Monaco-Matin

La célèbre mercerie Barale file ses derniers jours

Spécialisé­e depuis 1919 dans les boutons, boucles, passemente­rie..., la boîte à ouvrage de la rue Blacas, ferme définitive­ment le 15 septembre. Pour cause de retraite et faute de repreneur

- CHRISTINE RINAUDO crinaudo@nicematin.fr

Cessation d’activité cause retraite » L’informatio­n, placardée en grosses lettres sur la devanture de la mercerie Barale, n’est pas cousue de fil blanc. C’est net et clair. Le 15 septembre, la célèbre maison niçoise de la rue Blacas, ferme. Couture et clôture d’une odyssée familiale au point d’arrêt. Ce point final, qui sert à stopper le fil. Définitive­ment. «Mon grand-père, mon père, ma mère, sont morts au magasin. Moi je suis le chemin. Avec mon épouse, nous sommes ici depuis 1961. Nous n’en pouvons plus.» A 82 ans, Gérard Caprio, ne cherche pas le galon de plus dans le boulot. Idem pour son épouse, Dany: plus de bride à son existence. Après 38 ans de bons et loyaux services sans accroc, Marie, la secrétaire, devenue complice de la famille, envisage un autre patron d’existence. Pour cette équipe, il est temps de broder le mot repos à la boutonnièr­e. Sans guerre de succession. Sans guerre des boutons. La fille du couple Caprio, Sophie, ex-championne de ski dans l’équipe de France, exploite une plage à Cap d’Ail. Le fils, Jean-Jacques, est moniteur de ski l’hiver, à Isola 2000 et de ski nautique, l’été, à Cannes. Pas de reprise. La personne qui a racheté la mercerie, murs compris, a l’intention de tailler la route vers une autre activité. « Où va-t-on trouver tous nos accessoire­s de couture et de travaux manuels ? » interroge une cliente désemparée par cette annonce. Difficile de lui donner une réponse. En effet, où dénicher une boutique aussi achalandée en fermetures à glissière, pelotes de laine, fils, passemente­rie, canevas, paillettes, perles, dentelle, rubans, fleurs, strass, plumes, pressions, baleines, cols, mantilles, bretelles… Le pompon, c’est l’élégance des grands jours. Dany, très belle, était mannequin à Paris : «Je regardais les défilés, ce qu’on mettait sur les robes. C’est comme cela qu’on a rajouté les accessoire­s, les chapeaux de cérémonie et de soirée. »

  articles

Au sous-sol, des allées remplies de cartons bourrés de stock. Côté (Photos Margaux Magnan) boutique, des corbeilles, des casiers, des colonnes de tiroirs renfermant des infinis de garnitures pour customiser, décorer, réparer… «On a 26000 articles en magasin et le bouton ne représente qu’un seul article», souffle Dany. Mercier. Métier pas si simple, où les nerfs peuvent finir par s’effilocher. «Il faut tout connaître afin de bien conseiller, pour un bouton, les gens vous tiennent parfois trois quarts d’heure, car certains sont exigeants.» Mais fidèles. Durant des décennies, Dany Gérard et leur équipe ont fait le bonheur de maisons de couture azuréennes connues comme Tiktiner, Marinelli, Salvet…, de chalands huppés cherchant l’oiseau rare histoire de briller au festival du film de Cannes ou au Bal de la rose de Monaco. Les relations avec la clientèle étaient aussi tricotées en mailles serrées : « Certains nous disent encore qu’ils venaient ici en poussette, avec leurs parents. » De fil en aiguille. De génération en génération.

Hochet perlé

C’est également dans son landau, que Gérard a bâti sa vie sous l’enseigne Barale : « Ici, ce fut mon berceau. Je secouais des guirlandes de perles contre le comptoir. » Devenu adulte, crocheté par le virus familial, Gérard a agrandi le magasin dans les années 1970, «lorsque le libraire d’à côté a vendu ». Encore un peu plus d’espace à combler d’articles jolis, originaux, inédits, raffinés : «On a toujours essayé d’avoir des choses à la mode. » Mais dans la boîte à ouvrage, se faufile la fin de l’aventure. Elle ne s’est pas jouée d’un coup de dés. « Ça nous fait mal au coeur. » Mais il n’y a pas d’autre biais…

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La célèbre mercerie de la rue Blacas va fermer ses portes le  septembre.

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