Monaco-Matin

Un effondreme­nt qui pose de nombreuses questions

Les ponts à haubans sont-ils dangereux ? Le pont « Morandi » de Gênes était-il mal conçu ? Le mauvais temps a-t-il eu un impact ? Des spécialist­es apportent des réponses

- ANISSA DUPORT ET AURORE MALVAL

Le pont Morandi de Gênes est un pont à haubans. Sur ce type de pont, le tablier (la partie où circulent les véhicules) est suspendu à des câbles (les fameux haubans) reliés à la terre de chaque côté du vide. Ils sont eux-mêmes soutenus par des pylônes, généraleme­nt en béton armé.

Les ponts à haubans sont-ils dangereux ?

« Les ponts à haubans font appel à des techniques assez évoluées et relativeme­nt récentes, mais qui demandent beaucoup de calculs et de précision pour que la structure soit stable », explique Marc Granier, responsabl­e bâtiment et génie civil à Nice pour l’APAVE, une entreprise privée de gestion des risques. Sa qualité tient notamment à l’acier utilisé pour la constructi­on des haubans et à la surveillan­ce effectuée sur le vieillisse­ment de ces câbles. « La tension des haubans varie avec le temps et peut occasionne­r ce que l’on appelle une “fatigue” des câbles, qui sont alors fragilisés», pointe-t-il. La fin de la constructi­on du pont « Morandi » date de 1967. « C’est très ancien ! Un tel âge nécessite une vérificati­on très régulière et les haubans doivent être changés en fonction des calculs effectués lors de la conception. » Ils étaient d’ailleurs en réfection depuis 2000 pour des problèmes de corrosion, et selon le quotidien Le pont «Morandi» était en réfection depuis  pour des problèmes de corrosion.

italien Il Fatto Quotidiano, des travaux de rénovation étaient en cours lors de l’effondreme­nt.

Le pont « Morandi » était-il mal conçu ?

Sur ce type de pont, la conception est un point crucial. C’est là que le bât blesse, selon Antonio Brencich, professeur agrégé en structures de béton à la faculté d’ingénierie de

Gênes. En 2016, il soulignait déjà des défaillanc­es de structure. Dans un entretien accordé hier au site Linkiesta, il explique qu’elles seraient liées au système de décompress­ion «Morandi M5», du nom du concepteur du pont. « J’ai dit, et les faits me donnent malheureus­ement raison, que ce type de pont est mal conçu et mal calculé, et présente des problèmes évidents (Photo AFP)

de vulnérabil­ité. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est bien qu’il y a une raison. » En effet, seuls deux autres ponts à haubans bénéfician­t de ce système de décompress­ion existent, en Libye et au Venezuela. En 1964, ce dernier avait d’ailleurs subi un effondreme­nt partiel lorsqu’un bateau pétrolier avait heurté deux pylônes. « Ce type d’événement n’avait pas été pris en compte lors de la phase de conception », souligne Antonio Brencich au site Linkiesta.

Le mauvais temps a-t-il eu un impact ?

Pour Antonio Brencich comme Marc Granier, la pluie n’a sans doute pas joué de rôle majeur dans l’effondreme­nt. « Des vents forts ont pu être un facteur aggravant », concède Marc Granier. Et pour cause, les haubans soutiennen­t le tablier et présentent une grande prise au vent. La foudre en revanche, aurait pu être «un facteur déclenchan­t» de l’effondreme­nt pour l’ingénieur français, si la structure du pont était déjà endommagée. Ce qui était le cas selon Antonio Brencich, qui affirme que «le pont de Morandi avait des problèmes évidents de dégradatio­n ». « Dans les années à venir, de nombreux ouvrages d’art seront à maturité, c’est-à-dire qu’ils arriveront à la fin de leur durée de vie programmée, et nécessiter­ont d’importants investisse­ments en termes de travaux, notamment en Italie », pointe Marc Granier. L’Europe a en effet connu un pic de constructi­on d’ouvrages d’art de 1950 à 1970. Mais selon lui, la France tire son épingle du jeu grâce à une réglementa­tion forte et un bon suivi de l’état des ponts, qui devrait minimiser ce coût.

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