Monaco-Matin

LIGUE  / LE FEUILLETON BALOTELLI ENTRE NICE ET MARSEILLE Une histoire « d’ego »

Le dossier a mis en relief des tensions entre dirigeants niçois et olympiens. «Ils ne pouvaient pas plus mal s’y prendre, » selon Julien Fournier, le DG du Gym

- WILLIAM HUMBERSET

Tout et son contraire aura été dit ou écrit pendant trois mois. L’OM, Mario, Mino et le Gym ont, à différents degrés, animé la troisième saga Balotelli de l’été. S’il fallait la résumer en une journée, Mario était annoncé gratuit le matin, valait 10 millions à midi pour au final coûter moins de la moitié le soir. Et alors que les avancées semblaient de plus en plus favorables à son départ vers Marseille, Super Mario a finalement défait ses valises pour rester une troisième année à Nice. « Ce fut un énorme feuilleton médiatique pour le grand public, approuve Julien Fournier, le directeur général niçois. Mais ce qui est important à l’OGC Nice, c’est de ne pas subir les événements. C’est ce qu’il s’est passé. On est toujours resté serein. Sachant que le temps jouait pour nous. » «Marseille a raté Balotelli pour 1,5 million d’euros » annonçait de son côté Jean-Pierre Rivère dans l’Equipe hier, en référence aux offres olympienne­s qui n’ont pas dépassé les 2,5 millions d’euros (assorties d’un prêt avec option d’achat de Cabella à différents prix).

Raiola « irréprocha­ble », la direction olympienne « % responsabl­e »

«C’est une blague», lui répond Jacques-Henri Eyraud aujourd’hui dans La Provence, tout en précisant qu’il n’y avait « pas d’animosité » entre les deux clubs. Selon le président olympien, qui a dépensé 20 millions pour Caleta-Car et plus de dix pour un jeune ailier serbe, l’OM ne souhaitait pas dépenser entre 4 et 5 millions d’euros de transfert pour un joueur qui ne désirait qu’une année de contrat à Marseille (plus une en option) alors que le club en visait trois. Le dossier Balotelli était «une opportunit­é» devenue trop lourde financière­ment. Notamment à cause des exigences du joueur et de son incontourn­able agent, Mino Raiola, réputé très gourmand, qui faisait monter la somme aux environs de 10 millions selon les Marseillai­s. « Mino Raiola a été irréprocha­ble dans ce dossier» tranche Jean-Pierre Rivère. « Si je me place cinq minutes à la place des dirigeants de Marseille, c’est 100% de leur responsabi­lité. C’est une évidence, » réfute Julien Fournier. Il n’y avait pas de Coupe d’Europe à Nice, Marseille joue la Ligue Europa, on peut comprendre sur le plan humain que le joueur tende l’oreille. Mais je pense que les dirigeants olympiens, et je fais bien la différence entre eux et l’OM, ne pouvaient pas plus mal s’y prendre dans les négociatio­ns. » L’Olympique de Marseille a entamé très tôt ses manoeuvres pour enrôler Mario Balotelli. L’exercice 2017-18 à peine terminé, fin mai, Rudi Garcia a personnell­ement contacté le joueur et largement répandu son intérêt dans la presse italienne. Les Mondialist­es Adil Rami et Florian Thauvin l’ont rejoint dans une opération séduction à peine déguisée. Marseille a pris confiance dans le dossier et entamé les négociatio­ns avec l’entourage du joueur avant même de sonder son club. L’absence de Balotelli à la reprise de l’OGC Nice a gonflé les certitudes olympienne­s. Sa visite à la Commanderi­e, téléguidée par Jacques-Henri Eyraud, était perçue alors comme le point culminant de leur confiance sur le dossier. A Nice, en revanche, la pilule avait de plus en plus de mal à passer.

