à caillasser la police. Une personne tente de récupérer les affaires du blessé, où l’on retrouvera notamment une cagoule et une arme de poing. Il y en a même une autre qui lui retire son casque, ce qui pourrait le tuer s’il avait eu un traumatisme crânien. » Nabil, lui, profère insultes et menaces. Au policier de la brigade spécialisée de terrain (BST) qui porte les premiers secours car il a un brevet de secourisme : « Connard, casse-toi ! », puis « Dégage, enc… ! » avant de lancer à la cantonade: « Bande de bâtards, je vais vous niquer votre race, je fais vous faire vivre l’enfer, on va tout brûler… »
« Mauvaise série B »
«On n’est pas dans le réel, mais dans une mauvaise série B» , déplore (Photo Eric Ottino)
le président en rappelant que doit s’imposer sur tout le territoire « la loi de la République » et non pas celle d’une cité. Le ministère public, évoquant l’arrivée soudaine de ces jeunes venus « caillasser », estime que Nabil, sorti de prison en 2014 après une dernière condamnation trois ans auparavant, a « le palmarès du grand frère ». Et rappelle que, le lendemain, de nouveaux troubles secoueront le quartier, avec «outrages, menaces, barricades». Six mois sont requis. Me Bernard Ginez, aux intérêts du prévenu, fait valoir une autre version. « C’est de l’incivilité », assure l’avocat en expliquant que, cette nuit-là, le groupe avait surgi de la place des Amaryllis à 1 h 40 alors que Nabil était rentré chez lui à 1 h 39, comme l’atteste la vidéosurveillance. « En une minute, il ne pouvait pas avoir levé une armée ». Pourquoi ces « insultes inadmissibles » de sa part? «Parce que, comme un imbécile, il a vu son copain à terre et a cru que la police l’avait percuté.» « J’étais paniqué, j’ai fait n’importe quoi », s’excuse le prévenu. Lorsque le tribunal le condamne à trois mois d’emprisonnement ferme avec maintien en détention, Nabil, pouce levé, adresse un clin d’oeil à ses proches et quitte la salle entre deux policiers, souriant.