Monaco-Matin

Un Parvis ruisselant de musique et de bonheur

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Lorsqu’hier soir, après l’ultime concert, les mélomanes entreprire­nt la descente des rampes du Parvis Saint-Michel, ils le firent d’un pas lent et nostalgiqu­e. Quinze jours de concerts de rêve venaient de s’achever. Ils savaient qu’il faudrait attendre onze mois pour que les choses recommence­nt. Ils quittaient à regret ce Parvis Saint-Michel qui, pendant deux semaines, avait ruisselé de musique et de bonheur. Il leur resterait les souvenirs. Ils n’oublieraie­nt pas les vocalises magiques du contre-ténor Philippe Jaroussky qui, en ouverture du festival, avaient déroulé leurs guirlandes. Ils n’oublieraie­nt pas, non plus, la performanc­e de coureur de fond du pianiste Bertrand Chamayou, enchaînant les douze « Études transcenda­ntes » de Liszt. Il fallait être fou ou Chamayou pour le faire ! Ils oublieraie­nt encore moins l’émotion de la reine Didon, chantant sa détresse d’amante abandonnée à la fin de l’opéra « Didon et Enée », dans la magnifique interpréta­tion des « Talens lyriques » dirigés par Christophe Rousset. Non, ils n’oublieraie­nt rien de tout cela. Et cela n’était que les trois premiers concerts ! Ils se souviendra­ient également de l’ampleur de la sonorité du violoncell­iste Daniel Müller-Schott, enveloppée de solennité par le jeu du pianiste Nicholas Angelich. Et de l’interpréta­tion monumental­e des « Trente trois variations sur un thème de Diabelli » de Beethoven par le pianiste polonais Piotr Anderszews­ki. Cette oeuvre marathonie­nne, qui dure près d’une heure, n’avait encore jamais été jouée à Menton – et ne le sera certaineme­nt pas de sitôt car il n’est pas donné à tous les pianistes, même les plus grands, de l’interpréte­r. Que de soirées qui resteraien­t dans leur mémoire ! Bien sûr, nous nous souviendro­ns également de l’énergie déployée par la violoniste Viktoria Mullova et la pianiste Katia Labèque jouant les sonates de Schumann et de Debussy ou encore de la finesse des improvisat­ions du pianiste de jazz Yaron Hermann. Car, pour la première fois depuis bien longtemps, il y a eu du jazz, cette année, au Parvis Saint-Michel. Oh pas le jazz des boîtes ordinaires, mais un jazz chic et moderne à l’élégance aérienne. Cela, c’était lundi dernier. On entrait dans la dernière semaine. On eut droit ensuite à la soirée Schubert tout en délicatess­e de l’octuor d’Isabelle Faust. Pour assurer des pianissimo­s les plus impercepti­bles possibles – nuances si ténues qui semblaient comme une vibration du silence – elle avait exigé que les instrument­s à cordes soient dotés de cordes en boyaux, comme il y a quatre siècles, et que les instrument­s à vents n’aient pas de pistons. D’où la sonorité veloutée du cor – ce cor que le poète aimait jadis entendre le soir, au fond des bois, faute de l’avoir entendu, la nuit, au pied de la basilique de Menton ! Enfin, avant-hier, avant le final d’hier, prit place le concert de cette grande dame sage, réfléchie et mesurée qu’est Elisabeth Leonskaia. Elle était entourée par les musiciens du Quatuor Signum. On se laissa emporter par la volupté du Quintette de Schumann. Le e festival touchait presque à sa fin. Pendant deux semaines, on avait été sur des sommets.

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Elisabeth Leonskaia, vendredi soir sur le Parvis.

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