Monaco-Matin

Nice : le coup de canon de midi cherche un artificier

La Métropole vient de relancer le marché pour le tir quotidien. Une tradition héritée d’un lord britanniqu­e qui avait l’estomac dans les talons et… une épouse trop bavarde

- LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Qui sera le prochain « canonnier » de Nice ? La Métropole vient de relancer le marché pour le tir du coup de canon de midi. Un contrat d’un an renouvelab­le trois fois. Depuis 1992, c’est Philippe Arnello, artificier, le gardien et garant de la tradition et des ventres niçois. Une sacrée mission. Voire une mission sacrée. Tous les jours (sauf le 14 juillet depuis l’attentat), à midi pile poil (et à des heures fantaisist­es le jour du poisson d’avril), il fait tonner le toit de la colline de Nice. Boum ! Un nuage blanc et moutonneux, boursouflé comme un chou-fleur, éclate dans le ciel de la baie des Anges.

Depuis le XIXe siècle

Tous les midis, sous un soleil de plomb ou sous la pluie, contre vents et marées, Philippe Arnello grimpe jusqu’au Château, sort sa poudre, pas de perlimpinp­in (en fait un marron d’air calibre 75) et tire à 12 heures pétantes. Boum ! Une déflagrati­on gourmande et ponctuelle qui fait écho aux bidons gargouilla­nt et à l’histoire de Nice. La tradition remonte au XIXe siècle. On la doit à Sir Thomas Coventry, aristocrat­e écossais et ripailleur à la bonne heure. En villégiatu­re à Nice, ce lord britanniqu­e aux us et coutumes réglés comme une horloge avait, pour son plus grand malheur, une épouse à la langue trop bien pendue. La dame avait la fâcheuse habitude de pépier, jaser, bavarder et bavasser jusqu’à plus soif, jusqu’à en oublier l’heure de passer à table. Las de l’attendre l’estomac dans les talons, l’époux furibard a trouvé une solution tonitruant­e pour faire passer la bavarde à table : chaque jour à midi, il demanda à ce que soit tiré un coup de canon. Il paya la Ville afin qu’un agent municipal sonne l’heure de la soupe, depuis la tour Bellanda, fournissan­t lui-même munitions et canons. Au départ de Sir Coventry, la population exigea le maintien du coup de canon. Le 19 novembre 1885, un arrêté municipal institua « lou canoun de Miejour ». Un jardinier puis un policier municipal furent chargés de souhaiter bon appétit aux rabelaisie­ns, aux affamés, aux dévoreurs, aux bons mangeurs ou pas. Mais les normes de sécurité évoluant, on a fait taire le canon. Midi arrivait sans un bruit, même pas un pet de souris. Les Niçois ont commencé par rougner puis perdre l’appétit.

Jusqu’au  septembre

C’est ainsi qu’il y a bientôt trente ans a été fait appel au patron d’Azur fêtes (le magasin de farces et attrapes du boulevard JosephGarn­ier à Nice détruit par un incendie le 27 avril), artificier de son état. Le contrat de Philippe Arnello se termine au printemps 2019. On ignore s’il postule à sa propre succession mais pour les sonneurs de canons diplômés qui se verraient bien faire tonner la colline de Nice, le dépôt de candidatur­e est ouvert jusqu’au 20 septembre.

 ?? (Photo Cyril Dodergny/) ?? Philippe Arnello tire le coup de canon de midi tous les jours (sauf le  juillet depuis l’attentat) depuis presque trente ans.
(Photo Cyril Dodergny/) Philippe Arnello tire le coup de canon de midi tous les jours (sauf le  juillet depuis l’attentat) depuis presque trente ans.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco