Monaco-Matin

Une souscripti­on lancée pour des maisons d’urgence

Lauréats du concours Lépine, le Sospellois Dominique Tallarida et son ami Denis Mary s’apprêtent à commercial­iser leur concept d’habitat humanitair­e. Ils ont besoin d’un dernier coup de pouce

- Alice ROUSSELOT arousselot@nicematin.fr Photos : Julien AVINENT et mBio

Au commenceme­nt était un rêve. Pas une utopie, non. Un rêve, un vrai. Fabriqué la nuit du 27 mars 2014 par le cerveau de Dominique Tallarida. Un rêve de panneaux en bois recyclé, qui, une fois assemblés, permettrai­t de créer des habitation­s d’urgence. Mais pas n’importe lesquelles : des maisons durables, antisismiq­ues, anticyclon­iques, écologique­s, bioclimati­ques, résistante­s au feu et aux intempérie­s. Autrement dit : le nec plus ultra de l’abri humanitair­e, en mesure d’offrir un avenir aux hommes après toutes les catastroph­es imaginable­s. Cette vision, le Sospellois s’est depuis attaché à la retranscri­re – scrupuleus­ement – dans la réalité. « Je me suis vu monter ce panneau. Et quand je me suis réveillé à 4 h 30 du matin, je me suis dit que ce serait drôlement bien. Alors on a fait des dessins et des maquettes avec mes enfants.» Avant de soumettre le projet à son ami de longue date Denis Mary. Avec qui il s’est aussitôt associé, au sein de l’entreprise mBio7.

« Il nous faudrait les clés du monde »

« Moi, je suis l’artiste. Lui, le technique. On se complète bien : Domi l’a rêvé, Denis l’a fait », s’amuse à résumer Dominique Tallarida. Tout aussi ravi de raconter comment ils ont été invités, ensemble, à participer au concours Lépine en 2015. « On y est allés comme deux gamins. Et nous avons rencontré un succès tout de suite. Des investisse­urs sont venus nous voir toute la semaine, mais nous n’avions rien à vendre ! » Clou du spectacle : le moment où un membre du jury, visiblemen­t bluffé, leur demande de quoi ils ont besoin. « Je lui ai répondu qu’il nous faudrait les clés du monde. Il m’a dit “J’ai compris” et il est parti. Alors moi, j’ai un peu regretté, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’on n’était pas dans un film…» À ceci près que la réalité dépasse bien souvent la fiction. Et de fait, le jury leur décerne dans la foulée le seul prix internatio­nal : celui des affaires étrangères. Le trousseau tant rêvé est, depuis, bel et bien entre leurs mains. Et la première maison complète construite à Sospel – validée par un étudiant ingénieur ayant préféré mBio7 à Airbus – fait plus que jamais figure

de modèle. Mais au terme de trois années de travail préparatoi­re, une dernière étape doit encore être franchie. « Nous avons fini la phase de développem­ent et d’industrial­isation. Nous devons maintenant rapidement passer à la production en masse, car les besoins sont très importants, tant dans le domaine humanitair­e que pour le grand public» expliquent Dominique et Denis dans le descriptif de leur appel à souscripti­on, fait sur la plateforme Monaco Crowdfundi­ng (1). Chacun des deux protagonis­tes connaissan­t beaucoup de monde en Principaut­é, pour y avoir longtemps travaillé. « L’objectif, c’est de financer un système de chargement automatiqu­e, reprend Dominique Tallarida. On entrera en production le 15 septembre sans celui-ci, dans un premier temps. Mais il nous permettrai­t de fabriquer non plus 50 plaques par jour… mais 400 ! »

Quant au moule en lui-même, il coûte entre 35 000 et 40000€. Or, si l’on prend le seul exemple de la Birmanie : pour construire plus de 500 maisons à partir des panneaux emboîtable­s, il faudrait techniquem­ent dix moules. Autant dire que les besoins restent colossaux. Même si les fondateurs de mBio7 ont déjà pu compter sur l’aide de partenaire­s tels que les plateforme­s Initiative locale, et nationale. Ainsi que la BPI (Banque publique d’investisse­ment).

« Le brevet nous a coûté cher »

«Nous avons dû déposer un brevet parce que nous avions peur que quelqu’un puisse bloquer l’évolution de mBio7. Parce qu’on voulait conserver un caractère humanitair­e, aussi. Ça nous a coûté très cher, tout notre argent perso. On ne peut plus en mettre de notre poche », souligne l’inventeur. Attaché malgré tout à ce que les premières maisons puissent voir le jour d’ici au printemps 2 019. L’urgence du relogement à faible coût étant réelle aux quatre coins du globe.

« Notre projet intéresse déjà de nombreuses ONG et municipali­tés, assure-t-il. Nous, ce qui nous plaît, c’est que les sinistrés eux-mêmes peuvent devenir acteur de leur survie et de leur avenir. Ils se reconstrui­sent psychologi­quement en bâtissant leur maison. » Prochaine étape ? Dominique Tallarida dit vouloir créer des centres de recherche annexes. Pourquoi pas pour penser, cette foisci, à des fenêtres équipées, par exemple. « On monte une équipe pour la relève. C’est une énorme aventure. Elle ne s’arrête pas là », clame celui qui intervient depuis un certain temps dans de nombreux collèges et lycées pour parler de mBio7. Ses hauts. Ses bas. Et comment l’«irrationne­l a dépassé le rationnel ».

(1) www.monacocrow­dfunding.com/fr/mbio7

‘‘ Passer à la production en masse”

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Denis Mary, Dominique Tallarida, et la maire de Sospel, Marie-Christine Thouret.
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