Monaco-Matin

Portable interdit : pas de friture entre profs et élèves

C’est la première rentrée officielle­ment sans téléphone portable dans les collèges azuréens. Reportage à Joseph-Vernier à Nice, où cette interdicti­on, déjà en vigueur depuis trois ans, porte ses fruits

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Ça se fera peut-être plus en douceur pour nous, ce sera une sorte de sécurité et cela nous facilitera certaineme­nt un peu la tâche. Mais, concrèteme­nt, je pense que ça ne changera pas grand-chose», sourit Charlène, enseignant­e d’EPS au collège Joseph-Vernier à Nice. Hier matin, en tant que professeur­e principale, elle accueillai­t ses élèves de sixième dans la cour. Un moment solennel. Une rentrée scolaire en musique comme voulu par le ministre de l’Éducation nationale… Mais il y a une musique qui est désormais officielle­ment bannie des collèges : la sonnerie des téléphones portables aussi mélodieuse soit-elle. C’était hier la première rentrée après l’adoption de la loi sur «l’encadremen­t de l’utilisatio­n du téléphone portable dans les établissem­ents d’enseigneme­nt scolaire ».

« Nous n’avons pas attendu la loi »

Pour nombre de collèges azuréens ce ne sera pas une révolution. À Joseph-Vernier comme dans d’autres établissem­ents, l’utilisatio­n du téléphone était déjà proscrite. Le cadre légal permettra seulement de faciliter le travail de la communauté éducative. Et de lever un flou juridique. «Nous n’avions pas attendu Le portable banni des collèges. Dans les salles de classe, comme dans la cour de récréation. (Photo Sébastien Botella)

une loi, nous avions anticipé depuis trois ans, précise Charlène. Les élèves ne peuvent pas utiliser leur téléphone dans tout l’établissem­ent, cour de récréation compris. Et même pendant les temps de transports lors des sorties scolaires. » En ce jour de rentrée, les « petits » sixièmes sont un peu anxieux. Et le téléphone, hier matin, c’était un peu le cadet de leur souci. «Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou pas cette interdicti­on», souffle un petit bonhomme, sac à

dos et lunettes de vue. L’air coupable, il grimace : «Je l’ai dans mon sac… » Il se rattrape : « Mais mes parents m’ont dit de ne pas le sortir à l’école et de ne m’en servir qu’en cas d’urgence. » Lana, qui entre aussi en sixième, pense, elle, que cette interdicti­on « est une bonne chose. On va plus parler à nos camarades et on aura une vie sociale plus active.» Son amie, Um Kalthoum, confirme : « On sera plus concentré à parler avec les autres. »

Vivre ensemble

Créer du lien. Vivre ensemble et plus seulement côte à côte. Communique­r… C’était également le sens du discours du député Cédric Roussel qui, lui aussi, a fait sa « rentrée » au collège Vernier, hier. «Cette loi a été votée pour fixer un cadre légal», entame-t-il. Et d’espérer face aux élèves : « Une meilleure interactio­n entre vous, que vous ne soyez pas toujours la tête dans vos écrans. Vous allez ainsi mieux vous connaître. Mieux vivre ensemble pour mieux apprendre. » Mieux apprendre, c’est également l’attente du recteur de l’académie de Nice présent à Vernier, hier matin. «Les années collège sont fondamenta­les. Prenez du plaisir à apprendre , à comprendre à recevoir », lance Emmanuel Ethis aux enfants un peu impression­nés.

« Il faudrait l’interdire aussi au lycée »

De l’avis de Mikaël, le conseiller principal d’éducation, cette interdicti­on « est nécessaire : l’élève est plus concentré et entre eux, il y a une plus grande cohésion.» Autre intérêt, argumente le CPE : «une meilleure relation avec la communauté éducative. » Pour lui, c’est certain : « Avant, en cas de problème l’enfant pouvait prendre contact avec l’extérieur. Sans portable, c’est vers nous qu’il va se tourner et un climat de confiance va s’instaurer avec les adultes, c’est très important.» Mikaël estime même judicieux «d’interdire l’utilisatio­n aussi dans les lycées.»

« En cachette »

« Le climat de la vie scolaire est plus serein», abonde Michel Maffoni, le principal du collège Vernier. L’interdicti­on a permis aux élèves d’avoir « de nouvelles attitudes, de nouveaux jeux entre eux. Une meilleure relation, une meilleure communicat­ion». Et l’on revient au vivre ensemble... Roumia, élève de troisième est d’accord pour admettre « quelques bons côtés » à l’interdicti­on : « Ça évite d’être filmés en cachette, de filmer des profs, c’est plus respectueu­x. » Mais elle y voit aussi des inconvénie­nts : « Si on a une urgence ou s’il faut prévenir ses parents, il faut aller à la vie scolaire, c’est pas toujours très rapide. » Son amie, Jamila, hausse les épaules : « C’est bien de pas avoir le portable tout le temps, on se parle plus ». « Et puis si vraiment on en a besoin, on le fait en cachette», rigole-t-elle.

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