Cohabiter avec ans d’écart, c’est possible
Pendant trois mois, Mélanie Rodriguez a vécu à chez Jacqueline Brunel. Deux générations très éloignées qui ont vécu ensemble avec deux mots d’ordres : adaptation et bienveillance
Mélanie Rodriguez a 21 ans. Elle vient de finir un stage en entreprise de trois mois à Nice. Par l’entremise de l’association Ensemble2générations, elle a trouvé à se loger chez Jacqueline Brunel. Au rez-de-chaussée de la maison de cette retraitée de 85 ans, la stagiaire disposait d’une cuisine, d’une chambre et d’une salle de bain que pour elle. À l’étage, son hôte jouissait, elle aussi, de tout l’équivalent. Et même si chacune avait son quotidien, ensemble, elles ont partagé davantage qu’une même maison : des moments de vie.
S’adapter aux contraintes
Jacqueline a été ferme d’entrée : pas de cigarette. « Ça ne peut pas être n’importe qui. On vit ensemble, il faut un entretien avant », cadre celle qui, née à Cannes, a toujours vécu à Nice. Elle habite une grande villa au mont Boron depuis 1971, année où son défunt mari l’a fait construire. « Je n’aime pas les gens qui se croient chez eux et qui outrepassent leurs droits. Il ne faut pas être envahissant », ajoute-elle. Mais Mélanie n’a pas eu de souci à se faire. Nonfumeuse, cette étudiante rennaise en tourisme sait rester à sa place. Ne connaissant pas grand monde à Nice, elle n’est pas une grande fêtarde. « Ça ne me dérangerait pas, tant qu’elle me prévient à l’heure où elle rentre », rassure la Mélanie Rodriguez et Jacqueline Brunel ont vécu ensemble de mars à juin.
retraitée. En revanche, Mélanie ne peut inviter personne. Pour l’octogénaire, cette colocation est basée sur « le respect de l’autre et la bienveillance » entre ces deux personnes qui se sont vouvoyées. Elles ne partageaient pas de repas du fait de leurs horaires très différents. Jacqueline se couche très tôt quand Mélanie rentrait vers 20 heures. « J’ai testé de revenir le midi au début, mais c’était trop court », avoue-t-elle. Il en va de même pour les activités. Mélanie profitait de ses week-ends pour « visiter Nice, les musées, et
les villes aux alentours ». Mais elle ne pouvait le faire en compagnie de Jacqueline, qui reconnaît avoir du mal à marcher et ne pas trop aimer bouger de sa maison.
« Entre nous, c’était l’osmose»
Toutes les deux dégustent sur le canapé une part de tarte aux pommes préparée par l’octogénaire. La stagiaire, qui compte lui transmettre la recette du caramel au beurre salé, salue en Jacqueline une « très bonne cuisinière ». Elles apprennent l’une de l’autre. Jacqueline (Photo M. A.)
a beaucoup voyagé (Inde, Chine, Égypte). Les sujets de conversation s’articulent souvent autour de l’avenir de Mélanie, de son stage, mais aussi «de la jeunesse qui est passée », déplore la retraitée. L’aide que l’étudiante doit apporter est mineure : étendre le linge, remonter le store… Elle ne rechigne pas à l’épauler tous les jours si besoin. Même pour Internet et les nouvelles technologies, Jacqueline s’en sort très bien. « Entre nous, c’était plutôt l’osmose. J’attendais avec impatience son arrivée le soir », bienveillant. dit-elle sur un ton
« Vraiment extraordinaire »
Du réconfort et de la compagnie, voilà ce que recherchait la vieille dame. Même si son chien Follio, « un vrai pot de colle », est aussi là pour lui en donner. Un autre paramètre est non négligeable : l’apport financier « J’ai un fils qui habite en haut. Il m’aide pour l’argent, car ce n’est pas une maison c’est un gouffre », déplore-t-elle en souriant. Pour 350 euros, Mélanie était plutôt bien lotie. Chambre et cuisine séparée, une piscine, une terrasse et une vue imprenable sur le port. Le prix est extrêmement avantageux pour une situation pareille sur une Côte d’Azur où le logement étudiant est parmi les plus chers de France. Mais sa motivation principale était tout autre. « Je voulais être avec une personne locale, qui me donne des conseils », détaille la jeune femme absolument pas gênée par tant d’années d’écart. Maintenant que Mélanie est partie, forte de cette expérience « vraiment extraordinaire et rassurante », Jacqueline attend une nouvelle étudiante avec laquelle elle prévoit de cohabiter. Toute l’année universitaire, cette fois. Savoir + http://ensemble2generations.fr/