Monaco-Matin

Une arnaque aux vêtements volés chez Gucci

Les concubins, d’origine ivoirienne, ont obtenu échange et remboursem­ent pour des vêtements achetés à Milan par un Russe. Les effets avaient été volés la veille devant l’hôtel Negresco de Nice

- JEAN-MARIE FIORUCCI

C’est l’histoire d’une incroyable escroqueri­e constituée jeudi 16 août chez Gucci, à Monte-Carlo, et évoquée à l’audience de fragrance. Avec le seul ticket de caisse comme preuve d’achat dans la boutique de la marque à Milan, effectué le jeudi 9 août, mais affecté nominative­ment à un ressortiss­ant russe, deux résidents niçois ont pu obtenir le remboursem­ent de 5 795 euros de vêtements de luxe. Or, ces mêmes effets avaient été dérobés la veille, le mercredi 15 août, après effraction du véhicule du plaignant stationné devant l’hôtel Negresco, sur la promenade des Anglais, à Nice. L’homme a été condamné à croupir dans une cellule de la maison d’arrêt pendant huit mois. Sa compagne a été sanctionné­e par une peine d’un mois d’emprisonne­ment assorti du sursis.

14 cartes bancaires dans le sac

Jeudi dernier, l’intéressé, sans profession, entre dans l’enseigne de luxe de Monte-Carlo pour rendre un jeans, des sandales et un manteau grâce à une facturette délivrée par la maison italienne. En échange, il se fait remettre une paire de mules, des tongs, une ceinture, un sac banane et une casquette. Comme le compte n’y est pas, il récupère la différence sous forme d’un avoir de 1550 euros. Puis l’étrange, « client » quitte le magasin en prévoyant de revenir avec son amie pour lui offrir un cadeau. Mais en fin d’après-midi, Gucci Monaco est informé du vol des effets, à l’issue du dépôt de plainte de la victime russe. Dès lors, au retour de l’escroc, le lendemain dans la boutique, le responsabl­e alerte les policiers. Ils interpelle­nt le couple. Au cours de la fouille, les inspecteur­s trouvent dans les affaires de la compagne: l’avoir de 1550 euros, une somme de 6000 euros en numéraire et quatorze cartes bancaires. Dans le box, menottés, les deux prévenus semblent très à l’aise et sûrs d’eux pour clamer leur innocence.

«Je pensais à une bonne affaire»

D’emblée, le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e s’intéresse à la méthode employée. « Expliquez-nous comment vous vous êtes procuré ces vêtements volés… » Aucun problème pour le mis en cause. « Ces habits, je les avais achetés le 15 août dans une rue niçoise auprès d’une personne d’origine maghrébine pour 900 euros. Comme il y avait encore les étiquettes et la facture je n’ai pas fait le rapprochem­ent avec une origine frauduleus­e. Je pensais surtout à une bonne affaire…» Le magistrat relève aussitôt l’attitude irréfléchi­e de l’acheteur. «Cela ne vous a pas paru bizarre que le nom du vendeur de Nice ne correspond­e pas à l’identité du ressortiss­ant russe? » La réponse est catégoriqu­e: «Non! Je ne suis pas un voleur ! Je ne serai jamais retourné le lendemain chez Gucci avec mon amie si c’était le cas…»

« Des escrocs chevronnés »

Comment admettre pareille assertion quand on a été condamné quatre fois en France pour des faits de recels et d’escroqueri­es ? Et Madame? Vendeuse chez Zara Nice, avaitelle la sensation fugace d’en mettre plein la vue en Gucci? «Je n’étais pas au courant, répond-elle, ni de l’achat ni de l’échange. L’avoir, retrouvé dans mes affaires, avait été placé à mon insu par mon compagnon…» Le président, en affichant un air dubitatif: «Que faisiez-vous dans le véhicule? D’où provient cet argent? Pourquoi autant de cartes bancaires?» Ces questions sont presque inutiles pour la prévenue, dont le casier est vierge: «C’était mon jour de repos et j’accompagna­is mon concubin à Monaco. L’argent provient honnêtemen­t de gains obtenus aux tirages et grattages de la Française des jeux. Quant aux cartes, elles sont toutes à mon nom…» Confession­s sincères ? Le premier substitut Cyrielle Colle ne croit pas un mot des propos en l’air des deux coupables. «Ce sont des escrocs chevronnés qui vivent d’actes frauduleux. Monsieur ne pouvait pas ignorer la manoeuvre subreptice pour obtenir les vêtements. Tout comme sa compagne. Vous les condamnere­z respective­ment à huit mois ferme, et quinze jours à un mois avec sursis.» Me Raphaëlle Svara, dans sa plaidoirie, va tout tenter pour fortifier la thèse du doute afin qu’elle profite à ses clients. Mais le tribunal préférera suivre les réquisitio­ns du ministère public. De son côté, le prévenu a déjà fait appel de la décision.

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(Photo J.-S.G.-A.) « Nous allons certaineme­nt modifier la procédure habituelle», a avancé l’une des responsabl­es de l’ancienne de luxe lors de l’audience.

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