Monaco-Matin

«Les gens ont envie qu’on parle de la réalité de leur vie»

Au sein des Républicai­ns comme de son mouvement La France audacieuse, qui fait sa rentrée aujourd’hui, Christian Estrosi se pose en agitateur d’idées concrètes au service des territoire­s

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Christian Estrosi fait ce vendredi sa rentrée politique «nationale». Son mouvement La France audacieuse organise des ateliers de réflexion à Saint-Laurent-du-Var. Il y accueille notamment Valérie Pécresse, tandis que Xavier Bertrand interviend­ra par vidéo interposée. Il a livré hier à Nice-Matin sa vision des enjeux de la droite et du pays.

Serez-vous candidat, le  octobre, à votre succession à la tête de la fédération LR des Alpes-Maritimes ? S’agissant d’une élection interne, je réserve ma réponse à ceux qui depuis tant d’années m’accordent leur confiance.

Mais la date limite de dépôt des candidatur­es arrive vite, c’est le  septembre… Je respectera­i le calendrier.

Vous vous rapprochez de Valérie Pécresse. Par rejet de Laurent Wauquiez ou par conviction de pouvoir rénover votre famille politique de l’intérieur ? Au regard de la place qui est la mienne chez Les Républicai­ns, je discute avec beaucoup d’amis, que ce soit Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Hervé Morin ou encore tous les maires membres de La France audacieuse. Notre but est de faire entendre la voix des territoire­s. Les périodes qui suivent les défaites électorale­s sont toujours délicates, il faut du temps pour que les morceaux se recollent. L’enjeu est de reconstrui­re une droite et un centre dans ce pays. Moi, ma démarche n’est pas contre qui que ce soit, elle est pour. Ce n’est pas tous contre un, c’est nous pour tous. Nous sommes, pour un certain nombre d’entre nous, d’inlassable­s militants du rassemblem­ent. Nous voulons apporter une pierre de plus au rassemblem­ent et à l’unité de la droite qu’il va bien falloir rebâtir.

Dans un univers politique saturé, la floraison des chapelles ne va-t-elle pas justement à l’encontre du rassemblem­ent ? Non. L’UMP représenta­it déjà la diversité des voix à droite. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy nous ont habitués à une organisati­on où de nombreuses voix pouvaient s’exprimer. Que ce soit clair : moi, je suis membre des Républicai­ns et je ne serai pas celui qui fermera la porte et éteindra la lumière. La diversité de ma famille s’exprime aujourd’hui sous diverses marques, Libres !, La France audacieuse, La Fabrique… Mais tout cela a vocation, à un moment donné, à ce que nous nous retrouvion­s. Tous les électeurs de droite n’attendent pas les mêmes réponses. Or, après cinq ans de socialisme et un an d’un pouvoir qui se cherche, si on n’alimente pas le débat d’idées, les extrêmes vont devenir menaçants et les populismes vont l’emporter. Certains ressassent des idées tournées vers le passé, comme remettre des barbelés contre l’immigratio­n ou restaurer la peine capitale. Il faut simplement que ça respecte des valeurs humaines et morales et qu’on n’aille pas flirter avec le Rassemblem­ent national. Il y a toujours eu une aile plus droitière, une aile plus sociale et une aile plus libérale chez nous. Il est important qu’elles alimentent le débat d’idées. Les gens ont envie qu’on parle de la réalité de leur vie, qu’on leur donne des perspectiv­es d’avenir, pas qu’on évoque des positionne­ments politiques dont ils n’ont que faire. Quel regard portez sur la rentrée chaotique du gouverneme­nt ? On a l’impression que Macron, vous en revenez un peu… Le pouvoir en place a passé un été pourri, suivi d’une rentrée très difficile. Cela pose le problème de sa manière de gouverner. Le gouverneme­nt a commis des erreurs, il y a eu une part d’inexpérien­ce sur le casting. Choisir des experts qui n’ont pas d’expérience a souvent généré des déconvenue­s. Nicolas Hulot est sans doute l’un des écologiste­s les plus formidable­s, mais il faut avoir mené des combats pour résister aux pressions, imposer des réformes, trouver la voie de la diplomatie qui permette d’assurer les grands équilibres. Ça ne s’improvise pas. Moi, je jugerai sur la durée. On a tous besoin que la France gagne. Je ne suis le béni-oui-oui de personne et si nous avons bâti La France audacieuse, c’est bien pour pouvoir dire que nous n’avons pas de chef. A Nice, je n’ai de comptes à rendre qu’à mes administré­s, ce sont eux mes patrons. Peut-être que le Président n’a pas encore intégré tous les paramètres dans sa relation avec les territoire­s. Mais je ne suis pas de ceux qui, parfois en des termes très vulgaires, vont arrêter leur jugement aujourd’hui. Des réformes, comme celle de la SNCF, sont allées dans le sens de ce que je voulais. Idem pour la défiscalis­ation des heures sup’ pour les salariés, que François Fillon ne proposait même pas. En revanche, il n’est pas bon pour nos institutio­ns que le président de l’Assemblée nationale s’en aille au bout d’un an. Ça affaiblit l’institutio­n. J’ai aussi besoin d’être éclairé sur les desseins du nouveau ministre de la Transition écologique quant au nucléaire civil. Pour moi, qui ai été ministre de l’Industrie, c’est ce qui nous permet d’avoir l’énergie la moins coûteuse en Europe, en apportant aussi de la compétitiv­ité et une énergie électrique propre.

