Triple saut : Diallo en embuscade
L’avenir ne se teinte jamais de certitudes. Avec les espoirs, la prudence se doit d’être brandie. Le gain des plus belles médailles se forge dans l’expérience et les leçons de l’échec. L’or ne tombe pas du ciel, quel que soit le talent qui porte l’athlète qui le vise. Rouguy Diallo en est là. Dans cette phase entre deux mondes. Où le potentiel s’affiche mais sans avoir été confirmé dans la cour des grandes. A 23 ans, la Niçoise est assise sur un titre de championne du monde juniors ramené des États-Unis en 2014. Dans le même temps, de l’autre côté de la balance, l’Azuréenne n’a pas encore cartonné au niveau international en seniors.
Trois records personnels cette année
Dans sa besace, la triple sauteuse ne compile qu’une maigre 18e place aux Europe d’Amsterdam il y a deux ans. Depuis, elle a vécu les Jeux de Rio et les Mondiaux de Londres dans son canapé. Et dans l’ombre de Jeanine Assani Issouf, la triple championne de France en titre. Alors ce championnat continental tombe à point nommé pour tirer la couverture à soi. Et venir signer un résultat probant. Même si Rouguy n’a pas encore eu le bonheur de décrocher le titre national (3e en 2016 et 2018), les indices de sa progression sont manifestes. Cette saison, l’athlète du Nice Côte d’Azur Athlétisme (NCAA), formée au club de La Valette-du-Var, a battu trois fois son record personnel de (14,20 m) : 14,22 m le 27 janvier, 14,26 m le 19 juin et 14,27 m le 30 juin à Charléty. De quoi lorgner, pas à pas, sur les 14,44 m claqués le jour de son titre mondial juniors 2014 mais non homologués en raison d’un vent trop favorable (+3,3 m/s).
Tamgho, le sorcier
Des strates qu’elle n’avait plus tutoyées depuis deux ans, victime d’une blessure à l’schio et d’une crise de paludisme, contractée l’été dernier après des vacances dans son pays d’origine, la Guinée. Un mal qui lui avait fait perdre 6 kg en une semaine. Pour se retaper, l’Azuréenne s’est exilée en septembre dernier à Reims, où son coach depuis ses premiers faits d’arme, Teddy Tamgho (recordman du monde en salle), a monté sa structure. Un choix payant. Suivie par des psychologues et biomécaniciens, son évolution a repris, depuis, ses standards fracassants. Et ses doutes sont rangés au placard. « Ces dernières années ont été très dures mais je n’ai jamais rien lâché car je sais de quoi je suis capable, avouait en début d’année Diallo, au site spécialisé Track and Life. Les 6 kg perdus sont un mal pour un bien. Cela faisait un moment que je cherchais à les perdre. Maintenant, je ne me pose plus de questions, je veux battre mon record à chaque compétition. Je ne me fixe pas de limite. » Cette philosophie lui a permis d’obtenir rapidement les minima pour s’inviter en Allemagne (14,20 m). Et donc préparer soigneusement l’événement. « Elle est plus mature et sereine qu’il y a deux ans, confirme Nicolas de Saint-Rémy, directeur sportif du NCAA. Elle est timide mais elle travaille beaucoup. Elle sait se préparer. Elle va répondre présent. »
Aujourd’hui, elle entrera sur le tartan bleu de l’Olympiastadion, pour les qualifications (11h05), avec la 9e marque européenne parmi les vingt-neuf filles en lice. Se faire une place en finale, programmée vendredi (20h07) et où douze demoiselles se joueront le titre, est plus que jamais dans ses cordes. Pour se dispenser de comptes d’apothicaires, Rouguy pourrait aussi se qualifier directement avec un bond à 14,05 m. Il n’est plus question d’utopie. Diallo est une outsider à craindre.