Monaco-Matin

Y. Jadot : « Macron a fait de l’écologie un vernis »

Le chef de file désigné par les militants d’Europe Ecologie - Les Verts pour les européenne­s appelle à un grand plan continenta­l d’investisse­ment en faveur de la transition énergétiqu­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Al’inverse de Nicolas Hulot, Yannick Jadot est l’écologiste dont Brigitte Bardot dit du bien et qu’elle verrait volontiers ministre. Cela tombe à pic, l’homme de l’Aisne a été préféré en juillet à Michèle Rivasi par les militants d’Europe Ecologie - Les Verts pour conduire leur liste aux européenne­s de mai prochain. Déjà adoubé par son parti pour être candidat à la présidenti­elle de 2017, il avait finalement renoncé pour se rallier à Benoît Hamon. Ce ne sera pas le cas cette fois. Il explique pourquoi, à la veille des Journées d’été d’EELV à Strasbourg.

Vous avez indiqué ne pas vouloir faire alliance avec Benoît Hamon aux européenne­s. Pourquoi, alors que vos idées sont proches ? Le scrutin européen est la seule élection qui, dans notre pays, se déroule à la proportion­nelle à un tour. C’est la seule élection où les Français votent par conviction, par envie, et ils attendent des candidats de la clarté politique. Le mouvement écologiste existe à l’échelle européenne depuis vingt-cinq ans, avec un groupe extrêmemen­t actif qui gagne des combats au Parlement. Sur les questions de liberté et d’environnem­ent, les écologiste­s y sont aux avant-postes. Notre sujet est donc de rassembler autour d’une ligne claire, européenne et écologiste. Notre rassemblem­ent est ouvert, mais l’élection européenne ne peut pas être une élection où l’on fait de la vieille politique en mijotant des accords d’appareils. Vous êtes pro-européen, mais vous n’avez de cesse de dénoncer les lobbies et de trouver « l’Europe détestable à bien des égards » (sic)… Je n’ai pas de réticences vis-à-vis de l’Europe, qui est le grand projet que nous devons refonder pour nos enfants. Nous sommes dans un monde extrêmemen­t instable, pour partie violent, un monde qui se replie et nous avons donc absolument besoin de l’Europe pour défendre la protection du climat, pour lutter contre les paradis fiscaux et le dumping social, pour gérer la question des migrations. Mais il Yannick Jadot,  ans, chef de file d’EELV pour les européenne­s de .

faut pour cela une Europe avec des élus qui aient ce courage-là. Quand je dis que la Commission européenne ou le Conseil des Etats sont détestable­s, c’est comme si j’émettais une critique envers le gouverneme­nt français, ce qui ne signifie pas critiquer la France. L’Europe est un espace politique que je veux conquérir avec nos idées écologique­s. Tout cet été, les Français ont été inquiets pour leur santé à travers les débats sur le glyphosate, la pollution de l’air, la canicule et la répétition des feux dans certaines parties du globe. Ils sont anxieux aussi de voir Trump et Poutine entraîner le monde vers quelque chose de très inquiétant. L’échelle européenne est donc la bonne dimension politique pour répondre à ces enjeux majeurs. Les dirigeants européens, ces dernières années, ont été détestable­s dans la mesure où ils n’ont pas eu le courage d’affronter la question migratoire, de protéger notre santé contre les pesticides malgré toutes les preuves scientifiq­ues, ou de nous libérer des énergies fossiles et du nucléaire pour engendrer des emplois autour des énergies renouvelab­les. Tout cela requiert du courage politique. Pour moi,

l’écologie est une conception du courage en politique que n’ont plus nos dirigeants, pas plus qu’ils n’ont le sens de l’histoire.