Quel est pour vous le calendrier idéal de sortie du nucléaire ? Pour moi, il n’y a pas à sortir du nucléaire. Il faut juste réduire sa part en mettant le paquet sur les énergies renouvelab­les. Je veux qu’on passe du militantis­me de la décroissan­ce à l’écologie pragmatiqu­e d’une croissance verte et durable. Si on met les moyens nécessaire­s à l’échelle de l’Europe, on doit être au moins à parts égales entre le nucléaire civil et les énergies renouvelab­les à l’échéance de . Des choses sont faisables dès maintenant : péage gratuit pour les véhicules électrique­s sur les autoroutes, taxation des   poids lourds qui chaque année transitent dans la seule Région Sud…

Vous vous élevez contre la désindexat­ion des retraites sur l’inflation… Le pouvoir d’achat est un sujet majeur aujourd’hui. Ce ne peut plus être la variable d’ajustement de nos politiques économique­s. On est arrivé à un niveau où la fiscalité a atteint un record absolu. Le pouvoir d’achat des retraités est régulièrem­ent amputé. Emmanuel Macron ne peut pas gouverner uniquement pour la minorité de Français qui sont les gagnants de la mondialisa­tion. Il doit gouverner pour ceux qui ont réussi comme ceux « qui ne sont rien », même si je n’aime pas cette expression. Je lui demande donc de revenir sur sa décision. Cette désindexat­ion doit être modulée pour ne pas traiter de manière identique une petite retraite et une retraite confortabl­e (Edouard Philippe s’oriente vers cette solution, ndlr).

La France audacieuse a-t-elle aussi des propositio­ns pour le pouvoir d’achat des actifs ? L’exonératio­n des charges sur les heures supplément­aires, je l’ai dit, est une très bonne mesure. La formule « travailler plus pour gagner plus » est pour moi plus que jamais d’actualité. Mais pour augmenter le pouvoir d’achat, il faut surtout que l’économie soit prospère. Il faut gagner des points de croissance, faire baisser le chômage et faire rentrer du PIB. Or,  % de la commande publique, ce sont les collectivi­tés, l’Etat ne pèse que pour  %. Il faut donc que l’Etat permette aux collectivi­tés d’être plus performant­es. Pour cela, nous proposons l’exonératio­n d’impôt pour les entreprise­s qui font plus de  % de leur chiffre d’affaires dans la recherche et le développem­ent et qui investisse­nt sur nos territoire­s, l’exonératio­n des bénéfices réinvestis dans l’entreprise et la défiscalis­ation à  % des investisse­ments dans une start-up par des personnes extérieure­s au capital. Ce serait la possibilit­é pour des gens issus des classes moyennes de prendre part à une politique d’innovation. Dans le même esprit, je propose la création d’un livret d’épargne territoria­le, pour favoriser l’innovation et la solidarité territoria­le. L’assurance-vie représente en France  milliards d’euros de capitalisa­tion, qui vont souvent sur des fonds de pension américains. En redirigean­t  % de cette somme vers l’industrie et la recherche, grâce à ce livret, nous pourrions soutenir la production industriel­le et inciter à sa souscripti­on en défiscalis­ant ce placement à long terme. La France audacieuse propose la suppressio­n de la taxe d’habitation pour tout le monde. Nous suggérons aussi d’affecter aux communes et intercommu­nalités l’ensemble des impôts fonciers des particulie­rs, ou encore de transférer une partie de la CSG aux départemen­ts pour faire face aux dépenses sociales. L’Etat s’y retrouvera en permettant aux collectivi­tés de contribuer à la croissance. Le bon raisonneme­nt est de chercher la compétitiv­ité. C’est un cercle vertueux : plus il y a d’attractivi­té, plus il y a d’emploi, plus il y a de recettes et moins de dépenses sociales.

Que proposez-vous en matière de lutte contre le terrorisme ? Il est indispensa­ble d’associer les acteurs locaux à la prévention du terrorisme et de la radicalisa­tion. Nous les maires sommes les gestionnai­res des espaces publics sur lesquels la barbarie vient frapper. L’an dernier, j’ai effectué plusieurs dizaines de signalemen­ts au procureur de la République. Nous pouvons être de formidable­s auxiliaire­s des services de l’Etat. Je demande toujours à ce que les fichiers S soient communiqué­s aux maires. Nous avons aussi à Nice un logiciel qui permettrai­t de faire de la reconnaiss­ance faciale et de plaques d’immatricul­ation. L’Etat nous en refuse l’utilisatio­n, tout cela parce que la CNIL, sur la base de la loi Informatiq­ue et liberté de , dit pas question. Mais depuis , notamment avec les réseaux sociaux, le monde a bien changé.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

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Quid de vos suggestion­s en matière de fiscalité ?

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