Dagée rêve de grandeur
Le lanceur de poids niçois va vivre en Allemagne son premier grand championnat international seniors en extérieur. Repêché par sa Fédération, faute de minima, il entend jouer sa carte à fond
Etre triple champion de France n’offre aucune garantie. Plus que jamais en athlétisme où Frédéric Dagée sait pertinemment que les minima sont rois. Après avoir manqué les Jeux de Rio et les Mondiaux de Londres ces deux dernières années, faute de performances jugées suffisantes, le Niçois a bien cru revivre pareille mésaventure cet été. Tandis que la Fédération française d’athlétisme (FFA) attendait de le voir jeter son poids à 20,45 m, l’Azuréen n’avait pu faire mieux que 20,36 m en salle à Nice cet hiver. Gêné par des soucis de santé ces deux dernières années (mononucléose, blessures à l’adducteur entre autres), et encore perfectible à la suite d’un changement technique majeur (passage de la translation à la rotation il y a deux ans), le pensionnaire du Nice Côte d’Azur Athlétisme voyait, à nouveau, son rêve d’un premier championnat international seniors en extérieur lui filer entre les doigts. Un an après une 10e place aux Europe en salle en Serbie, cette perspective se voulait « une déception et un coup dur » pour l’homme et l’athlète. Et puis la FFA a fini par le repêcher. Cette main tendue n’a rien d’une surprise pour l’athlète de 25 ans. Elle vient récompenser des années de travail.
« Aller dans les huit au minimum »
« Même si j’ai eu une année compliquée, je me sens légitime pour défendre ma place, souffle Dagée. J’ai quand même lancé trois fois à 20 m cette année en compétition (voir chiffre). Et quand j’ai été mauvais, dans le pire des cas, j’ai toujours fait 19,50 m. J’ai réalisé trois fois les minima européens fixés à 19,90 m et je pense que la Fédération française a exagéré un peu les siens. C’était les mêmes que pour les Jeux de Rio. Elle a plus pensé aux résultats qu’au projet de l’athlète. Quand je ne me suis pas vu dans la première liste des sélectionnés, je me suis dit pourquoi aller m’entraîner dès le lendemain ? Puis, quand le DTN m’a appelé pour m’annoncer ma sélection, ça m’a fait du bien. Tu sais, personne n’a envie de devenir le mec qui s’entraîne pour une compétition de temps en temps. J’ai envie de lui prouver qu’il n’a pas eu tort. » Sur le plan physique, l’Azuréen se sent au niveau. Mais, après ses soucis de santé, il lui manque trois mois de travail sur le plan technique. Plus qu’un détail pour grignoter les centimètres, dans une discipline où chaque jet requiert une précision folle. Ne croyez pas pour autant l’élève de Jacques Pelgas dénué d’ambition. S’il a voyagé jusqu’à Berlin, ce ne sera pas dans l’unique but de s’inviter en finale. Celle qui verra s’affronter les douze meilleurs lanceurs demain soir, après les qualifications programmées cet après-midi. « Par rapport à l’entraînement que j’ai fait, de là où je suis revenu, je ne peux pas me dire j’y vais pour entrer en finale. C’est mort. J’y vais pour bien plus. Quand on regarde les résultats des deux derniers championnats d’Europe, avec mes 20 m, je suis à chaque fois en finale. Je vais là-bas en outsider mais pour terminer dans les huit au minimum. Je n’ai jamais fait de contre-performance en grand championnat. »
e bilan des engagés
La motivation de Dagée est légitime et indispensable. Néanmoins, après des mois de galère, placer le seuil de l’ambition aussi haut pourrait s’avérer présomptueux. Pas pour son coach. « Etre au top, c’est être régulier entre 20,30 m et 20,50 m. Frédéric n’y est pas, il faut dire les choses comme elles sont, mais il reste un compétiteur, un bagarreur, avance Jacques Pelgas. S’il faisait plus de 20 m, ce serait remarquable. Il peut le faire. Ce n’est pas au-dessus de ses moyens. S’il fallait atteindre 20,20 m pour entrer dans les douze, là ce serait un peu prétentieux. »e Même avec le 17 bilan des trente engagés, avec ses 20,36 m de l’hiver, l’Azuréen croit en sa bonne étoile. « Le niveau est supérieur aux autres années mais il faut se méfier des chiffres, expose celui qui s’entraîne au CREPS de Saint-Raphaël/Boulouris. J’arrive à chaque fois avec les moins bonnes performances, mais il y a tous les gars qui ont des records à 21,50 m, réalisés dans des endroits pas forcément contrôlés, qu’on n’a jamais vu lancer en grand championnat et qui galèrent à passer 19,50 m. » Pour Dagée, l’ambiance de l’Olympiastadion en cas de finale (74500 places, les qualifications se feront en ville) se veut le paramètre
le plus délicat à gérer. Plus que la concurrence. « Pour moi, ce sera peut-être la première fois qu’il y aura autant de monde dans un stade, confesse-t-il. Ça va être assez impressionnant.» Difficile de prétendre le contraire.