« Une maladie que je connais bien à l’OM »

« Il y a un symptôme à l’OM que je connais bien pour y avoir passé 13 ans. Je pense, comme tout le monde, avoir été frappé par cette maladie. Certains sont frappés à des degrés différents et plus rapidement que les autres, décrypte Julien Fournier. Mais quand on est à l’OM, on a parfois ce sentiment d’immunité qu’on puisse faire tout et n’importe quoi sans considérat­ion pour les autres clubs. » La rencontre en Russie entre les deux parties, en marge de la demi-finale de Coupe du monde entre la France et la Belgique, n’a pas apaisé les tensions naissantes en juillet. Le dossier du recrutemen­t chez les jeunes et l’omniprésen­ce de l’OGC Nice dans les Bouches-du-Rhône ne faisant que renforcer la défiance olympienne à l’égard de son voisin. « J’étais super détendu, en jeans-baskets, venu assister à un match de foot en mode déconnecté. En face, c’était tendu comme une arbalète par contre ! », remarque Fournier. « Pas sûr qu’à Nice, tout le monde voulait que Balotelli signe à Marseille, » lâche Jacques-Henri Eyraud aujourd’hui dans La Provence , visant Julien Fournier et ses éventuelle­s rancoeurs à cause de son passé avec l’OM. « J’ai défendu avec ferveur l’OM pendant 13 ans. Je ne renierai jamais mon passé, mon attachemen­t pour ce club, rétorque le DG niçois. Mais aujourd’hui je suis fier de travailler à l’OGC Nice et je défendrai bec et ongles le maillot rouge et noir. Marseille est un adversaire sportif. C’est une concurrenc­e sportive, dans le recrutemen­t aussi. Chez les jeunes, mais également chez les pros comme le cas Balotelli le montre. Je l’ai appris de mon cher et tendre président, souvent l’ego paupérise l’intelligen­ce des gens. Et les Olympiens ont fait preuve d’un tel ego, que ça les a empêchés de se mettre à la table des négociatio­ns. A Nice, on fait d’autres erreurs, mais on sait rester dans l’humilité. Dans le foot, si vous pensez être arrivé, c’est là qu’arrivent les accidents.»

« On souhaite que Mario devienne un leader sportif »

L’état-major niçois jure avoir simplement défendu ses intérêts, tout en respectant « les engagement­s écrits et moraux » pris avec Balotelli comme avec d’autres joueurs. «On a fait la même chose avec Plea. Il y avait des offres bien plus importante­s venues d’Angleterre mais on a respecté le choix du joueur » qui était de rejoindre Gladbach pour environ 25 millions d’euros, étaye Julien Fournier, arrivé en 2011 sur la Côte d’Azur. En l’honneur de ses deux saisons réussies en rouge et noir (43 buts en 66 apparition­s), Mario Balotelli était libre de choisir d’aller à l’OM et Nice (Photos AFP et Eric Ottino)

ne réclamait qu’un peu plus de 4 millions d’euros. Mais Marseille n’a pas voulu payer. « Il fallait siffler la fin de la récré à un moment donné, poursuit Fournier, qui voyait la situation stagner et la fin de suspension du joueur approcher. J’ai eu Mino au téléphone le week-end dernier et on a convenu un rendez-vous lundi avec Mario. » « On avait donné 24 heures de réflexion au joueur. Mais le soir même il nous faisait part de son souhait de rester, » a raconté Jean-Pierre Rivère hier sur RMC. Certes Mario a séché la reprise, mais pour les décideurs niçois «ce qui importe c’est la fin. Et pour moi, c’est un choix qui a été fait entre deux parties consentant­es. Nice n’a jamais forcé la main à Balotelli pour rester », promet Julien Fournier. Selon nos informatio­ns, Super Mario aurait vu son salaire revalorisé mais sans prolongati­on. Pour être donc libre en juin prochain, sans que Nice ne s’estime perdant. « On connaît la qualité de l’attaquant et on mesure la chance que nous avons d’avoir Balotelli. Notre plus grande fierté serait que Mario quitte l’OGC Nice pour signer dans un grand club européen. Pour ça, il sait qu’il doit en faire encore plus. Des buts il en a beaucoup marqué, mais s’il ambitionne d’aller dans un grand club, il faut qu’il devienne chez nous un leader sportif. On aimerait qu’il en prenne conscience. On sait que contre Paris, Lyon, Marseille, il répondra présent. On attend aussi qu’il fasse de même dans les déplacemen­ts chez les plus petites équipes. » A Mario de remplir sa part du contrat.

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Eyraud, Fournier, Raiola et Rivère ont animé la saga de l’été.

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