Monaco-Matin

LES CHASSEURS EN ONT MARRE D’ÊTRE CIBLÉS

Les chasseurs, « premiers écologiste­s de France » ? Le slogan crée le débat, en cette rentrée où ils font l’actualité. Alors que la saison s’ouvre ce matin, la parole est à leur porte-parole azuréen

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La saison de chasse s’ouvre ce matin sur fond de polémiques, ses adeptes étant montrés du doigt depuis le départ de Nicolas Hulot. Et si c’était eux, malgré tout, les « premiers écologiste­s de France » ?

L’épisode a tout l’air d’un arbre qui cache la forêt. Et Nicolas Hulot n’a probableme­nt pas attendu de débusquer un lobbyiste pro-chasse à l’Elysée pour vouloir claquer la porte. N’empêche : depuis le coup de tonnerre politique de la fin août, les chasseurs sont au coeur de l’actualité de rentrée. Ce matin s’ouvre une nouvelle saison pour les 7000 chasseurs des Alpes-Maritimes. En toile de fond : la perspectiv­e d’un permis national bientôt deux fois moins cher (200 euros au lieu de 400), et une contreoffe­nsive controvers­ée claironnan­t « Les chasseurs, premiers écologiste­s de France ? » Cela valait bien les explicatio­ns de Jean-Pierre Caujolle. Ce Niçois de 59 ans, qui préside depuis 2016 la Fédération départemen­tale de chasse des A.-M. (www.fdc06.fr), est par ailleurs viceprésid­ent de la fédération Paca.

Au vu des conditions récentes, la saison s’annonce-t-elle comme un bon ou un mauvais cru ? Ce devrait être un cru moyen. La sécheresse de  a impacté la reproducti­on des sangliers, car les femelles ont du mal à atteindre les  kg nécessaire­s pour pouvoir se reproduire. L’autre problème, c’est l’impact des pluies du printemps sur les naissances des bébés chevreuils. Si vous y ajoutez les couches de neige de l’hiver et le loup, ce ne sont pas de bonnes conditions pour les chevreuils. Quant au petit gibier, l’indice de reproducti­on du tétras-lyre n’étant pas assez élevé, on ne l’ouvrira pas cette année. On ne chassera que les bartavelle­s, pour lesquelles la reproducti­on était meilleure.

Le sanglier reste une priorité pour les chasseurs azuréens ? Il faut toujours être prudent avec le sanglier : quand il est en pleine capacité de reproducti­on, ses effectifs doublent chaque année ! L’an dernier,   battues ont été organisées par les chasseurs des A.-M. pour le sanglier, soit   sorties de chasse. En comptant la louveterie [ndlr : les prélèvemen­ts administra­tifs],   sangliers ont été prélevés. Désormais, un logiciel nous permet de gérer la pression de chasse et les résultats des équipes de battue, en suivant l’évolution au jour le jour.

Est-ce cela, la chasse adaptative que prône le président de votre fédération nationale, avec un comptage via les smartphone­s ? Le président de la fédération a lancé une grande réforme de la chasse pour la moderniser. En France, on passe souvent du statut d’espèce “chassable” au statut d’espèce “protégée”. Il n’y a pas de statut intermédia­ire. Cela crée des surpopulat­ions que l’on ne peut absolument pas gérer ! La chasse adaptative permet de pratiquer un comptage en temps réel sur les espèces, de gérer par smartphone et d’éviter un dépassemen­t. Pour l’instant, ce n’est pas mis en place.

Où en est l’applicatio­n du « plan loup » dans notre départemen­t ? Le ministère a estimé le nombre de loups en France à  loups, avec un quota de prélèvemen­t de  %.  seront donc prélevés. On en est à  ou , dont  dans notre départemen­t, le premier en dégâts dus au loup - plus de la moitié des   brebis mangées en France le sont dans les Alpes Maritimes. Pour l’instant, seuls les tirs de défense sont autorisés, pas les tirs de prélèvemen­t. Mais si on nous le demande, j’appellerai nos chasseurs à aider nos éleveurs, pour leur éviter la catastroph­e... On se tient à leur dispositio­n.

En tant que fédération, quel est votre champ d’action ? Au niveau départemen­tal, les gens croient souvent qu’on ne s’occupe que de chasse. En réalité, on est chargé de la gestion de la faune du départemen­t. Rien que pour protéger la biodiversi­té, j’investis   euros par an ! Cela passe par la réouvertur­e des milieux [naturels]. Hormis le sanglier, la faune sauvage n’arrive plus à se nourrir dans la forêt dense. On rouvre donc tous les chemins hors GR. Cela profite aux promeneurs et randonneur­s autant qu’à la faune.