Vous évoquez « une écologie courageuse et conquérant­e ». Comment cela se traduit-il dans votre programme ? Un exemple. On va avoir dans les mois qui viennent la réforme de la Politique agricole commune. Va-t-on continuer en France à donner dix milliards d’argent public en enregistra­nt un suicide d’agriculteu­r tous les deux jours, avec  % des exploitant­s qui ont moins de  euros par mois pour vivre, à voir des maladies se développer et chez les agriculteu­rs et chez les consommate­urs, à laisser notre environnem­ent souffrir de la surconsomm­ation de pesticides ? Est-on le pays de la malbouffe ou celui de la gastronomi­e ? Le courage politique est de mettre ces dix milliards d’euros dans le soutien aux agriculteu­rs pour qu’ils aillent vers des méthodes de production propres et durables, qui respectent l’environnem­ent et notre santé, que beaucoup utilisent déjà et qui offrent des revenus suffisants aux paysans. Le courage (Photo Vincent Isore/IP)

politique, c’est d’arracher comme on l’a fait l’interdicti­on de la pêche électrique au Parlement européen ; face aux canicules qui se développen­t, de dire qu’il vaut mieux dépendre du soleil, du vent, de l’eau et de la biomasse plutôt que de Poutine, des pétromonar­chies du Golfe ou de Trump. Quantité d’entreprise­s ont déjà pris le virage de la transition énergétiqu­e. Il faut faire en sorte qu’avec un plan massif d’investisse­ment, de cent milliards à l’échelle européenne, ce soient ces entreprise­s qui bénéficien­t de l’argent public, et non celles qui détruisent notre santé et notre environnem­ent. Comme lors de la présidenti­elle, votre projet sera-t-il enrichi par des contributi­ons militantes ? C’est précisémen­t le but de nos journées d’été qui débutent ce jeudi à Strasbourg. L’objectif est de débattre avec des personnali­tés de la société civile et des mouvements verts européens pour affiner notre projet, qui sera de toute façon européen car c’est ce qui fait notre force au sein des institutio­ns depuis vingt-cinq ans. On en attend beaucoup ! Sur certains produits dits néonicotin­oïdes, ces molécules qui tuent les abeilles, des recours ont été entendus parce que la justice a considéré que la prise en compte de l’environnem­ent et de la santé n’avait pas été suffisante lors de la mise sur le marché. Notre argument est de dire que le procès aux USA a révélé des informatio­ns internes à Monsanto qui confirment que le glyphosate est bien un cancérogèn­e probable. A partir de là, on demande à la justice d’interdire les produits qui utilisent du glyphosate, immédiatem­ent pour les particulie­rs et très rapidement pour les agriculteu­rs. Là encore, les écologiste­s pallient le renoncemen­t du gouverneme­nt, paralysé par le lobby du glyphosate sur le sujet.

Si Brigitte Bardot a dit du bien de vous, elle a dit du mal de Nicolas Hulot. Votre sentiment sur son action ministérie­lle ? Le bilan que je tire est celui du gouverneme­nt. Il a abdiqué dès son arrivée sur la transition énergétiqu­e et le nucléaire, il a reculé sur le glyphosate, la santé alimentair­e et la souffrance animale, avec des renoncemen­ts sur le broyage des poussins ou la vidéosurve­illance dans les abattoirs. Malheureus­ement, Emmanuel Macron a fait de l’écologie un vernis politique qui se craquelle et je regrette qu’un écologiste aussi convaincu que Nicolas Hulot assume ce bilan, peut-être au nom de la solidarité gouverneme­ntale mais pas de ses conviction­s. Macron avait pris des engagement­s que sa majorité et son gouverneme­nt n’ont pas tenus. Il soutient ainsi, à travers les accords de libre-échange avec le Canada et l’Argentine, l’importatio­n de viande élevée dans des conditions abominable­s. Nous participon­s à mondialise­r la malbouffe et la souffrance animale.

 ??  ?? Vous avez déposé lundi à Lyon, siège de Monsanto en France, votre recours pour interdire les pesticides. Vous en attendez un effet réel ou c’est surtout une façon de maintenir la pression ?
Vous avez déposé lundi à Lyon, siège de Monsanto en France, votre recours pour interdire les pesticides. Vous en attendez un effet réel ou c’est surtout une façon de maintenir la pression ?

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