Monaco-Matin

Le Cannet : « Je ne regrette pas mon geste »

Accusé d’avoir tué sauvagemen­t ses parents et sa soeur, le suspect interpellé dimanche a avoué sans difficulté. Pire : il revendique un geste prémédité. Il a été interné, mais l’enquête se poursuit

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Ce dimanche matin, le jour se lève sur le Cannet-Rocheville. Georges Bitar l’ignore encore, mais il le voit pour la dernière fois. L’alerte septuagéna­ire s’est levé le premier, dans l’appartemen­t qu’il habite avec sa femme Yolla, 61 ans, leur fils Bernard, 31 ans, et leur fille Bernadette, 21 ans. Cette famille d’origine libanaise s’est installée il y a une vingtaine d’années ici, au troisième étage de la Résidence du square, au 112 boulevard Sadi-Carnot. « Un immeuble où il ne se passe jamais rien », soupire Alain Cherqui. Le patron de la police municipale cannettane, encore abasourdi, hier, par le drame qui frappe sa commune, décrit « des gens très sympas, hyper calmes. » Ce 2 septembre 2018, Georges Bitar s’assoit dans un fauteuil, dans le salon où il dormait, aux dires de son fils. Il allume la télé, une cigarette aussi. Son fils Bernard vient l’entreprend­re. Et se met à déballer ses tourments. Il reproche à sa famille de ne pas le prendre en considérat­ion. À sa soeur, de le prendre de haut. Son père ne répond pas. Alors le trentenair­e quitte la pièce, s’en va chercher l’un de ces couteaux dont il fait collection. Et revient se muer en assassin.

Des coups par dizaines

Tel est le scénario, macabre, retracé à ce stade par les enquêteurs de la PJ de Nice, après le triple meurtre familial qui a glacé d’effroi la Côte d’Azur (nos éditions d’hier). Un scénario qui repose, en partie, sur le récit de Bernard Bitar. Cet homme introverti, renfermé, vivant du RSA et féru de jeux vidéo, était jusqu’ici inconnu de la police. Sans suivi psychiatri­que connu, il aurait lardé de coups de couteau son propre père. Le septuagéna­ire n’aurait même pas eu le temps ou la force de crier. Il n’en va pas de même dans la pièce voisine où se rend à présent Bernard. Sa mère et sa soeur dorment là. Le fils est allé chercher un second couteau. « Deux couteaux à steak », précise le procureur de la République de Grasse, Fabienne Atzori. Bernard s’en prend aux deux femmes. Yolla, la maman, tente de protéger sa fille Bernadette. En vain. Les coups pleuvent. Par dizaines. Bientôt, le sol de l’appartemen­t est maculé de sang. Et les corps des malheureus­es gisent inertes, à l’instar du père de famille.

Il tente de maquiller la scène de crime

Dans un premier temps, Bernard tente de mettre en scène un crime intrafamil­ial dans lequel il n’aurait joué aucun rôle. « Ça ne tenait pas la route deux minutes », souffle une source proche de l’enquête. Tournant le dos à ce funeste spectacle, le jeune homme va alors prendre... une douche. Et réalise qu’il ne pourra pas dissimuler la réalité bien longtemps. Il décide alors d’appeler un cousin, dont il est proche. Il lui laisse un message où il s’accuse du triple meurtre. Sitôt après en avoir pris connaissan­ce, le cousin alerte le commissari­at de Cannes, à 10 h 15. Une scène d’horreur et des voisins paniqués attendent les fonctionna­ires. Les policiers interpelle­nt l’assassin présumé sur le palier de l’appartemen­t, prostré, muni des deux couteaux.

« Geste préparé, réfléchi »

Comment le destin de la famille Bitar, ces parents et cette jeune femme unanimemen­t appréciés, at-il pu être fauché par cette folie meurtrière ? Bernard Bitar est sans doute le premier à pouvoir y répondre. « Il était fragile, complexé... spécial », témoignent des proches de la famille, rencontrés ce lundi à Cannes et au Cannet. Voisins, commerçant­s, tous se disent sous le choc, plongés dans la tristesse et la stupeur. « Je ne regrette pas mon geste. Il était préparé, réfléchi et prémédité », a froidement déclaré Bernard Bitar au cours de sa garde à vue. « Je n’en pouvais plus de ma famille », a-t-il lâché, s’estimant « trahi ». De son attitude face aux limiers de la police judiciaire n’aurait transpiré aucune empathie, aucun remords manifeste. Bien au contraire. Même son conseil, Me Emmanuelle Vial, semble perplexe face à ce profil atypique. Prudente en l’état de cette « triste affaire », l’avocate s’en tient à décrire « un homme très seul » ,qui « se sentait persécuté, victime de l’indifféren­ce de sa famille. » Dimanche soir, l’assassin présumé a été interné, l’expert-psychiatre jugeant son discerneme­nt altéré. Mais l’enquête, ouverte par le parquet de Grasse pour « homicides volontaire­s avec préméditat­ion », ne fait que débuter. En attendant les autopsies à venir, les enquêteurs de la crim’ entendent l’entourage de la famille Bitar, leurs relations profession­nelles, les sapeurs-pompiers intervenus la veille au même endroit. Pour décrypter les ressorts intimes d’un drame que rien, à première vue, ne laissait présager.

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(Photo Franck Fernandes) La police devant l’immeuble où s’est noué ce drame à huis clos, dimanche matin.

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