Monaco-Matin

Marineland : les ours polaires pris entre deux feux

Face à la pétition en faveur du transfert des deux ours polaires du parc, Pascal Picot, son directeur général, se défend. Avec à l’appui un constat d’huissier, que Nice-Matin a pu consulter

- LOUIS BELIN

Il n’entend pas céder. Pascal Picot, à la tête du Marineland d’Antibes depuis près d’un an, balaie les accusation­s de mauvais traitement­s des ours polaires du parc d’un revers de la main. A l’origine de la polémique : une pétition initiée par l’associatio­n C’est assez !, signée par près de 150 000 personnes. Adressée au ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, elle demande le transfert des ours blancs dans un environnem­ent plus adapté ainsi que l’interdicti­on de leur captivité. « C’est simplement une pétition de plus, avec de mauvais arguments et des mensonges », réplique sèchement Pascal Picot.

« Moi aussi je signerais si c’était vrai »

Sur un document filmé le 11 juin dernier et publié par C’est assez !, on voit l’ours mâle Raspoutine « haletant, la bave à la bouche, fatigué et répétant sans cesse le même va et vient » .Un comporteme­nt lié à la chaleur, selon l’associatio­n. Il semblerait que ce soit plus compliqué. Pour ce qui est de l’hypersaliv­ation, « on l’observe chez les mâles en période de reproducti­on, et c’était le cas quand la vidéo a été prise, ou encore quand ils ont faim. Ce n’est pas nécessaire­ment un signe qu’ils souffrent de la chaleur », réfute Pascal Picot. Autre élément à charge : la stéréotypi­e. Ce comporteme­nt répétitif observé chez les ours « est le signe d’un stress et donc d’un mal-être », selon la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). Mais difficile de lier ce stress à la chaleur. « Aucune étude ne l’a prouvé jusqu’ici. Moi aussi, je signerais la pétition si tout était vrai » ,sedéfend le directeur du parc.

Un programme européen de reproducti­on

« La captivité en elle-même est source de stress, rappelle la Fondation. Un territoire très inférieur à celui qu’ils auraient à l’état sauvage, des conditions climatique­s inadaptées à leur physiologi­e, des visiteurs qui font beaucoup de bruit constammen­t... Parmi les espèces sauvages captives, l’ours polaire fait partie de celles qui s’adaptent le moins bien. » Flocke et Raspoutine sont nés en 2007, tous les deux en captivité respective­ment aux zoos de Nuremberg (Allemagne) et Moscou (Russie). Elevés ensemble d’abord à Nuremberg, ils ont été transférés au Marineland d’Antibes au printemps 2010. « Ces ours blancs ne nous appartienn­ent pas, poursuit Pascal Picot. Ils nous ont été confiés dans le cadre d’un programme de reproducti­on des espèces en parc animalier (EPP), mis en place par l’Associatio­n européenne des zoos et aquariums (EAZA). » Un programme qui a déjà porté ses fruits, puisqu’en 2014 Raspoutine et Flocke ont eu une oursonne, Hope, transférée au parc animalier de Orsa (Suède) début 2018. La raison? « Au bout de 3 ans environ, explique Pascal Picot, la mère chasse son petit. » Difficile alors de tous les conserver dans le même parc.

Cahier des charges et contrôle d’huissier

« Des ours polaires à Antibes, cela interpelle, reconnaît le directeur. Mais Marineland disposait des moyens financiers pour les accueillir dans de bonnes conditions, fixées elles aussi par les textes européens. » Le parc dit respecter aujourd’hui un cahier des charges très exigeant, avec une eau de mer à 14°C maximum, des zones d’ombre ou encore des grottes de glace. Alors que l’associatio­n C’est assez! conteste le libre accès des ours à ces infrastruc­tures, vidéo à l’appui, le parc dit être parfaiteme­nt en règle. Pascal Picot en veut pour preuve un récent constat d’huissier. « Un huissier constate ce qu’on veut lui faire constater le jour où il vient », nuance Jean-Marc Neumann, juriste spécialisé en droit de l’animal et intervenan­t à l’université de Strasbourg.

Une règlementa­tion trop peu exigeante

La captivité des ours polaires est aujourd’hui réglementé­e par la directive européenne sur les zoos (1999/22/CE), transposée en droit français par l’arrêté du 25 mars 2004. Elle est autorisée par l’arrêté du 10 août 2004. Les textes ne prévoient pas de dispositio­n particuliè­re concernant les ours blancs, et les règles ne sont pas toujours très (Photo Franz Chavaroche)

précises. L’article 29 exige cependant que « les animaux tenus dans des enclos extérieurs aient accès à des abris ou à des locaux leur permettant de se soustraire aux effets du climat négatifs pour leur espèce.» « Ce n’est pas à moi de dire si la réglementa­tion en France et en Europe est trop ou n’est pas assez contraigna­nte », estime Pascal Picot, qui n’envisage aucun changement dans la conservati­on des ours polaires au Marineland Alors qu’une manifestat­ion est prévue devant le parc aujourd’hui à 18 h à l’initiative de C’est assez!, le directeur du parc ne souhaite pas dialoguer avec « des opposants agressifs qui ne veulent rien entendre» , et dénonce «des attaques calomnieus­es ».Malgré le succès, la pétition de l’associatio­n devrait toutefois être sans conséquenc­e. « Elle relève du voeu pieux. Sur le plan juridique, si Marineland respecte la réglementa­tion, le ministère ne pourra pas agir. Au mieux, il pourrait ordonner un contrôle inopiné du parc », conclut le juriste Jean-Marc Neumann.

Ces ours ne nous appartienn­ent pas, il nous ont été confiés dans le cadre d’un programme européen”

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Raspoutine et Flocke, les deux ours polaires du Marineland d’Antibes.

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