Monaco-Matin

Olivier Faure: «Le Président a trahi le candidat Macron»

Le premier secrétaire du PS va conclure le rendez-vous des élus socialiste­s, aujourd’hui à La Rochelle. L’impopulari­té du pouvoir va, pense-t-il, rendre son parti à nouveau audible

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Au PS, l’université d’été de La Rochelle n’est plus ce qu’elle était. Exit les militants, tandis que François Hollande a finalement décidé de ne pas s’y rendre. Le rendez-vous se résume donc à un simple séminaire d’élus, qui se conclura aujourd’hui par le discours d’Olivier Faure. Installé à la tête du parti depuis le printemps, le député de Seine-et-Marne ne désespère pas de remettre le PS à flot, quand bien même, à l’instar de Laurent Wauquiez chez Les Républicai­ns, il n’est pas parvenu jusqu’ici à s’imposer comme une figure majeure du nouveau paysage politique.

Comment expliquez-vous que François Hollande soit requinqué dans l’opinion mais que le PS ne parvienne pas à renaître de ses cendres ? Je ne distingue pas l’un de l’autre. François Hollande est socialiste. Il est précieux dans le travail de démystific­ation du projet Macron. Le fait majeur de l’année écoulée, c’est que le Président a trahi le candidat Macron en abandonnan­t tout progressis­me. Même la promesse d’exemplarit­é n’est plus qu’un souvenir.

Votre ambition était de fédérer à nouveau les socialiste­s. Or, ils apparaisse­nt plutôt dispersés, quand on voit notamment Marie-Noëlle Lienemann ou Emmanuel Maurel se rapprocher de Jean-Luc Mélenchon… J’ai dit que nous devions dépasser les clivages qui nous ont affaiblis collective­ment. Ce travail-là est à produire. Une nouvelle direction a été élue pour trois ans. Nous avons arrêté notre programme de travail il y a trois mois et nous avons donc à mener sur le long terme un travail qui ne peut se limiter à la seule critique du macronisme. L’objectif est de regagner la confiance des Français en retrouvant une crédibilit­é, de redevenir la principale force de gauche à l’issue de la séquence des élections territoria­les. Pour cela, il nous faut être en mesure de proposer aux Français un projet pour une alternativ­e de gauche que seul le PS peut produire. Car si La France insoumise fait aujourd’hui beaucoup de bruit, chacun sait bien que ce n’est pas par les forces protestata­ires que le pouvoir pourra être reconquis par ceux qui veulent une alternance à gauche.

Justement : on vous a entendu cet été sur l’affaire Benalla, mais on a du mal à se souvenir d’une propositio­n concrète du PS… Avez-vous retenu des propositio­ns de Jean-Luc Mélenchon ou Laurent Wauquiez depuis trois mois ? Ils en ont certaineme­nt fait, mais elles n’ont pas plus imprimé que les nôtres parce que nous étions encore dans une phase de décryptage de ce que met en oeuvre le nouveau pouvoir. Sur tous les débats, nous avons fait des propositio­ns : que ce soit l’introducti­on de mécanismes participat­ifs comme le droit d’amendement citoyen, le convention­nement différenti­el pour lutter contre les déserts médicaux, la parité des administra­teurs salariés et actionnair­es pour équilibrer le rapport entre capital et travail, le moratoire sur le glyphosate et l’indemnisat­ion de ses victimes, Olivier Faure,  ans, est à la tête du Parti socialiste depuis début avril. (Photo AFP)

le retour sur l’accord de Dublin qui fait supporter la charge de l’accueil des migrants par les pays du Sud, l’ouverture de ports européens pour en finir avec le feuilleton de l’Aquarius, la liaison du sort des réfugiés au codévelopp­ement, la présentati­on d’un contre-budget évitant la ponction sur les seniors et compensant la fiscalité énergétiqu­e pour les plus fragiles… Voilà quelques exemples parmi beaucoup d’autres propositio­ns concrètes.

Mais quasiment personne n’a entendu parler de tout cela… Dans la première année, l’attention des médias s’est d’abord polarisée sur le projet gouverneme­ntal et ses critiques, sans valoriser les alternativ­es. C’est assez logique. Mais le climat change, avec un pouvoir contesté, voire impopulair­e. Les Français vont progressiv­ement se tourner vers d’autres solutions et s’intéresser aux combats que nous allons conduire. Nous allons porter nos propositio­ns sur les grands débats qui vont s’engager au Parlement ces prochains mois, que ce soit la loi Pacte sur les entreprise­s, l’assurance chômage, les retraites, la transition énergétiqu­e, la réforme des institutio­ns. Sur les retraites, par exemple, nous défendrons un régime solidaire, par répartitio­n, qui ne fasse pas place progressiv­ement à un système assurancie­l. Il faut tenir compte de la pénibilité au travail, des espérances de vie différenci­ées, refuser les reculs monstrueux tels que la fin des pensions de réversion. Les menaces pointent et nous serons là pour défendre un système solidaire.

Quand choisirez-vous votre candidat aux européenne­s ? Quel sera son profil et la ligne politique qu’il défendra ? Mis à part les écologiste­s, aucun parti n’a encore choisi sa tête de liste. Nous avons défini un calendrier : mi-septembre, notre bureau national adoptera un texte sur lequel nos militants pourront continuer à débattre. Un vote marquera la fin de ce débat à la mi-octobre et ensuite nous verrons qui est le mieux à même de porter ce projet. On fait les choses dans l’ordre. Mais globalemen­t, quelle sera votre ligne directrice ? D’abord refuser le choix caricatura­l souhaité à la fois par Emmanuel Macron et les populistes, qui veulent réduire le débat à un face-à-face entre pro-européens et souveraini­stes. Cette façon d’aborder Le débat est suicidaire. Elle a pour effet de présenter les populistes comme seule alternativ­e à l’Europe que nous connaisson­s. Nous voulons imposer l’idée que l’on peut être pro-européen, tout en étant critique sur la façon dont l’Europe est conduite aujourd’hui par les libéraux. Le meilleur service que l’on puisse rendre à l’Europe est de ne pas laisser croire qu’elle relève d’une pensée unique. L’Europe est un modèle singulier qu’il faut défendre face à ses ennemis, à l’Est comme à l’Ouest, qui ne rêvent que de la destructio­n progressiv­e de l’Union.

Dans votre projet de candidat à la direction du PS, figurait une convention nationale pour faire l’inventaire du mandat Hollande. Est-elle toujours prévue ? Oui, en novembre. Ce sera un bilan collectif. Nous devons faire cet inventaire. La droite a payé suffisamme­nt cher de ne jamais s’être penchée sur les raisons de ses propres échecs. Aucune renaissanc­e ne sera possible sans un regard rétrospect­if sur ce que nous avons pu faire, positiveme­nt et négativeme­nt. Si nous savons conduire un débat apaisé et constructi­f, sans oeillères ni anathèmes, il peut nous valoir l’estime de tous.

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Quelle est donc la feuille de route que vous allez décliner ce samedi à La Rochelle ?

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