Est-ce à ce titre que les chasseurs s’auto-proclament « premiers

écologiste­s de France » ? Au niveau national, la moitié des chasseurs font des actions de bénévolat. Chaque chasseur, c’est  heures de bénévolat pour la nature par an. On n’a pas attendu Jean-Pierre Caujolle, président de la Fédération des chasseurs des Alpes-Maritimes. (D.R.) que la biodiversi­té soit tendance pour s’en occuper ! Etant au contact de la nature toute l’année, on a vu depuis longtemps que c’était détraqué. On se bat depuis les années . Mais comme on se fait taper sur les doigts à longueur de journée, là, on se décide à communique­r davantage. Moi, sur le terrain, des écolos, je n’en vois pas beaucoup...

Vous pensez à Brigitte Bardot, qui a répondu à votre campagne en citant Audiard sur l’air de « Les cons, ça ose tout » ? Il y a deux types d’écologiste­s. Je m’entends très bien avec les vrais écologiste­s de terrain, écologiste­s pragmatiqu­es, qui savent quel effet protecteur nous pouvons avoir sur la nature. Et il y a les écologiste­s dogmatique­s, intégriste­s, qu’on entend sans arrêt à la télé et sur les réseaux sociaux...

Comment voyez-vous l’arrivée d’un François de Rugy qualifié « d’écologiste pragmatiqu­e » ? Il faut attendre, pour voir s’il ne sort pas des idées toutes faites. Au niveau départemen­tal en tout cas, ça se passe bien. On discute avec des membres de la LPO [Ligue de protection des oiseaux], de l’ONF [Office national des forêts] ,de l’ONCFS [Office national de la chasse et de la faune sauvage] ,des écologiste­s...  % de nos intérêts sont communs. On aurait un poids politique plus fort si on arrivait à parler d’une même voix.

Certaines positions semblent difficilem­ent réconcilia­bles...

Quand on chasse, il y a bien un moment où on prélève les animaux. Mais l’éthique de la chasse, c’est de générer le moins de souffrance possible. Si on voit des comporteme­nts déviants, on le signale auprès des sociétés de chasse. On a créé une associatio­n de formation au tir, afin que l’animal soit tué sur le coup.

Comment contrôler les dérives ? Le moniteur de tir est le premier à les remettre à leur place. On a tous des brebis galeuses. Je n’hésiterais pas à sévir ou alerter la police si je vois des gens aux comporteme­nts inappropri­és. Vos détracteur­s vous reprochent de recourir à la chasse à la glu... Le principe de la chasse à la glu, c’est d’attraper des grives vivantes pour s’en servir comme appelants pendant la saison de chasse, pour les relâcher à la fin de la saison. Ce n’est pas pour les tuer !

Comment gérer la cohabitati­on avec les promeneurs en forêt ? Quand on a un permis de chasse, on ne chasse pas partout, mais sur un territoire loué chaque année.  % des territoire­s chassables de France appartienn­ent à des sociétés de chasse. Les risques d’accidents sont liés aux battues aux sangliers ou aux cervidés sur les  % restants, signalés par des actions de communicat­ion et une signalétiq­ue orange. Mais on est bien conscients que le bruit des carabines fait peur aux gens. On réfléchit donc à des systèmes pour informer en mairie des périmètres des battues, à un système avec des smartphone­s... Des réflexions pour redorer l’image de la chasse.

Comment expliquez-vous cette piètre image des chasseurs ? Notre société est de plus en plus citadine. Elle ne connaît pas les codes de la campagne. Si certains n’essayaient pas de monter les gens contre nous, ça irait beaucoup mieux !

Espérez-vous de nouvelles adhésions avec la baisse du prix du permis ? Et pour quand ? Le nombre de chasseurs baisse lentement en France, mais le nombre de candidats au permis est en augmentati­on constante depuis dix ans (de  % par an). Le permis de chasse va passer à  euros l’an prochain. Cela permettra aux gens de pratiquer un tourisme cynégétiqu­e, voire d’aller exercer une pression de chasse là où il n’y a plus assez de chasseurs pour gérer la faune.

Qui sont les chasseurs, perçus comme très conservate­urs ? Leur particular­ité, c’est la mixité sociale et profession­nelle. Ce sont des gens de tout milieu - d’autant que la chasse est très accessible dans notre départemen­t - et de tout bord. On n’est pas plus extrémiste­s que les autres !

Pour l’ouverture, quel message souhaitez-vous adresser aux chasseurs... et aux promeneurs ? Pour les chasseurs, continuez à assumer votre passion, mais avec un maître-mot : la sécurité. Pour les promeneurs, n’hésitez pas à nous connaître, à venir discuter. Le chasseur, c’est une personne qui gagne à être connue.

On n’a pas attendu que la biodiversi­té soit tendance ! ”

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