Monaco-Matin

« Pourquoi ne pas transforme­r certains monuments en hôtels pas cher ? »

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Actuelleme­nt à Pékin, Stéphane Bern a répondu à nos questions. Il y a un an, Emmanuel Macron lui confiait une « mission d’identifica­tion et de sauvegarde du patrimoine ». C’est dans ce cadre qu’il a lancé un Loto du patrimoine, afin d’éviter la disparitio­n de 250 chefs-d’oeuvre en péril. Comment se passe le lancement du Loto du patrimoine ? Visiblemen­t, les tickets de grattage se vendent assez bien. Plus d’ailleurs dans les territoire­s qu’à Paris. Ils sont un peu chers, à  euros, mais il existe aussi une grille à  euros, dont le tirage aura lieu le  septembre. Ce n’est pas un impôt mais une contributi­on volontaire et ludique. Pourquoi  % seulement de ces sommes reviennent au patrimoine? C’est avant tout un jeu d’argent, régi à la fois par la FDJ et le ministère des finances. Et il y a des règles à respecter :  % doivent retourner aux gagnants. Ceux qui préfèrent faire une contributi­on directe sans jouer, je les invite à le faire auprès de la Fondation du patrimoine. En plus, c’est défiscalis­é.

Qui devrait davantage contribuer à l’entretien du patrimoine ? Le problème est que l’entretien du patrimoine est une ligne budgétaire qui finance autre chose que l’entretien du patrimoine. Regardez l’église Saint-Joseph des charpentie­rs à Rome (dont le toit a cédé en août, Ndlr), les bâtiments s’effondrent quand on ne les entretient pas. Il est facile de trouver de l’argent pour les restaurer. Ce qu’il aurait fallu, c’est les entretenir. Qu’il soit public ou privé, le patrimoine nous appartient à tous. Victor Hugo disait à propos des monuments : « Son usage appartient au propriétai­re, la beauté à tout le monde ». Nous en sommes collective­ment dépositair­es et responsabl­es. Je voudrais que l’on arrête de considérer le patrimoine comme un coût financier, comme un boulet pour les départemen­ts et les communes. C’est au contraire un investisse­ment qui crée de l’emploi, de l’attractivi­té dans les territoire­s. Quand je vois le tollé que ces propos suscitent, je me dis que j’aurais réussi au moins une chose dans le cadre de ma mission : « Que tout le monde en parle ».

D’où ce petit coup de chaud avant de partir pour la Chine… Je suis là avec ma petite cuillère en train d’écoper le navire qui prend l’eau de toutes parts et je vois que l’on donne des sommes folles à des sites qui n’en ont pas besoin comme le Grand Palais.  millions! Alors qu’il a déjà été restauré, simplement pour le préparer pour les JO de . Pourquoi toujours les villes, pourquoi toujours Paris capitale ? Pourquoi pas les territoire­s ruraux alors que La moitié du patrimoine est situé dans des villages de moins de  habitants ? Il faut que le Président envoie un signal fort à la ruralité.

Avec ces  millions, que pourrait-on faire ? J’ai déjà besoin de  millions pour sauver les  monuments dont je parle. Je précise que mes propos ne visaient pas seulement l’exécutif. Je fais partie de la société civile et je ne fais pas de politique. Je suis aussi agacé par la récupérati­on de M. Wauquiez quand il annonce, cette semaine, qu’il va me donner  millions pour le patrimoine. Il a déjà du mal à trouver de l’argent pour le musée du tissu de Lyon. Qu’il se concentre plutôt là-dessus.

Pourquoi pas une taxe au profit du patrimoine, sur le modèle de la taxe de séjour ? Je trouve l’idée tout à fait juste. Après tout, le patrimoine fait vivre l’hôtellerie. Je ne l’appliquera­is pas aux Français mais aux touristes étrangers. Avec une taxe de  euro, acquittée par  millions de touristes étrangers, j’arrêterais mes coups de gueule. Avec le Loto, je vais obtenir  millions, peut-être  de plus avec les mécènes que je vais solliciter. Il est peut-être temps que l’on m’aide aussi.

Vous avez l’air déçu du montant rapporté par le Loto ? Je vois bien que c’est une goutte d’eau dans l’océan. Quand j’entends que des milliards d’euros vont être débloqués pour telle cause nationale, je me dis que deux milliards suffiraien­t pour réhabilite­r l’ensemble du patrimoine français. Pourquoi ne pas en faire une cause nationale !

Le patrimoine français est-il bien entretenu ? Le patrimoine religieux souffre tout particuliè­rement. Si vous devez restaurer une église, cela coûte de   à  millions d’euros. Dans les grandes villes, il est facile de trouver ces fonds, avec  habitants, c’est impossible.  % de notre patrimoine est en danger. Même à Notre-Dame-de-Paris, il y a des arcsboutan­ts qui sont en train de tomber. À défaut d’un ticket d’entrée, on pourrait demander une contributi­on volontaire à la sortie.

Quels vestiges, quelle période de l’histoire, sont plus particuliè­rement menacés ? Toutes les périodes. Certes, les sites archéologi­ques antiques sont en train d’être protégés, mais le patrimoine du XXe siècle est menacé, en particulie­r ouvrier et industriel. Tous les monuments ne sont pas destinés à être visités comme Versailles mais on peut leur donner une deuxième vie, les transforme­r en espaces de coworking ou en hôtels pas chers, comme la forteresse de Sedan.

D’ici combien de temps, pourraiton perdre ces  % de patrimoine ? En -  ans. Le réchauffem­ent climatique fait beaucoup de dégâts. C’est la première année où autant d’églises se dégradent, où des clochers s’effondrent à cause des excès de températur­e.

Les journées du patrimoine, où les passerez-vous? Principale­ment chez moi dans le Perche, avec le public qui visitera l’académie militaire de ThironGard­ais, mais le  au matin, je serai probableme­nt avec le président de la République sur l’un des sites emblématiq­ues du Loto du patrimoine. Malgré mes coups de gueule, il serait malvenu que je sois absent, en l’occurrence à Bougival, dans l’un de ces monuments emblématiq­ues de l’Ile-de-France en très mauvais état et que nous voulons sauver.

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