Monaco-Matin

Après Gênes les craintes des chauffeurs routiers

Le drame qui a frappé la Ligurie a aussi un impact économique chez les profession­nels de la route, contraints à de longs détours. Leur porte-parole azuréen réclame des mesures d’urgence

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Bien sûr, il y a d’abord ces 43 vies fauchées. Bien sûr, il y a toutes ces personnes blessées, traumatisé­es ou déracinées, après l’effondreme­nt du pont Morandi à Gênes, ce 14 août. Mais à ces drames humains pourraient s’ajouter des conséquenc­es économique­s désastreus­es. Patrick Mortiglien­go redoute ainsi « un effet domino ». Le président de la Fédération nationale des transporte­urs routiers dans les Alpes-Maritimes, sans pour autant oublier « ceux qui habitaient sous le pont ou travaillai­ent dans la zone industriel­le », craint à présent « un impact énorme sur l’emploi. Et nous sommes impactés à100%!» En cause : les détours considérab­les auxquels sont astreints ses collègues jusqu’à nouvel ordre. « Pour tous les trajets vers la péninsule, c’est au minimum 220 km de plus aller-retour » explique Patrick Mortiglien­go. Cet itinéraire bis traverse Varazze, Masone, Novi Ligure et l’ex-autoroute entre Milan et Gênes — « hyper accidentog­ène, sinueuse, à deux voies et pas conçue pour ce trafic ! Soit 3 h de conduite en plus… s’il n’y a pas de bouchon ». Plan C : tracer une grande courbe via Masone, Tortona, Piacenza et Parme, avant de redescendr­e sur la Spezia. Supplément aller-retour : 5 h de trajet et 360 km.

 à  euros de plus

« Sachant que le coût de revient d’un 40-tonnes est d’1,40 euro au kilomètre », Patrick Mortiglien­go a vite fait le calcul : chaque détour implique un supplément de 300 à 500 euros par trajet. « Selon la valeur de la marchandis­e, cela peut devenir injouable, estime Patrick Mortiglien­go. Cela aura un impact sur le prix des transports. Sans oublier les retards de livraisons et les pénalités induites… » À Vintimille, sur l’aire de repos de l’autoporto, les transporte­urs routiers sondés hier racontent l’impact de ces détours. Herbert, Allemand de 61 ans, travaille pour une société espagnole. Celle-ci fait appel au «merroutage» pour les liaisons de Barcelone à la Spezia ; elle n’est donc pas touchée [lire ci-dessous]. « Mais pour d’autres compagnies qui n’ont pas de contrat avec ces ferries, cela représente beaucoup de kilomètres en plus… Et sans doute un supplément pour les clients. » Victor, 54 ans, de Vintimille, enchaîne les trajets entre Marseille et la péninsule. Chacun de ses trajets s’est allongé d’1 h 30. « C’est du temps de conduite en plus pour nous. Et pour l’entreprise, c’est de l’autoroute et du gasoil à payer en plus. » Il ajoute, fataliste : « Je pense qu’il y en a pour au moins un an. »

« Assouplir les règles »

Et le trajet par Gênes, côté ville ? Compliqué, selon les transporte­urs routiers. Le transit leur est interdit une grande partie de la journée. Difficile à intégrer, donc, dans des plans de circulatio­n de plus en plus contrôlés. Alors, à scénario exceptionn­el, Patrick Mortiglien­go prône des mesures exceptionn­elles. « Il faut assouplir les temps de conduite, de pause, et les amplitudes horaires pour toutes les entreprise­s de transport touchées. Le temps de revenir à un trafic normal. » Cet assoupliss­ement des règles européenne­s, le patron de la Fédération 06 entend le plaider avec son président national, Jean-Christophe Pic, « pour tous les transporte­urs de l’axe méditerran­éen. » Sachant que « 2 000 à 2 500 camions empruntaie­nt chaque jour le pont à Gênes ». Autre mesure préconisée : « Que ceux qui ont laissé le pont s’effondrer accordent la gratuité sur cette portion d’autoroute. Ce n’est pas aux Italiens et aux transporte­urs de supporter ce coût ! » Depuis lundi, Autostrade per l’Italia a justement pris des mesures de gratuité sur le réseau génois. «Un premier pas », salue Patrick Mortiglien­go.

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(Photo J.-S. G. A.)
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Pour contourner Gênes, les transporte­urs routiers venant de France sont astreints à des détours de  à  heures par aller-retour. À moins, comme la société d’Herbert (ci-dessous), de faire acheminer certains de ses camions par ferry. (Photos Jean-Sébastien Gino-Antomarchi)
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